Voici venir les premiers commentaires sur des bouquins achetés au salon TPS du week-end dernier. En commençant par la vraie découverte pour moi, le superbe carnet de voyage Viva la vida de Jean-Marc Troub’s et Edmond Baudoin.
Ciudad Juarez. Depuis 1993 des centaines de femmes ont été violées, torturées et tuées, en toute impunité. On peut se faire une idée de l’affaire en allant voir le web documentaire de Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal, ou en lisant leur bouquin. On peut aussi lire le roman très dur (et très fort) de Patrick Bard, La frontière.
Jean-Marc Troub’set Edmond Baudoin ont choisi une autre approche. Ils sont parti à Ciudad Juarez avec leurs carnets à dessins, leurs crayons et pinceaux, et ont proposé un marché aux gens qu’ils croisaient dans la rue, dans les bars, dans les bus, dans les maquiladoras : Ils faisaient leur portrait, le leur offrait et leur demandait en échange quel était leur rêve. Le soir, à partir d’esquisses et de photos, dessin et rédaction du carnet de voyage. Et c’est ce carnet que vous avez dans les mains.
Le résultat est étonnant. Très beau pour commencer avec ses planches qui alternent portraits serrés et vues d’ensemble, images de rues et paysages désolés, scènes de vie intenses dans un bar, une classe ou une fête et désolation de la mort quand ils relaient les gros titres des journaux …
Très émouvant aussi dans cette permanente coexistence d’un environnement incroyablement violent où la mort frappe quotidiennement en toute impunité et d’une vitalité et d’une « normalité » étonnantes. Etonnant (ou pas) de voir comme les rêves des habitants de Ciudad Juarez sont les mêmes que les nôtres, comme on peut profiter de la moindre éclaircie pour voir des amis, aimer, faire de la musique, lutter, espérer …
Le parfait complément des romans et essais précités, salué à juste titre par Taibo le week-end dernier comme une œuvre éminemment politique, au sens noble du terme, dans sa façon unique de donner la parole à ceux qui souffrent sans jamais imposer au lecteur (et aux témoins interrogés) le moindre discours, ni moralisateur, ni compassionnel ; encore moins condescendant.
A noter la préface signée … Paco Ignacio Taibo II. Et vous pouvez aller sur le blog que les auteurs ont dédié à Viva la vida.
Edmond Baudoin et Jean-Marc Troub’s / Viva la vida, L’association (2011).