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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 00:15

William McIlvanney est un fils de mineur (cette information, nous le verrons a son importance), né en 1936 dans une petite ville ouvrière proche de Glasgow. C’est à peu près tout ce qu’il est utile de savoir sur lui, avant d’attaquer ses bouquins.

Les romans de William McIlvanney sont noirs comme la houille, durs et calleux comme les mains des mineurs. A commencer par le magnifique Big Man :

Thornbank, petite ville sinistrée d'Ecosse. La crise de l'industrie lourde en Europe a transformé une ville ouvrière, avec tout ce que cela sous entend de culture, de luttes, et de solidarités, en une ville perdue, où la notion de classe a disparu avec les plus anciens. Dans ce marasme, quelques légendes locales survivent, et parmi elles, Dan Scoular, Big Man pour tous les habitués du pub, homme entier, chaleureux, capable d'étendre n'importe qui du premier coup de poing.

C'est cette dernière caractéristique qui intéresse Matt Mason, un des chefs de la pègre de Glasgow, qui veut organiser un combat poings nus pour régler un différent avec un de ses concurrents. Dan Scoular, accepte un peu rapidement, pour l'argent, pour ce qu'il représente dans la mythologie virile de ces ex ouvriers rudes et durs au mal, peut-être aussi pour essayer de reconquérir sa femme ... Suivront trois semaines qui l'amèneront à aller au bout de lui-même, physiquement et mentalement. Trois semaines pour s'interroger sur sa vraie nature, sur son image et sur les valeurs auxquelles il a toujours cru.

Le mariage réussi de la boxe et du roman (ou film) noir remonte à la plus haute antiquité (ou presque), déjà les grecs … Mais je m’égare. Rarement le mélange avait atteint une telle densité, une telle richesse et une telle profondeur dans l'analyse et la réflexion. Au premier degré, l'histoire est superbement contée. La tension monte jusqu'à la scène de bravoure que représente le combat, une scène très attendue, qui ne déçoit pas. Et on n’est pas encore au bout de ses surprises.

Mais surtout, tout le roman est une superbe réflexion sur le chemin personnel d'un homme, image de toute une classe qui disparaît. Dan Scoudar, à l’image de toute la classe ouvrière européenne, doit tout reconstruire. Les valeurs qui ont soutenu ses parents, leur attachement à une lutte de classe qui devait amener à des lendemains socialistes qui chantent, se sont effondrés avec le passage des travaillistes (ailleurs socialistes) au pouvoir, et avec la mort de la classe ouvrière organisée. Une classe ouvrière que l’on a fait exploser en opposant ceux qui ont accédé à la classe moyenne (basse), et ceux qui ont raté la marche et sont devenus chômeurs.

Dan ne peut plus calquer son attitude, ses réactions, sur celles de tous ceux qu'il avait respecté jusque là. Il doit réinventer ce qui est juste, redéfinir son camp, ce pour quoi, mais aussi ce contre quoi il doit lutter, pour regagner la liberté et le respect de soi. Tout cela sans décevoir tous ceux qui voient en lui une légende qui les aide à supporter leur propre déchéance. Pour finir, au-delà de ce personnage hors norme, ce qui frappe c'est également la tendresse et l'humanité avec lesquelles McIlvanney décrit tous les supporters de Dan, tous ces perdants pathétiques, pitoyables, mais tellement humains. Un roman  bouleversant et plus que jamais indispensable.

A côté de ce roman noir, McIlvanney a écrit trois romans policiers, centrés autour du personnage de Laidlaw, flic doué et grande gueule de Glasgow. Le premier, Laidlaw, le voit enquêter sur le viol et le meurtre de Jennifer Lawson, 18 ans. Il doit faire vite parce que la pègre de la ville a décidé d'aider le père, colosse rude et violent, à faire justice lui-même. De son côté, un ami du meurtrier cherche à l'aider à quitter la ville sans encombres. Entre ces trois intérêts incompatibles la course est lancée.

Outre le suspense créé par une narration adoptant les points de vue des différents groupes lancés à la recherche du meurtrier, ce roman frappe par sa capacité à rendre parfaitement les atmosphères et les émotions. Silence brutal du père, sorte de roc, obtus, aveugle à tout et à tous, plus en colère parce qu'on a osé toucher à sa fille que véritablement peiné ; détresse sans fond de la mère, anéantie par le chagrin, et totalement inexistante, soumise à la violence psychologique du père ; atmosphère d'un Glasgow populaire, délabré mais humain ... Les scènes relatant des situations de tension, d'affrontement psychologique ou physique sont particulièrement impressionnantes. Et puis, ce Laidlaw, cousin écossais du sergent de l'A14 de Robin Cook, pareillement en proie au doute, pareillement torturé, mais également rebelle, indiscipliné, honnête et profondément humain, est un personnage qu'on ne peut qu'aimer, et souhaiter retrouver.

Dans Etranges Loyautés, Laidlaw en pleine déprime va croiser la silhouette de Big Man. Il a divorcé, sa nouvelle relation bat de l'aile, et son frère Scott de 38 ans vient de mourir, complètement saoul, écrasé à la sortie d'un pub. Jack ne comprend pas pourquoi son frère avait autant changé ces derniers temps, devenant amer, déprimé, et se perdant dans l'alcool. Pour faire le deuil de cette mort, il va mener son enquête, et essayer de comprendre ce qui a bouleversé Scott. Cela l'amènera à remuer un passé qu'il aurait préféré ignorer, mais également à élucider une autre mort, celle de Dan Scoudar, un homme brave, dur au mal et honnête, qui avait défié la pègre de Glasgow, et a fini écrasé par un chauffard que l'on n'a jamais retrouvé.

Ici Laidlaw, ses coups de gueule, et sa recherche sans concession de la vérité croise le fantôme du superbe personnage de Big Man, dernier héros de ce qu'il reste de la classe ouvrière écossaise. McIlvanney complète le portrait d'une société écossaise déboussolée, où ceux qui ont gardé un idéal sombrent dans la déprime face à la puissance et l'arrogance croissantes des parvenus cyniques. Une société où les enfants des ouvriers, dépossédés de tout, même de la solidarité et des valeurs d'une classe sociale qui a disparue en tant qu'entité soudée, se retrouvent finalement dans une situation beaucoup plus désespérée que celle de leurs parents. Laidlaw, sorte de médecin légiste de cette société, incapable de faire abstraction de toutes les ténèbres qui l'attendent au dehors, ne supporte plus l'hypocrisie et l'indifférence de ceux qui ont réussi, et a de plus en plus de mal à maîtriser sa propre violence. Cette vision très sombre de notre monde, est parfois éclairée par de superbes portraits de personnages forts et dignes, souvent des femmes, que McIlvanney peint avec une grande tendresse.

En conclusion, lisez William McIlvanney.

Lailaw (Laidlaw, 1977) Rivages/noir (1987). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski ; Big Man (Big Man, 1985) Rivages/noir (1990). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski ; Etranges Loyautés (Strange Loyalties, 1991) Rivages/noir (1992). Traduit de l’anglais (Ecosse) par Freddy Michalski

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11 décembre 2008 4 11 /12 /décembre /2008 21:42

Toussaint Rescamone fut un grand flic. Il n'est plus qu'un vieillard mourant, retranché dans son village natal dans la montagne corse. Un mourant qui regrette d'avoir fait toujours passer sa carrière avant sa famille, et qui aimerait bien revoir, une dernière fois, sa petite fille, Dora. D'autant plus que, pour d'obscures raisons de différent immobilier, quelques affreux essaient de l'intimider, et pourrait bien s'en prendre à Dora. Alors Toussaint décide d'appeler à la rescousse un de ses anciens collègues, Maurice Cintray, qui s'embête ferme à la retraite et sera enchanté de pouvoir de nouveau enquêter et se castagner. Maurice, et son ami Raja, tout aussi retraité que lui vont se lancer dans une aventure pour laquelle il vaut mieux être bien armé !


« Avec ce roman, les bonnes vieilles Séries Noires ne sont pas loin » écrit Paul Maugendre sur Bibliosurf. Et je suis entièrement d’accord avec lui. Le jeu du lézard de Max Obione est un bon petit polar, qui se lit avec plaisir, sans défaut, sans éclats particuliers non plus, qui risque juste d’être assez vite oublié. Malgré quelques petites incohérences qui reviennent après coup, on ne peut qu’apprécier le style alerte, les répliques à l’emporte-pièce de Maurice, quelques charges bien senties sur le milieu de l’art moderne, et de bien belles descriptions de la Corse. On sourit, il y a de la castagne, et le dernier chapitre vient même apporter une vraie émotion, un peu absente du reste de l’ouvrage.


Sans avoir là un chef-d’œuvre (j’avais préféré Amin’s Blues, et surtout les nouvelles de balistique du désir beaucoup plus fortes et noires), on a un roman qui offre un bon moment de lecture.


Max Obione, Le jeu du lézard, Krakoen (2008).

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9 décembre 2008 2 09 /12 /décembre /2008 23:07

Comme je l’écrivais hier, j’avais plusieurs fers au feu, l’autre était un pur chef-d’œuvre, une merveille, d’un génie qui en a produit quelques-unes. Je suis peut-être un peu excessif, mais je ne crois pas … Il s’agit du 9° volume de Sandman, la géniale création de Neil Gaiman. Ca s’appelle Les bienveillantes.


Commençons par un mea culpa : Les lecteurs habitués et attentifs remarqueront certainement que j’ai parlé du Sandman 7, que je cause ici du 9, et qu’il manque donc le 8. C’est tout bêtement parce que je ne l’ai pas vu sortir, mais je vais, très rapidement, combler cette lacune.


A ceux qui pourraient s’étonner que la lecture d’une BD prenne du temps, il faut préciser, tout de suite, que Sandman de Neil Gaiman, ce n’est pas Titeuf ou Astérix. Comme certaines œuvres de l’autre anglais génial (à savoir Alan Moore), ce sont des BD longues (beaucoup de pages), très denses, avec un texte extrêmement riche. Des BD, des romans graphiques, qui se lisent lentement, sur plusieurs jours. Et qui se relisent parce qu’on laisse, forcément, passer pas mal de choses à la première lecture.


Dream (alias Sandman, alias Morphée, alias …) est l’un des sept éternels, plus anciens et plus puissants que les Dieux. Il est le maître du monde des rêves (et bien entendu des cauchemars). Dans son palais on croise Caïn, un bibliothécaire qui veille sur tous les livrer qui auraient pu être écrits, une citrouille d’halloween mal embouchée, une corneille philosophe et bien d’autres personnages.


Sur Terre, quelque part aux USA, une jeune femme dont le bébé a été enlevé et tué sombre dans la folie et jure de se venger du père de l’enfant, qu’elle croit être le meurtrier, Dream. Elle va aller solliciter les Bienveillantes, en d’autres temps connues comme les Furies, ou les Erinyes … ce sont les vengeresses, celles qui viennent punir ceux qui ont versé le sang de leur sang. Elles obéissent à des lois qui pourraient se révéler plus fortes que Morphée lui-même. Une confrontation commence, où les protagonistes sont nombreux, de Satan aux Dieux scandinaves, des gorgones à une sorcière grecques … Le temps est venu pour Dream d’expier la mort de son vrai fils … Orphée.


Nul comme Neil Gaiman ne saurait intégrer autant de références mythologiques sans donner l’impression de faire un inventaire, de frimer et d’étaler sa culture. Cela pourrait être lourd, pédant et pompeux, c’est passionnant, poétique et éblouissant. Neil Gaiman parle autant de nos mythes fondateurs que de notre monde moderne, mêle de façon fluide les millénaires, les mythologies et la folie moderne, et y ajoute sa patte et son imagination pour créer un univers unique. Un univers souvent sombre, parfois drôle (d’un humour assez noir), toujours étonnant et poétique.


En quelques volumes, il a créé une épopée, une mythologie qui synthétise nos croyances, et y ajoute sa propre création. Un monde qui restera, qui inspirera, n’en doutons pas, des générations d’artistes. Je suis prêt à en prendre le pari, Neil Gaiman et son Sandman auront fait, dans les années à venir, autant d’émules, plus ou moins doués, qu’un Tolkien.


Si vous ne savez pas quoi offrir (ou vous faire offrir) pour Noël, si vous n’avez rien contre la BD, si vous aimez être étonnés, éblouis par un conteur d’histoire, un fabriquant de mondes hors pair, n’hésitez pas un instant, la série Sandman est pour vous. Chaque volume peut parfaitement se lire indépendamment des autres. Seul le volume 11 (et oui, étonnamment, le 11 est sorti bien avant certains volumes précédents), qui regroupe plusieurs petites histoires sans liens les unes avec les autres, est un cran en dessous. Dans tous les autres volumes, l’histoire est éblouissante, et Gaiman a su trouver des illustrateurs à la hauteur de son talent.

Neil Gaiman (scénariste) et de très nombreux dessinateurs … / Les bienveillantes (Sandman 9) (The kindly ones, 1996), Vertigo (2008), traduit de l’anglais par Geneviève Coulomb.

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8 décembre 2008 1 08 /12 /décembre /2008 21:42

Désolé d’avoir un peu négligé le blog, mais la fin d’année est particulièrement dense et pour arranger les choses, j’ai plusieurs fers au feu … En attendant les festivités, espérées par les uns, redoutées par les autres, et en particulier par les canards occitans, voici de quoi se gondoler un peu :


Thomas a quitté l’Indiana et sa petite ville où sa vocation d’écrivain n’aurait pas pu s’épanouir. A San Francisco il espère connaître toutes les expériences dont il a besoin pour son œuvre. Il va être servi, au-delà de ses espérances. Dès la première semaine, Jody, flamboyante rousse lui tombe dans les bras. Certes elle a quelques bizarreries, mais Thomas est éperdument amoureux. Et puis qu’est-ce qu’un plouc comme lui peut savoir des habitudes des dames sophistiquées de la grande ville ? Or il se trouve que Jody est vraiment … à part.


Deux jours auparavant elle a été mordue par un vieux vampire de 800 ans qui cherchait de la compagnie, et elle a besoin d’aide. D’autant plus que le vampire après avoir un peu joué avec elle compte bien la renvoyer à son statu de mortelle … morte. Avec l’aide des Animaux (les membres de son équipe de nuit dans un super marché), et de l’Empereur de San Francisco (que l’on retrouvera dans Le sot de l’ange), Thomas va voler au secours de la belle, quoi qu’il lui en coûte.


Les dents de l’amour, enfin traduit en français, est un des premiers romans de Christopher Moore. Un roman où se manifeste déjà tout le talent que lui connaissent les lecteurs d’Un blues de coyote ou du Lézard lubrique de Melancholy Cove. On trouve déjà son humour dangereux pour le lecteur qui risque de se faire regarder bizarrement quand il éclate de rire dans le métro, le bus, ou la salle d’attente du médecin.


On trouve son imagination délirante, et sa façon de rendre cohérent, l’espace d’un roman, un monde en apparence familier soudainement envahit par un lézard lubrique, une chauve-souris qui collectionne les lunettes de soleil, un archange complètement con ou, comme ici, un vieux vampire qui s’emmerde et sa très féminine élève.


Ici aussi (ou plutôt ici déjà), ça marche, et ça marche même parfaitement. On tremble pour Jody et Thomas, on rit beaucoup, on s’émeut avec le très beau personnage de clochard de l’Empereur, on sourit aux déconvenues de Thomas, et aux bêtises des Animaux … Et mine, de rien, on se passionne pour l’histoire. Un grand Christopher Moore, d’emblée.


Christopher Moore / Les dents de l’amour (Bloodsucking fiends, 1995), Calmann Lévy (2008), traduit de l’américain par Luc Baranger.


PS. Les hasards de l’édition et de la traduction sont très vampiriques ! Après Vargas et Ledesma, c’est donc au tour de Moore de s’y coller.

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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 21:46

Nantes 2007, un squelette carbonisé est retrouvé par hasard dans une propriété non loin de la ville. La morte (car il s’agit d’une femme) est là depuis longtemps, les analyses sont formelles. Le commissaire Czerny en charge de l’affaire va donc remonter dans le passé, jusqu’à plus de vingt ans auparavant. Jusqu’au jour où deux jeunes femmes disparaissent, Marie Caron et Marie Chevalier, deux jeunes femmes du même âge. L’une d’elles est-elle la victime ? Y a-t-il eu un meurtre ? L’autre est-elle la meurtrière ? Les avancées de la science devraient permettre d’y voir plus clair assez vite. Sauf que … Et que fait donc dans le coin ce géant blond à l’accent canadien ?


Hervé Sard est un horloger suisse qui aime bien monter des intrigues complexes pleines de petits rouages qui finissent par s’emboîter parfaitement pour donner, à la toute fin, l’élégante solution. Il aime bien aussi faire douter le lecteur ; douter de ses déductions, douter de ce qu’il croit, et surtout douter de cette science qui, selon certains, apportent tant de certitudes. Petite parenthèse, les vrais scientifiques savent bien, eux, que la science offre souvent plus de questions que de réponses … Mais ce n’est pas le sujet.


Comme précédemment avec Vice Repetita, il nous offre ici ces interrogations et le plaisir d’une intrigue à la fois solide et subtile. Comme les personnages sont intéressants, et que la prose coule toute seule, cette Mélodie des cendres  est un joli roman à consommer sans modération.


Hervé Sard, La mélodie des cendres, Krakoen (2008).

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2 décembre 2008 2 02 /12 /décembre /2008 23:25

Si comme moi vous sentez la nausée qui commence à vous gagner, à force de lire qu’un dangereux journaliste soupçonné de délit de diffamation a été menotté devant ses mômes, foutu à poil et fouillé au corps ; que des gendarmes, à la demande d’un proviseur quelque part dans le Gers, ont procédé à la fouille poussée de tous les adolescents d’une classe forcément suspects, puisqu’ils sont jeunes, et que Marciac, connu comme une des plaques tournantes du trafic de drogue en France … Un conseil, lisez Triggerfish twist de Tim Dorsey. Et imaginez que Serge s’occupe personnellement du juge qui a fait mander le journaliste ou du proviseur qui a fait rentrer les gendarmes dans son collège …


C’est fait ? Vous voyez, vous souriez … Certes le problème reste, mais vous avez passé un petit moment agréable non ? Pour quelques temps encore il n’y a pas de délit d’imagination. Profitez-en, cela risque de ne pas durer. Si vous ne connaissez pas Tim Dorsey, lisez ce qui suit …


Jim Davenport est fondamentalement gentil. Prêt à voir le bon côté de son prochain et à lui trouver des circonstances atténuantes. Disposé à bien s’entendre avec la terre entière. Bon père, bon mari, excellent employé, en paix avec l’existence. Jusqu’à son déménagement à Tampa, Floride. Tout se présente pourtant sous les meilleurs auspices. Ciel bleu, végétation luxuriante, maison impeccable, voisins … c’est là que ça se gâte. Parce que Lance Boyle, promoteur (véreux, bien entendu) est en train de racheter tout le quartier, pour le raser, et réaliser une plus value juteuse. Jim ne veut pas vendre ? Qu’à cela ne tienne, Lance installe dans les maisons qu’il possède déjà les pires locataires qu’il puisse recruter. Et y a-t-il pire que l’explosif trio formé par Serge (tueur psychopathe qui sait être charmant et érudit), Coleman (spécialiste mondial de la défonce) et Sharon (prostituée déjantée et totalement incontrôlable) ?


J’avais moyennement apprécié Florida Roadkill, mais là, ça y est, je deviens un accro à Tim Dorsey. On retrouve dans Triggerfish twist toutes les qualités du précédent, à commencer par le trio infernal, déjanté et particulièrement jouissif, l’imagination sans limite, le sens du rythme et l’absence totale d’autocensure qui lui permet de tout oser, et de tout réussir. Et on n’y retrouve pas le défaut de ce précédent roman (du moins, ce que moi j’avais perçu comme un défaut) à savoir cette sensation de ne pas très bien savoir où l’auteur veut aller.


Là c’est clair, il veut faire voler en éclat les fondements de la très policée classe moyenne. Et pour voler en éclats, ils volent en éclats … de rire. C’est absolument féroce, sans pitié, hilarant et génial. Les scènes d’anthologie se succèdent (comme dans Florida Roadkill), le liant en plus. Impossible de toutes les citer ici, il faudrait recopier le bouquin. Une mention spéciale quand même au dîner classe que Serge veut offrir au couple Davenport, et que Sharon fait totalement exploser, et au final apocalyptique.


Pour donner une idée du bouquin, disons qu’à côté du trio infernal les déjantés de Carl Hiaasen font un peu figure de gentils scouts. Décidément, la Floride semble être un état intéressant.


J’oubliais ! Une mention spéciale également aux deux scènes où Serge met toute son imagination et son ingéniosité au service d’une noble cause : débarrasser le monde de deux nuisibles particulièrement visqueux. Jouissif, et totalement inédit. Et qui nous ramène au début de cette chronique.


Bonne lecture, et bon rêve …


Tim Dorsey / Triggerfish twist (Triggerfish twist, 2002), Rivages/Noir (2008), traduit de l’américain par Jean Pêcheux.

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2 décembre 2008 2 02 /12 /décembre /2008 14:25

Je l’ai déjà cité plusieurs fois, mais le bougre est absolument excellent. C’est sur le blog de Jean-Pierre Martin, c’est signé Monsieur Bernard et c’est imparable.


J’en ai aussi déjà parlé, mais je suis obligé d’y revenir. Pour les toulousains ayant des gamins (ou pour ceux qui n’ont besoin d’aucun prétexte pour aller se faire du bien), à partir de janvier, le programme de la cinémathèque pour les minots est absolument somptueux : Peau d’âne avec Madame Deneuve, Princess Bride le génialissime hommage aux grands films de cape et d’épée de Rob Reiner, deux incontournables, Les aventures de Robin des Bois et Ivanhoé ! Rien que ça. Et ce n’est pas tout, La Belle et la bête, version Cocteau, Jason et les argonautes … Tout le programme sur le site de la cinémathèque. Toulousains, si vos gamins sont des incultes cinématographiques, ce sera votre faute !

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28 novembre 2008 5 28 /11 /novembre /2008 22:29

Zel est un tueur à gage. Non, reprenons. Zel était un tueur à gage, mais il se trouve dans le coma. Maintenant Zel est un ange en CDD (en attente d'évolution de son coma), employé par Gabriel. Le Gabriel. Son contrat n'est pas très clair. Disons qu'il doit mettre de l'ordre du côté de Marseille où un certain Di Angelo, parrain de son état, est en guerre avec un autre parrain, proche de la mort. Tout cela serait déjà passablement compliqué. Cela devient inextricable quand Zel tombe sur Nombril, véritable bombe, et pas seulement sexuelle … De Marseille à New York, Zel va passer son temps à ne rien comprendre à ce qui se passe.


Difficile d'émettre un avis monolithique sur Un ange sans elle, roman déjanté de Serguei Dounovetz. Côté très positif, sa prose claque, elle a du rythme, de la matière. Son histoire assume totalement un côté totalement décalé, au point qu'après quelques pages on ne se pose aucune question sur la crédibilité de son ange. Et on ne s'ennuie jamais.


Côté négatif, on frôle par moments vraiment le pastiche, à force de clichés assumés et assenés. Le problème du cliché est que, comme la charge de dynamite mèche courte, il doit se manipuler avec les plus grandes précautions ; sinon il vous pète à la gueule (et ce n’est pas James Coburn qui me contredira). Et là, à plusieurs reprise, l’artificier Dounovetz est tellement près de l’accident qu’on se demande s’il n’y a pas perdu quelques doigts … En fait-il trop ? Les avis risquent d’être partagés.


Et puis il y a la fin.


Qui désamorce les doutes, et remet tout en place, bien noir, bien émouvant, a posteriori. Alors même si on a parfois été à deux doigts de s'énerver, on reste sur une très belle impression. Une question subsiste : le funambule a-t-il tout le temps fait semblant de perdre l’équilibre, ou a-t-il vraiment failli se casser la gueule ? Est-on face à un clown qui maîtrise tout, ou à un casse-cou qui a vraiment failli tomber ?


Et finalement, est-il si important de connaître la réponse ? Je suis très curieux de connaître vos avis, quand vous l’aurez lu …


Serguei Dounovetz, Un ange sans elle, Moisson rouge (2008).

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27 novembre 2008 4 27 /11 /novembre /2008 21:03

Je ne sais pas si vous en étiez aperçu, mais mes pages d’index d’auteurs (par ordre alphabétiques) étaient merdacs, et pas à jour. J’y ai remédié, vous devriez avoir accès à toutes mes notes par ordre alphabétique d’auteur …


Une lectrice de passage me signale qu’elle ouvre une nouvelle librairie consacrée au polar et à la SF à Calvisson dans le Gard. Une librairie qui a un site. Une nouvelle librairie, c’est chouette non ? Et la lectrice anime aussi un site consacré … au polar et à la SF.


Continuons dans le léger. Un peu d’auto-pub. Ceux qui veulent entendre ma douce voix peuvent désormais le faire sur l’excellent site de la Noir Rôde (que j’avais d’ailleurs scandaleusement oublié dans mes liens, erreur monumentale corrigée). J’ai en effet fait une courte intervention dans leur émission radio mercredi dernier. Emission en ligne là. Merci à Jack et Corinne.


Du sérieux maintenant : Après un grave accident d’équitation, Dominique Manotti avait annoncé un retour en douceur sur son site. C’est chose faite avec la mise en ligne d’un excellent texte sur son expérience de Mai 68. Comme toujours chez elle, c’est impeccable, sérieux, humain, touchant … On y trouve des résonances certaines avec le petit bouquin de Taibo II chroniqué ici même il y a quelque temps. Qu’il y ait des valeurs et de positions communes entre ces deux-là, tout lecteur un tant soit peu attentif le savait déjà. Et ne passent ici que des lecteurs très attentifs.


Passons maintenant à deux sites consacrés à la musique, et ça tombe bien après le billet précédent, au jazz. J’ai déjà parlé de ce site indispensable à tout amateur de jazz, (s’il parle anglais). Je rajoute une couche. La radio publique américaine met en ligne une série d’émissions que l’on ne peut qualifier que d’exceptionnelles. Chacune fait (en 50 minutes environ) le portrait d’un musicien ayant marqué cette musique. Interviews, analyses, longs extraits musicaux, le tout magnifiquement agencé. Seul petit reproche, on n’y parle que de musiciens américains. Mais il y a tant de matière … Cela s’appelle Jazz profiles.


Dernier lien, encore pour les amateurs de jazz. Si vous voulez écouter votre musique favorite en lisant mes merveilleux billets, vous pouvez vous connecter sur Jazz24, vous y trouverez une excellente programmation … Et pas de pub !
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25 novembre 2008 2 25 /11 /novembre /2008 23:17

Chouette, un nouvel auteur et un nouveau personnage chez Rivages ! Sous la plume de David Fulmer, Valentin St. Cyr mène l’enquête dans le quartier chaud de la Nouvelle-Orléans au printemps 1907 dans … Courir après le diable.


La Nouvelle-orléans, 1907, quartier chaud de Storyville. King Bolden est en train d’écrire une page d’histoire en faisant exploser les codes de la musique jouée traditionnellement par les fanfares. Laissant libre cours à son inspiration, son cornet crache le feu et le rythme. Le jazz est en train de naître, et ce n’est pas du goût de tout le monde. Dans le même temps, son ami d’enfance Valentin Saint-Cyr enquête pour le compte du caïd local sur la série de meurtres dont sont victimes des prostituées du quartier. Une enquête qui le ramène systématiquement vers Bolden.


Commençons par rouméguer un peu … La manie qu’ont les auteurs américains d’afficher en exergue des louanges (forcément désintéressées non ?) de leurs collègues est agaçante. Pour une fois, ce n’est pas James Ellroy, Michael Connelly ou Harlan Coben qui s’y collent mais Jeffery Deaver et Nick Tosches. Je cite :


« Un suspense de premier ordre, situé dans un cadre et une à époque chargés de souvenirs poignants. » Jeffery Deaver.

« Si vous avez envie de vous laisser emporter par une histoire bien menée, n’allez pas chercher plus loin. » Nick Tosches.

Lus donc en quatrième de couverture.


C’est d’autant plus agaçant que c’est à côté de la plaque. A se demander si ces deux auteurs ont bien lu le roman avant d’écrire ces lignes.


Donc ne les croyez pas Courir après le diable n’est ni « un suspense de premier ordre », ni « une histoire bien menée » qui vous « emporte ». Ce qui ne veut pas dire que c’est un mauvais polar, loin, très loin de là. Alors quel besoin d’en rajouter ? Mais venons en à nos moutons.


Les amateurs de polars endiablés et trépidants, au mécanisme d’horloge suisse risquent, justement,  d’être déçus pas ce roman à l’intrigue assez relâchée, dont la résolution arrive dans les dernières pages un peu comme d’un coup de baguette magique. Pendant 90 % du roman, ce pauvre Valentin compte les cadavres, ne comprend rien et n’inquiète jamais le tueur. Il comprend tout de façon quasi miraculeuse, à la toute fin, sans qu’une explication totalement convaincante de son coup de génie ne soit donnée.


Mais qu’importe, l’essentiel est ailleurs. Il est dans la façon de prendre le temps d’installer les personnages. Il est surtout dans la magnifique description d’un lieu et d’une époque passionnants. L’atmosphère de ce quartier chaud de la Nouvelle-Orléans au début du XX° siècle est fort bien décrite. Les lieux, les gens, les relations sociales … tout y est.


Les amateurs de jazz seront particulièrement comblés qui auront l’occasion d’assister en spectateurs privilégiés à la naissance de leur musique préférée. Les pages qui la décrivent sont superbes, et viennent rappeler une vérité oubliée depuis : ce jazz dit Nouvelle-Orléans qui fait aujourd’hui figure de musique démodée uniquement appréciée de quelques vieux passéistes fut en son temps une véritable révolution, qui ouvrit la voie à tout ce qui suivit. Le superbe personnage (et réel) de Charles King Bolden donne toute son énergie, sa vitalité, son génie, mais aussi sa folie au roman.


Et Valentin Saint-Cyr est un personnage intéressant et attachant qu’on aura plaisir à retrouver, d’autant plus qu’il a encore gardé quelques zones d’ombre, et que l’on sent bien que son passé pourrait ressurgir … Tout ce qu’il faut pour que l’on s’attache à un personnage récurrent. A lire et à suivre donc.


David Fulmer / Courir après le diable (Chasing the Devil’s tail, 2001), Rivages/Thriller (2008), traduit de l’américain par Frédéric Grellier.

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Présentation

  • : Le blog de Jean-Marc Laherrère
  • : Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
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