Voici donc le second roman de l’anglais Nick Stone traduit à la série noire. Voodoo land nous ramène une vingtaine d’années avant Tonton Clarinette, à une époque où Max Mingus était encore flic à …
Miami, début des années 80. L'arrivée massive de la cocaïne a transformé une paisible ville de retraités en une des villes les plus violentes des USA. L'occasion pour certains flics de se sentir investis d'une mission. C'est le cas de Eldon Burns, chef de la Miami Task Force, l'unité d'élite de la police locale. Pour lui tout est bon pour éradiquer le crime … et plaire aux politiques. Preuves trafiquées, tabassages, exécutions sommaires, corruption, pactes avec certains truands … Eldon veut à tout prix devenir Le Flic de la ville.
Sous ses ordres, Max Mingus, ancien boxeur, flic borderline typique et Joe Liston, son coéquipier, qui accepte de moins en moins certains débordements. Quand ils se retrouvent à enquêter sur le meurtre d'un haïtien ils ne se doutent pas qu'ils vont se trouver au centre d'une affaire qui va les déborder complètement et que leur vie et leur santé mentale vont être en danger.
A propos de Tonton Clarinette j’écrivais ceci : « Voilà ce que j’appellerais un bon polar, solide, sérieux, bien fichu, bien meilleur qu’un simple thriller, car en plus d’être bien construit avec tous les ingrédients du thriller, il nous plonge dans un monde que nous ne connaissons pas, mais sans cette étincelle, ce … truc, très difficile à définir, qui fait que des romans comme Versus ou La griffe du chien sont d’une autre nature, d’un autre niveau. » (désolé de me citer …). Avec Voodoo Land Nick Stone saute le pas et écrit un roman hors norme, extraordinaire, dans le sens premier du mot.
Tonton Clarinette nous plongeait au cœur de la violence et de la corruption en Haïti, Voodoo Land s'attaque à la communauté haïtienne (qu'il connaît bien) à Miami. Au travers de ses branches criminelles. Et ça secoue salement ! Avec une intrigue millimétrée, une écriture survoltée, l'analyse de l'immigration cubaine et haïtienne à Miami, des allusions au soutien américain à la dictature haïtienne, il livre là un très grand roman, d'une ampleur et d'une richesse étonnantes.
Nick Stone se paye le luxe d’attaquer avec une scène hallucinante, et réussit à ne jamais laisser retomber le soufflé jusqu’à l’apocalypse finale. Un véritable tour de force.
Et ce n’est pas le seul. Ses références sont, excusez du peu, La griffe du chien de Don Winslow (remercié à la fin de l'ouvrage) et James Ellroy (cité également au détour d'une phrase). Si le lien avec Winslow est ténu, le roman traite du trafic de drogue et du soutien politique des USA aux pires dictatures des années 80, c’est surtout du côté d’Ellroy et de ses personnages qu’il faut chercher une influence. Eldon Burns est le digne pendant de Dudley Smith, pourri jusqu’à la moelle, impitoyable et mortel, et Max Mingus est un héros typiquement ellroyen, flic pas vraiment net, au bord de la folie et de la pourriture, sauvé par l’amour rédempteur d’une femme.
La grosse difficulté quand on est jugé à l’aune de tels monstres, c’est qu’on risque de souffrir de la comparaison. Il n’en est rien. Voodoo Land tient le choc et classe Nick Stone parmi les très grands.
Nick Stone / Voodoo land (King of swords, 2007), Série Noire (2011), traduit de l’anglais par Samuel Todd.