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14 août 2007 2 14 /08 /août /2007 18:42

Un article lu dans le Libé d’aujourd’hui sur la grande guerre menée par la police contre les trafiquants de drogue installés dans les favelas de Rio.

 

http://www.liberation.fr/actualite/monde/272182.FR.php

 

Effrayant, et désespérant, car rien ne semble bouger, sauf peut-être la modernisation de l’armement des protagonistes. Pour s’en persuader, il suffit de se procurer deux films, et de lire deux romans :

 

Tout d’abord un film qui avait fait grand bruit à sa sortie en 80 : Pixote, la loi du plus faible d’Hector Babenco. Certes il se déroule à Sao Paulo et pas à Rio, mais la réalité décrite est la même : violence urbaine qui touche les gamins en priorité, trouille des flics, qui en réaction augmentent la violence ambiante. Un film qui avait marqué par sa justesse, et par l’interprétation de Fernando Ramos da Silva, gamin des rues de 13 ans qui étaient devenu une vedette du jour au lendemain … Avant de mourir lors d’une fusillade sept ans plus tard. Voici ce que l’on peut lire sur le site de la cinémathèque de Toulouse :

 

http://www.lacinemathequedetoulouse.com/films/index.php?m=f&id=1926

 

Plus récent, à peine moins insupportable, La cité de Dieu, de Fernando Meirelles sorti en 2003 se situe dans les favelas de Rio. Même constat, quelques scènes à la limite du soutenable, mais également une mise en scène extraordinaire avec une mention spéciale pour la scène d’ouverture qui vous scotche à votre siège d’emblée et résume bien tout le film, violent et sombre certes, mais également habité par une énergie et une vitalité qui éclaboussent tout.

 

Côté romans, on retrouve ces caractéristiques dans deux romans très durs de l’écrivaine brésilienne  Patricia Melo. Le premier publié en France O Matador, se déroule à Sao Paulo. Il est absolument impitoyable. " Je suis la grille, le chien, le mur, les tessons de bouteilles tranchants. Je suis le fil de fer barbelé, la porte blindée. Je suis le tueur. Bang. Bang. Bang. " La réalité est vue au travers des yeux de Maïquel, jeune tueur sans états d’âme, sans aucune remise en question du rôle qu’on lui fait jouer. Homme de main d’une sorte de milice il n’est même pas méchant, ou mauvais. Pur produit d’une société basée uniquement sur l’apparence et l’illusion de la consommation et de la possession,  il tue parce que les circonstances lui ont montré que c’est un moyen simple et efficace de bien gagner sa vie, d’avoir accès à tout les biens dont il ne faisait que rêver, et d’avoir l’estime de ses contemporains. Il n’a aucun repère, aucune morale ; il survit, c’est tout. Le rythme est haché, sec, il colle aux pensées de quelqu’un qui ne pense guère, ou du moins qui ne développe guère ses pensées.

Plus proche de fait divers évoqué au début, Enfer se déroule à dans une favela. Comme le laisse supposer le titre, nous sommes bien loin du Rio de carte postale, ses plages, son pain du sucre, ses footballeurs, et ses beautés fatales. La favela, semblable à des dizaines d’autres, contrôlée par une bande et son chef qui vivent du trafic de la drogue, est en guerre incessante avec les bandes des autres favelas, et avec la police. Un monde violent, sale, bruyant, mais qui sait aussi être chaleureux, et qui par dessus tout est plein d’une vitalité explosive : « Soleil, poux, magouilles, braves gens, lambeaux, mouches, télévisions, usuriers, soleil, plastique, tempêtes, toutes sortes de débris, funk, soleil, ordures et escrocs infestent l’endroit. […] Ca monte. Rues en terre battue. Onze ans, le gamin, Petit Roi.  ». Dans ce monde impitoyable, frénétique, et sensuel, on suit l’ascension irrésistible, et la chute brutale de Petit Roi, un des multiples gamins échappés de l’école pour se mettre au service du caïd local : « Qui montait sur la butte pouvait être blanc, noir, camé, journaliste, bonne sœur ou caïd en goguette, ça n’avait aucune importance, les ordres étaient simples et clairs, les trafiquants devaient tout savoir sur ceux qui entraient dans la favela.  ». On retrouve le style du roman précédent, sec, vif et implacable, dans un univers noir, sans sortie et sans avenir malgré quelques lueurs d’espoir de ci de là.

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13 août 2007 1 13 /08 /août /2007 23:05

La découverte sur le web du blog de DOA rencontré au festival de Frontignan (ci-contre) me décide à m’y mettre moi aussi.

 

Pas que je pense avoir grand-chose d’essentiel à raconter, mais c’est une occasion de plus d’écrire, ce qui ne peut pas faire de mal, et peut-être également une façon de plus de faire partager mes coups de cœur, essentiellement littéraires, et sans doute de temps à autre mes coups de gueule.

 
 Les vacances ont été mises à profit pour lire les bouquins achetés à Frontignan, revenir sur des livres que j’avais laissé passer et à sortir un peu du polar. Pour mieux y revenir bien entendu.
 

Hors polar justement Le Bestial Serviteur du pasteur Huuskonen le nouveau Paasilinna, qui se révèle être un grand cru, du niveau de La forêt des renards pendus, de La cavale du géomètre ou de Petits suicides entre amis. Le brave pasteur Huuskonen, n’est pas en odeur de sainteté auprès de sa hiérarchie, peut-être parce qu’il décore dans ses prêches que Jésus de nos jours serait un communiste finlandais, à moins que ce ne soit à cause de ses amantes. Sa vie bascule le jour de ses cinquante ans, quand ses ouailles lui offrent un ourson dont la mère vient de mourir, carbonisée par la ligne haute tension du village. Huuskonen va se prendre d’affection pour la bête, jusqu’à lui aménager une tanière pour hiberner, et l’accompagner tout l’hiver, en compagnie il est vrai d’une charmante biologiste peu farouche. La même année, il transperce l’épaule de son évêque en pratiquant le lancer de javelot vertical (discipline sportive injustement méconnue). Résultat, viré. Il démarre alors un voyage qui le mènera de Russie en Crête, en passant par divers pays où il se produit avec Belzébuth (c’est le nom de l’ours), à qui il appris à servir la messe. C’est du pur Paasilinna avec une superbe collection de timbrés, comme d’habitude. Avec également quelques scènes d’anthologie, comme celle où il parcourt les bas-fond d’une ville russe pour évangéliser les poivrots ; le dialogue entre un réceptionniste d’hôtel de Saint-Pétersbourg et le flic qu’il essaie de convaincre qu’il a bien vu un ours entrer dans son hôtel, et que, non, il n’a rien bu ; ou l’intervention musclée de Belzébuth lors d’une conférence oecuménique où il a considéré que les participants manquaient de dignité … La religion, et surtout les religieux sont malmenés de façon réjouissante, l’ours est magnifique, on en redemande.

 

Après la rigolade, on revient au sérieux, avec les bouquins achetés à Frontignan.

 

A tout seigneur … la star du festival était Dennis Lehane, charmant, qui a passé les trois jours à signer des bouquins à tour de bras. A son sujet, une petite info : Il sur un roman qui devrait sortir aux USA en milieu d’année prochaine. Il ne fera pas partie de la saga Patrick / Angela, je n’en sais pas plus. En attendant on peut se rattraper avec le recueil de nouvelles Coronado, publié chez Rivages. Quatre nouvelles, et une pièce de théâtre tirée de la dernière nouvelle. Recueil à la fois enthousiasmant et frustrant. Enthousiasmant parce qu’on a enfin des écrits de Dennis Lehane à se mettre sous la dent ; enthousiasmant également parce qu’on retrouve sa capacité à mettre en scène des personnages qui touchent le lecteur au plus profond, et que son sens du suspense fait merveille. Frustrant pour le mêmes raisons : c’est tellement bon qu’on est frustré que ça se termine aussi vite. La surprise du recueil vient de la pièce de théâtre. Il est déjà difficile de passionner à la lecture d’un texte fait pour être dit et entendu. C’est ici d’autant plus difficile que l’on vient juste de lire l’histoire sous forme de nouvelle. Et pourtant, passés les premiers dialogues que l’on peut avoir du mal à entendre, il réussit l’exploit de fasciner, d’émouvoir et même de surprendre. Certes, les fans connaissaient déjà son sens exceptionnel du dialogue qui fait ici merveille, le résultat n’en est pas moins époustouflant.

 

Vient ensuite DOA et ses Citoyens clandestins, publié à la série noire. 700 pages denses, dans un style d'une efficacité totale, sans gras ni mot superflu, qui n'est pas sans rappeler celui de Dominique Manotti. Une construction complexe, polyphonique, passant d’un personnage à l’autre, qui peut certainement dérouter un lecteur fatigué ou peu habitué, mais qui réjouira ceux qui aiment qu’on s’adresse aussi à leur cerveau, et qui, il faut l’avouer, pourront le dévorer assez rapidement (il doit être assez difficile de ne pas s’y perdre en lisant deux pages par jours à la fin d’une journée épuisante). Une connaissance apparemment très poussée du fonctionnement des différentes officines de renseignement françaises, mais également des réseaux islamistes. Des scènes d'action spectaculaires particulièrement bien rendues. Des personnages bien construits (loin d’être caricaturaux comme j’ai pu le lire ici ou là), avec en prime Lynx, hors norme, paradoxal, à la fois inquiétant et fascinant. Et une intrigue en trompe l’œil, qui cache la véritable question (qui a lâchés certaines révélation à la presse et pourquoi), derrière un faux suspense sur la question évidente : les services secrets vont-ils réussir à empêcher l’attentat. Bref une superbe réussite dans un genre que l’on croyait jusque là réservé à nos amis britanniques.

 

Dans une tout autre style, Comme un fauteuil Voltaire dans une bibliothèque en ruine, un très bon recueil de nouvelles de Jérôme Leroy, qui, à son habitude, nous prédit un avenir pollué, violent, fliqué, et particulièrement injuste. C’est assez désespérant, d’autant plus que la lecture un peu attentive des informations au jour le jour aurait plutôt tendance à lui donner raison. Se dirige-t-on comme il le dit vers un monde où des indépendantistes tchétchènes et./ou ouzbèks s’attaquent aux œuvres d’art du patrimoine mondial ? Où faire l’amour devient un acte de résistance en voie de disparition ? Où une machine à remonter le temps permet d’abattre Karl Marx ? Où la résistance s’organise, dans des cités libres ravagées par la pollution et les épidémies, alors que les richissimes nouveaux aristocrates se terrent dans des villes surprotégées  …

 

Dans cette avalanche de mauvaises nouvelles (au sens journalistique, au sens littéraire, elles sont excellentes !) surnagent quelques pépites de tendresse pour ceux qui ont su garder leur humanité, qu’ils soient morts ou vivant, quelques éclats de rire, et quelques moments, rares et d’autant plus précieux, où les sales cons en prendre plein la gueule. Avec en prime un commissaire Borgès que l’on aimerait bien retrouver, et cette évidence consolante : Il ne suffit pas de tuer Marx pour tuer ses idées.

 Sinon, deux romans étaient oubliés sur mes étagères depuis un peu plus d’un an, le vide éditorial de l’été m’a permis de les sortir des limbes.
 
Le premier est le premier roman d’un jeune américain, Michael Koryta, traduit au Seuil. La mort du privé est très classique, sans grande originalité mais bien fichu, un de ces produits d’artisan doué qui ne cherche rien de plus que faire passer un bon moment au lecteur (ce qui n’est déjà pas mal, et dénote un respect du public parfois bien supérieur à celui de certains de nos Artistes, avec un A très majuscule). On y trouve un duo de privé qui fonctionne, des dialogues vifs et drôles dans la grande tradition hard-boiled, et une histoire qui tient très bien la route. Sur son site, ce jeune auteur qui avait vingt ans quand il a écrit ce premier roman cite parmi ses inspirateurs Lehane, Palacanos et Crais. Pour moi son roman ressemble davantage à ceux de ce dernier, qu’aux chef-d’œuvres de Lehane et Pelecanos qui sont un cran nettement au dessus. Ceci dit, il peut beaucoup s’améliorer, et il faudra sans doute suivre cet auteur qui a déjà publié trois romans aux US.
 

Beaucoup plus original et personnel, Lune de glace de Jan Costin Wagner publié l’an dernier à la série noire.

 

Bien que l’auteur soit allemand, ça se passe en Finlande (pays qu’il connaît bien, c’est celui de son épouse). Le point de départ peut paraître très convenu : Un flic se sent peu à peu de plus en plus proche du serial killer qu’il poursuit. On l’a lu cent fois ces dernières années. Certes, mais pas comme ça. Le flic en question n’est pas un profileur, ni un anti-héros qui se bat avec sa hiérarchie, ni un justicier aux méthodes très personnelles. Le flic est juste un jeune policier complètement désespéré par la mort de la femme qu’il aimait qu’il a accompagnée jusqu’à son dernier souffle. Et le tueur n’est pas, loin s’en faut, une bête assoiffée de sang, ni un super QI qui nargue la police. Juste un jeune homme perdu, vivant à la limite de la folie, qui étouffe ses victimes dans leur sommeil, sans trop savoir pourquoi ni comment. Le roman commence par des chapitres très émouvants décrivant le désarroi du flic devant la mort, et continue lent et hypnotique, sans jamais de violence, même dans les scènes de meurtre. Sans suspense non plus. On a l’impression qu’il n’y a aucun rythme, juste une succession de réflexions d’être déphasés, perdus dans leur douleur ou leur peur. Face à eux des gens qu’ils croisent comme des ombres, sans les comprendre, en se demandant s’ils font partie de la même réalité. On peut certainement rester en dehors, totalement étranger à ce récit. Je me suis laissé prendre, bercer, envoûter, happer par cette folie, par le silence d’un paysage sous la neige, par la fatigue d’un flic qui n’arrive plus à dormir ... L’impression et l’émotion sont restées très longtemps après avoir tourné la dernière page.

 

Ca sera tout pour un début. A très bientôt pour quelques rééditions, trois bouquins qui m’ont fait bien rire en début de vacances, puis ce sera le temps de la rentrée …

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