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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 09:46

Fin des vacances. C’est la rentrée, chez rivages aussi. Et d’emblée un choc avec ce premier roman magistral d’un anglais : Avec Né sous les coups de Martyn Waites ça commence très fort et très noir.

Waites

1984, quelque part dans le nord de l’Angleterre, les mineurs se mettent en grève pour combattre la fermeture de leur mine pourtant rentable, décidée par le gouvernement Thatcher. Tony Woodhouse, tout jeune homme, est le héros de la ville grâce au but qu’il a marqué contre Arsenal. Larkin est un jeune journaliste en colère, prêt à combattre par la plume au côté des mineurs, sa sœur Louise va tomber amoureuse de Tony. Tommy Jobson se taille une réputation de violence et de cruauté dans l’empire du caïd du coin.

Ils ne savent pas encore que Thatcher et ses alliés ont décidé d’écraser tous les mouvements populaires, dans le sang, les charges de police et une propagande massive. La solidarité ouvrière vit ses derniers instants, mais elle l’ignore encore.


Vingt ans plus tard, la ville est à moitié morte, les centres de réinsertion tentent de sauver quelques junkies et alcooliques. Tony boite et dirige un de ces centres, Tommy est le patron de la pègre locale, et Larkin revient, avec l’intention de dresser un bilan des années qui ont suivi la répression sanglante des grévistes. Le passé remonte, avec ses fantômes, et quelques vieux comptes vont devoir se payer.


Si j’en crois la quatrième de couverture, Né cous les coups est le premier roman de Martyn Waites. Il en est d’autant plus impressionnant. Pour un coup d’essai, c’est vraiment un coup de maître. Un très grand roman noir, dans le sens premier du terme, dans la lignée des deux romans de Stéphanie Benson sur la grève des mineurs de Liverpool (Brumes sur la Mersey et Sombre Liverpool).


Tout est magnifiquement maîtrisé et réussi dans ce roman.


La construction de l’intrigue, faite de va et vient entre « avant » et « maintenant », entre les années 80 du thatchérisme et le début des années 2000 de la désillusion complète est impeccable. L’auteur distille les faits et les indices, crée petit à petit une trame de suspense et de mystère là où l’on ne perçoit au début qu’une chronique, et les pièces du puzzle se mettent en place sans même qu’on se rende compte, jusqu’au dernier moment, qu’il y avait un puzzle. Très fort.


Les personnages sont de vrais personnages de roman noir. Fragiles, blessés, cassés, et pourtant toujours debout. Tous sont touchants à un moment ou un autre, tous sont agaçants ou même haïssables à un moment ou un autre. Tous ont été brisés par la politique libérale de la mère tape-dur. Même s’il les présente bien comme des victimes, l’auteur ne les exonère à aucun moment de leur responsabilité. Il montre juste ce qui les a amené où ils sont.


Là où l’auteur fait très fort, c’est de mettre en rapport, dans sa construction, la violence de la politique anglaise des années 80 et les conséquences désastreuses 20 ans plus tard. Il montre ce qui a été écrasé et ne sera jamais (du moins pour l’instant) reconstruit. Comment toute solidarité, toute idée de lutte, une certaine forme de dignité ont été détruits. Il montre les ravages sur les enfants de ceux qui ont vécu cela. Comment voir des parents démolis, voir un monde sans valeurs et sans espoir, sans appartenance à un groupe, un monde individualiste où on ne se bat plus que pour soi change la vie de ces mômes.


Un roman noir social impressionnant, et comme je l’ai lu dans un article, si avant vous n’aimiez déjà pas Maggie, après vous la haïrez encore davantage. Et vous saurez encore mieux pourquoi.


Martyn Waites / Né sous les coups (Born under punches, 2003), Rivages/Thriller (2013), traduit de l’anglais par Alexis Nolent.

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commentaires

G
<br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Avez-vous vu passer cette info?<br /> <br /> <br /> http://www.midilibre.fr/2013/09/02/michel-gueorguieff-pere-du-festival-du-roman-noir-a-frontignan-est-mort,751945.php<br />
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J
<br /> <br /> J'ai melhreuresement vu passer l'info. Triste nouvelle.<br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> Salut Jean Marc, je le commence ce soir ... Amitiés<br />
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J
<br /> <br /> Bonne lecture.<br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> Pas lu encore, il est sur le dessus de la pile. Voilà un bel auteur ( à n'en pas douter) qui n'aura pas l'honneur, le plaisir, de rencontrer Michel Gueorguieff à Frontignan. Quelle tristesse. Je<br /> viens d'apprendre sa mort sur le site de Jérôme Leroy.<br /> <br /> <br /> Cette belle personne va nous manquer terriblement.<br /> <br /> <br /> Hervé<br />
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J
<br /> <br /> C'est aussi Jérôme qui me l'a appris. Sale nouvelle. Je regrette d'autant plus cruellement de n'avoir pas pu me libérer pour Frontignan ces dernières années.<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> Chronique magistrale pour roman magistral, alors ? J'avais lu notamment dans "Rolling Stones" qu'ils parlaient d'un "immense premier roman". Du coup, je languissait d'avoir un vrai avis, neutre<br /> et plus "épais".<br /> <br /> <br />  <br />
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J
<br /> <br /> Voilà, et Yan de encore du noir en a déjà mis une couche !<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
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