Chouette un nouveau western chez Gallmeister. L’assurance de ne pas être déçu. Le tireur de Glendon Swarthout est digne des autres titres de cette très belle maison.
JB Books est un survivant, la dernière légende de l’ouest en ce tout début de XX° siècle. S’il vient à El Paso, Texas, c’est pour y mourir. Atteint d’un cancer il se sait condamné et s’installe chez une veuve pour vivre ses derniers jours. Il n’y sera pas longtemps tranquille. Sa renommée est telle que, malgré son envie de rester anonyme, tout monde en ville sait qu’il est là, et qu’il est mourant. Curiosité morbide, rapacité, et envie de faire un carton sur la dernière légende d’un pays qui se « civilise » définitivement, les vautours se pressent sans même attendre que la carcasse ne refroidisse. Ils devraient se méfier, JB Books a l’intention de partir en beauté.
Waouw ! Ca c’est du western ! Quelle claque. Et pourtant, quelle accumulation de clichés : le tueur sans pitié mourant qui veut finir en beauté, la fin d’une époque, la chute des derniers géants et l’avènement des « boutiquiers », la veuve digne au grand cœur … On l’a vu, lu des dizaines de fois. Mais, pour quelqu’un élevé au biberon du cinéma américain, quel western peut encore prétendre ne pas être cliché ?
Après, tout ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Et là l’auteur en fait du bon, du très bon même. On est dans le genre noir, très noir, plus que crépusculaire.
La force essentielle du roman vient de l’intransigeance de l’auteur qui ne nous épargne rien. Ni la souffrance et la décrépitude du tueur, ni la mesquinerie des nains qui, avant même sa mort, viennent tenter de se partager sa dépouille. Dans cette grisaille, cette misère humaine, cette indignité, deux personnages sortent du lot.
JB Books lui-même, qui jette une lumière noire mais éblouissante tant il semble au dessus de l’époque mesquine et matérialiste qui est en train de surgir, et sa logeuse, femme forte, femme de principe qui sait reconnaître une erreur et faire preuve d’empathie et d’un minimum de valeurs morales. Les autres sont tous plus pourris, plus minables, plus écœurants les uns que les autres.
Et quelle scène finale ! Tout le roman converge vers cette confrontation. On l’attend, forcément, et on aurait pu être déçu. Il n’en est rien, elle est encore plus époustouflante, sanglante et terrible que tout ce que l’on pouvait imaginer. A la fois originale dans sa brutalité froide et classique dans son déroulement. On a tout ce qu’on espérait, et bien plus encore.
Une scène d’anthologie qui couronne comme il le mérite un grand roman.
Glendon Swarthout / Le tireur (The shootist, 1975), Gallmeister/Totem (2012), traduit de l’américain par Laura Derajinski.