Yan l’annonçait il y a quelques temps ici, si le grand George Pelecanos semblait victime d’une petite baisse de régime, il revient en forme avec Une balade dans la nuit, sans doute (on espère) le premier d’une nouvelle série.
Spero Lucas a fait un passage chez les marines, entre autres en Irak. A son retour à Washington, pas question de reprendre des études, il a fait fructifier sa capacité à retrouver des objets volés. Capacité s’appuyant sur une parfaite connaissance de la ville, un grand sens de l’observation, un bon entraînement physique … Et une facilité à gérer à son avantage les situations violentes.
Il lui arrive parfois de travailler pour un avocat qui le met en relation avec un de ses clients, Anwan Hawkins, dealer de came. Celui-ci attend son procès en prison, et certains en profitent pour faire disparaitre ses livraisons. Contre 40 % de la marchandise récupérée, Spero accepte de chercher les colis. Il ne sait pas qu’il met le pied dans un sac d’embrouilles.
Revoilà donc le grand Pelecanos, peut-être pas encore au niveau des meilleurs Nick Stefanos ou de la série consacrée à Terry Quinn et Derek Strange, mais on s’en rapproche. Grace à Spero Lucas qui, comme les personnages suscités n’est pas blanc blanc, et se trimballe de bonnes zones d’ombre. Enclin à la violence, muet sur ce qu’il a vécu en Irak et tout à fait capable de s’accommoder de sérieuses entorses à la loi, pas moraliste pour un sou mais terriblement humain, voilà un personnage auquel on s’attache immédiatement, et qu’on espère retrouver bientôt.
Pour le reste, on est chez la star de Washington, pas de doute là-dessus. Tour de la ville, écriture sèche, efficace et fluide, chronique de la vie des gens humbles, ceux qui bossent pour vivre, dialogues impeccables, bande son soul et funk … la marque de fabrique George Pelecanos, tout ce qu’on aime chez lui et qu’il maîtrise si bien.
L’originalité ici est qu’il choisit comme personnage principal un ancien d’Irak, montrant ainsi, guerre après guerre, la permanence aux USA de générations de revenus blessés et surtout changés et difficilement adaptables dans un pays, finalement, toujours en guerre quelque part.
Reste à espérer qu’on retrouvera bientôt notre nouveau copain Spero Lucas …
George Pelecanos / Une balade dans la nuit (The cut, 2011), Calman-Lévy (2013), traduit de l’américain par Elsa Maggion.