« Ce premier roman de Dave Zeltserman est une plongée dans un enfer digne de Jim Thompson » lit-on en quatrième de couverture. Autant les parrainages de Don Winslow et James Ellroy n’écrasaient pas le dernier Nick Stone, autant là, l’éditeur fournit à Crimes sans importance de Dave Zeltserman un costume qui se révèle un poil grand …
Joe Denton sort de taule. Ancien flic d’une petite ville du Vermont il est tombé pour incendie volontaire et tentative de meurtre sur la personne du procureur local. A l’époque, il faisait partie d’une bande de flics ripoux, shérif en tête, tous plus ou moins au service de Manny, le parrain local. Aujourd’hui donc, Joe sort.
Pendant les sept ans qu’il a passé à l’ombre sa femme et ses filles sont allées s’installer ailleurs, ses parents ne sont jamais venus le voir, et on ne peut pas dire que les habitants de sa ville voient d’un très bon œil sa libération. La réinsertion s’annonce donc difficile. D’autant plus que Manny est sur le point de mourir d’un cancer et pourrait bien être tenté de parler, révélant ainsi un certain nombre de turpitudes qui vaudraient à Joe un retour définitif en prison.
Dès le premier jour le shérif le met face à un choix : s’il veut rester libre il doit faire taire Manny définitivement ou abattre le procureur qui veut absolument se venger de ce qu’il a subi sept ans auparavant. C’est une lente descente en enfer qui commence pour Joe.
Un costard un peu grand donc … Car si ce roman se lit sans déplaisir, et s’inspire effectivement (consciemment ou non) des écrits les plus noirs du grand Jim, on est quand même assez loin du compte.
On retrouve bien certaines thématiques de Mr Zéro, ou de Le démon dans ma peau, voire la description d’une petite ville aux mains de forces de l’ordre complètement pourries de 1275 âmes. On retrouve aussi une de ces intrigues dont il avait le secret, où l’on sait dès le premier chapitre que tout ne peut que mal finir, l’intérêt étant de savoir quand et comment. Dave Zeltserman assure le boulot, on lit avec plaisir, les péripéties s’enchaînent bien. Et on refermerait le bouquin plutôt content s’il n’y avait pas la référence écrasante.
Parce que c’est là que le bat blesse. Chez Thompson le lecteur est horrifié, secoué, retourné … Il ressent compassion, dégoût, mépris, tendresse, pitié … pour les personnages. Là rien, ou pas grand-chose. L’auteur lui-même semble ne pas vraiment savoir ce qu’il pense de son narrateur. En ce qui me concerne il m’a surtout prodigieusement agacé avec son ton geignard et ses trop (beaucoup trop) nombreuses auto justifications. Le pauvre ne voulait pas faire le mal mais il a cédé et est sincèrement désolé, ce qui ne l’empêche pas de continuer à semer la désolation autour de lui, mais toujours « sans faire exprès ». Le pire est qu’on se fiche un peu de ce qui arrive à ses victimes, et qu’on est plutôt content de le voir crouler sous les ennuis. Ce qui affaiblit la portée du roman, même si, je le répète, l’auteur, malgré quelques longueurs, sait attraper son lecteur et le mener au bout du roman.
Bref, un polar honnête, qu’on peut prendre plaisir à lire, à condition d’oublier momentanément le « modèle ».
Dave Zeltserman / Crimes sans importances (Small crimes, 2008), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Gérard de Chergé.