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9 septembre 2013 1 09 /09 /septembre /2013 22:25

J’ai déjà dit ici tout le bien que j’avais pensé du premier roman traduit de l’italien Maurizio De Giovanni. Je pense tout autant de bien de la suite de la série, Le printemps du commissaire Ricciardi.

 

DeGiovanni

Naples, 1931. Carmela Calise, usurière et cartomancienne des quartiers populaires est retrouvée assassinée, battue à mort. C’est au commissaire Ricciardi qu’incombe l’enquête. Ricciardi, qui met tout le monde mal à l’aise. Pas ouvertement hostile au régime, toujours subtilement ironique et désobéissant, ce fils d’une grande famille a un don particulier qui l’aide parfois, mais surtout le motive toujours à boucler ses enquêtes : Il perçoit, partout, la souffrance des morts et leurs dernières pensées. Cette motivation alliée à une grande intelligence et sensibilité font de lui un enquêteur hors pair. Et il aura besoin de tout son talent pour démêler le vrai du faux dans une ville rendue folle par les premiers effluves du printemps qui réveillent des désirs et des envies refoulés pendant tout l’hiver.


Ce qui frappe à la lecture de ce deuxième opus des aventures de Ricciardi c’est la virtuosité avec laquelle l’auteur construit une histoire par petites touches impressionnistes. On passe sans cesse d’un personnage à l’autre, d’un lieu à l’autre, à un rythme absolument époustouflant. De Giovanni, comme les meilleurs jongleurs garde toutes ses histoires en mouvement, les fait voler, virevolter, passer devant, derrière, haut dans le ciel, au raz du sol, sans jamais donner l’impression de peiner, sans jamais rien laisser tomber, jusqu’au salut final. Impressionnant.


Bien entendu ce n’est pas tout. Les personnages sont magnifiques, Ricciardi coincé dans son rapport aux vivants par la douleur que lui communiquent les morts, son adjoint qui ne sait comment aider un chef dont il pressent le malheur, et toutes une galerie de femmes napolitaines, belles et rebelles, victimes d’une société qui les oppressent qui se battent tous les jours, souffrent, pleurent mais repartent …


Et pour finir, quel beau portrait d’une ville massacrée par une architecture politique délirante dans son fantasme de grandeur pompier, mais quand même vivante, frémissante, éclatante à l’arrivée du printemps. Une ville où le régime mussolinien se fait sentir, sans que jamais l’auteur ne force le trait. On sait que le fascisme c’est mal, pas la peine de le répéter. Il lui suffit ici d’en montrer au détour d’une phrase, d’un dialogue ou d’un silence les effets concrets et délétères sur la vie quotidienne de gens, des habitants de la ville, ceux qui n’approuvent pas ni ne profitent, mais ne combattent pas non plus, ceux si nombreux qui se contentent d’essayer de vivre en subissant.


Un roman subtil, émouvant, magnifiquement écrit et construit. Un des grands romans de cette rentrée.


Maurizio De Giovanni / Le printemps du commissaire Ricciardi (La condana del sangue, La primavera del commissario Ricciardi, 2008), Rivages/Noir (2013), traduit de l’italien par odile Rousseau.

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