Juan Bas est un auteur originaire de Bilbao dont j’avais découvert, il y a maintenant pas mal de temps Scorpions pressés, parus à la série noire. Il y révélait un goût certain pour la cuisine (et même la grande cuisine) et une dent très dure envers l’ETA. Plus débridé, voire carrément déjanté, Vade retro Dimitri est quand même dans la continuité.
Pacho Murga c’est retrouvé, pour une raison qui ne sera jamais vraiment révélée, en taule aux Canaries. Il s’y trouve en même temps que Dimitri Urroz, mafieux moscovite mais aussi navarrais (il faut lire pour comprendre) à qui il sauve la vie par le plus grand des hasards. Un hasard qui ressemble, au départ, à un conte de fées, tant l’amitié de Dimitri le fait entrer dans un monde de luxe extravagant où tout est permis. Mais le conte de fée tourne vite au conte d’ogre et le pauvre Pacho se trouve plongé dans un monde de psychopathes sans règles et sans la moindre barrière morale.
Je ne vais pas vous mentir en prétendant que c’est le roman de l’année. Ni même du mois. L’auteur s’emballe souvent dans des diatribes certes enthousiastes et enlevées, mais parfois un rien discutables. Quand il s’en prend à l’opus dei et au clergé espagnol, on ne peut qu’applaudir à deux mains. Quand il prétend que tous les navarrais, ou tous les habitants de Bilbao, ou tous les ce qu’on veut de tel ou tel endroit sont des cons arriérés, on peut comprendre une rancœur née de l’expérience, mais regretter une généralisation un poil hâtive. Entrer à l’Opus Dei est un choix conscient, être navarrais est un hasard …
Ceci dit, ces restrictions mises à part, il faut reconnaitre que l’auteur a une écriture qui agace parfois (recours un peu systématique et artificiel à la métaphore qui tue), mais qui dans l’ensemble possède une vraie énergie. Et sa sensualité dans la description des plats et des plaisirs de la bouche (plus que dans ceux du sexe), emporte l’adhésion.
Et le final, particulièrement fort, gomme en grande partie les défauts du roman et emporte le lecteur dans un tourbillon bigger than life. Au final, j’aurais plutôt tendance à vous conseiller de découvrir cet auteur que vous avez sans doute raté il y a déjà quelques temps lors de son précédent roman. Et puis c’est sans doute un exemplaire unique : un polar basco-russe.
Juan Bas / Vade retro Dimitri (Ostras para Dimitri, 2012), Rouergue Noir (2013), traduit de l’espagnol par Karine Louesdon et José María Ruiz-Funes Torres.