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24 juin 2014 2 24 /06 /juin /2014 23:30

Comment une vie « normale » peut basculer en quelques secondes ? C’est, entre autres, ce qu’explore Une affaire de trois jours, premier roman traduit de l’américain Michael Kardos.

Kardos

Tous les ans depuis qu’ils ont quitté l’université, Will, ingénieur du son, Nolan politique en quête d’une élection nationale, Jeffrey, informaticien qui a fait fortune en créant une start-up et Evan, avocat newyorkais se retrouvent pour un week-end de golf. Cette fois, ils décident d’aller chez Will, dans le New Jersey. Jeffrey semble préoccupé, mais le repas du premier soir se passe bien quand il demande de s’arrêter à un drugstore. Il en sort en tenant une jeune femme par le bras. Will la croyant blessée et démarre au quart de tour en direction de l’hôpital. Le temps de s’apercevoir que son ami vient de braquer le drugstore et qu’il a pris la jeune fille en otage, il est déjà trop tard pour revenir en arrière. Les jours qui suivent vont leur changer la vie à tous.


Rien d’absolument original, ni les thématiques, ni dans le traitement, mais un bon polar, bien construit et bien écrit.


On a déjà lu et vu des variations autour du thème des amis d’université qui s’aperçoivent, peu à peu, que ce qu’ils prenaient pour une réelle amitié n’était qu’une camaraderie souvent scellée à la gnole qui résiste mal aux véritables ennuis … Ennuis qui révèlent peu à peu des jalousies, rancœurs et autres saloperies en général enfouies sous les blagues potaches et les bières.


On a aussi déjà lu et vu des histoires où un personnage tout ce qu’il y a d’ordinaire voit sa vie partir en vrille à partir d’un premier événement qui aurait pu paraître sans conséquences (mon premier souvenir du genre, qui est resté gravé dans ma mémoire étant After Hours de Martin Scorcese).


Déjà vu et lu, mais quand c’est bien fait, ça marche, et ici tout fonctionne parfaitement. Les flashbacks sont bien agencés, la succession de catastrophes très réussie. Et ce n’est pas le plus simple car il faut arriver à un niveau de calamité élevé par accumulation de mauvaises décisions, pour avoir un résultat incroyable, sans que jamais le lecteur ne doute de la possibilité d’en arriver là ni de la cohérence de l’ensemble.


En prime, l’auteur réserve quelques surprises assez bienvenues et fait très bien monter le suspense. Alors certes, ce n’est pas la lecture choc de l’année, mais c’est un roman très plaisant et fort bien fichu. Parfait pour les vacances.


Michael Kardos / Une affaire de trois jours (The three-day affair, 2012), Série Noire (2014), traduit de l’américain par Sébastien Guillot.

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23 juin 2014 1 23 /06 /juin /2014 21:15

Soir de fête de la musique, avec les potes du groupe jazz. Merci Tibo, notre batteur pour cette photo souvenir, juste un peu retouchée.

 

Les plus perspicaces d’entre vous trouveront le petit élément qui a été changé …

 

C1L

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20 juin 2014 5 20 /06 /juin /2014 12:13

Ombres Noires se lancerait-elle dans l’édition de nouvelles ? Ou de novellas ? Cela y ressemble avec Le convoyeur du III° Reich de C. J. Box.

Box

Très tôt, un matin d’hiver, l’avocat Paul Parker est enlevé de chez lui par deux hommes : Il connaît l’un d’eux, il l’a vu au tribunal. Lyle Peebles y accompagnait son grand-père qui attaquait le client de Parker, un homme d’affaire richissime en l’accusant de l’avoir volé plus de cinquante ans auparavant. Parker avait taillé en pièces les arguments des deux hommes et gagné le procès. Mais Lyle est têtu, rancunier et violent, et les voilà partis en pleine tempête de neige pour récupérer ce qu’il considère comme son dû.


On ne peut faire ici l’économie de la question … économique. Le livre est beau (comme toujours chez Ombres Noires), la nouvelle est suivie d’une courte interview de l’auteur … Mais 8 € pour un texte lu en moins d’une demi-heure … Peut-être comme cadeau ou pour les bibliothèques.


Ensuite, sans atteindre des sommets, on a là un bel exercice de style sur le thème « inventez une histoire à partir d’une photo insolite ». Je n’en dis pas plus pour ne pas révéler le final. Et on retrouve la nature hostile souvent présente dans le Wyoming (de C. J. Box ou de Craig Johnson). La nouvelle est bien troussée, l’auteur arrive à resserrer son récit sans pour autant négliger de camper les personnages, les dialogues fonctionnent et, sans atteindre le tranchant de certains spécialistes, la chute est assez abrupte tout en étant bien trouvée.


Un texte agréable.


C. J. Box / Le convoyeur du III° Reich (Pronghorns of the third Reich, ?), Ombres Noires (2014), traduit de l’américain par Aline Weill.

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18 juin 2014 3 18 /06 /juin /2014 21:42

Je ne vous cacherai pas que quand j’ai reçu La fille de femme-araignée d’Anne Hillerman, j’étais à la fois heureux et inquiet, impatient et anxieux. C’est sans doute pour cela que j’ai attendu un moment avant de le lire. Verdict : Anne a bien repris le flambeau, la police navajo est de retour.

Hillerman

En sortant du restaurant où il venait de prendre le petit-déjeuner avec ses anciens collègues, Joe Leaphorn, le légendaire lieutenant à la retraite devenu privé est abattu, sous les yeux de Bernadette Manuelito. Le tireur, un inconnu, réussit à prendre la fuite. Jim Chee se retrouve en charge de l’enquête et si Bernadette est sensée se tenir à l’écart (en tant que témoin, elle ne peut participer activement), on se doute bien qu’elle va désobéir aux ordres.


D’emblée Anne Hillerman tue le père : Joe Leaphorn au tapis dans les premières pages. Comme ça c’est fait, c’est une suite, c’est un hommage, mais c’est Bernadette qui prend le flambeau. Cela ne pouvait pas être plus clair …


Pour le reste, on retrouve avec un immense plaisir des personnages et des paysages que l’on croyait perdus à jamais pour nous, pauvres lecteurs fans de la Police de la Nation Navajo. Parce que si La fille de femme-Araignée n’est pas le meilleur de la série, il en est tout à fait digne, et c’est même un très bon épisode. On y retrouve tout ce qui a fait son succès : Une intrigue soignée, des personnages que l’on connaît, toujours aussi bien campés et dont on suit en même temps les enquêtes et la vie privée, de très belles descriptions des paysages, et un fond très documenté sur l’histoire, la culture et la vie quotidienne dans ce coin perdu des US qu’on a appris à connaître.


La patte de la fille, là où on voit de légères différences, c’est le choix de centrer l’histoire sur le personnage féminin de Bernadette, de mettre en avant ses relations avec sa mère et sa sœur (qui éclairent sur l’évolution d’une structure familiale originale en train de se diluer dans le mode de vie US), et de faire peut-être passer plus d’émotion que son père.


A signaler également un final assez costaud et très bien mené. Bref, du beau boulot, qui fait plaisir et qui donne envie de voir ce que va donner la suite.


Anne Hillerman / La fille de Femme-Araignée (Spider woman’s daughter, 2013), Rivages/Thriller (2014), traduit de l’américain par Pierre Bondil.

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15 juin 2014 7 15 /06 /juin /2014 11:27

En 2007, un des premiers romans à paraître dans la série noire nouveau format nous flanquait une immense claque dans la poire. C’était Manhattan grand-angle de l’américain Shannon Burke. Des années plus tard, le revoilà chez Sonatine avec ce 911 tout aussi marquant.

 

Burke-Shannon

Ollie Cross s’est engagé comme ambulancier à Harlem en attendant de réussir ses examens d’entrée en médecine. Il espère … Il espère quoi d’ailleurs ? Se rendre utile, aider, apprendre. En quelques semaines sa vie bascule, ses repères se diluent et il se sent un autre. Comme les anciens combattants, il sent que seuls ceux qui partagent son quotidien peuvent le comprendre, qu’ils sont devenus sa seule famille. Impossible d’expliquer, de faire ressentir ce qu’il vit au quotidien aux autres, ceux du dehors. La folie, la misère, la drogue, la haine, le désespoir … Et l’adrénaline, la toute-puissance de celui qui tient la vie d’un autre entre ses mains, et qui peut décider ce qu’il en fera. Descente aux enfers ou rédemption ?


Manhattan grand-angle était (est) un roman inoubliable, dans lequel la trame romanesque arrive à ajouter une histoire d’amour lumineuse et tragique sans jamais affadir ou affaiblir le propos et le constat.


911 est une chronique noire, sans intrigue (ou si peu) pour permettre au lecteur de se raccrocher à quelque chose. Seule interrogation, de quel côté va basculer le narrateur ? Dit avec un simplisme qui ne rend pas hommage à l’humanité du livre, vers le bien ou vers le mal ? Va-t-il, comme certains, s’autoriser à choisir ceux qu’il sauve et ceux qu’il laisse mourir ?


Pour le reste, bienvenue en enfer, avec quand même cette autre interrogation : De quel bois est donc fait cet auteur, qui a vécu les mêmes horreurs que le narrateur, pour avoir gardé une telle humanité ? Pour être capable d’autant d’empathie sans jamais pleurnicher, pour rendre aussi évidentes ces souffrances, cette rage sans jamais prêcher, sans jamais larmoyer ? Un sacré bonhomme sans doute, et un sacré écrivain de toute évidence.


Pour vous donner une idée, on ne peut s’empêcher de penser à Necropolis pour les descriptions, pour le constat, et pourtant, au désespoir macabre du roman de Lieberman, Shannon Burke répond par une foi dans l’humain qui résiste au pire, sans jamais tomber dans le pathos, l’apitoiement ou l’angélisme. Chez Burke les pauvres, les drogués, les miséreux sont des salauds, des pourris, ou des gens bien comme tout être humain, et si on trouve chez les ambulanciers des héros comme on peut en trouver en temps de guerre, tous ne sont pas non plus animés d’intentions pures et altruistes.


Au final, 911 est un très grand bouquin qui enrage, prend aux tripes, coupe le souffle, serre la gorge … Et arrive quand même à redonner un certain sourire. Putain de bouquin !


Shannon Burke / 911 (Black flies, 2008), Sonatine (2014), traduit de l’américain par Diniz Galhos.

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11 juin 2014 3 11 /06 /juin /2014 22:30

Cela ne vous aura pas échappé, il n’y a pas grand-chose sur les polars asiatiques en général, et japonais en particulier ici. Manque d’occasion, curiosité défaillante, attirance plus marquée pour l’Europe et l’Amérique ... Sans doute une peu de tout ça. Mais rien n’étant irréversible, je me suis laissé tenter par ce Rendez-vous dans le noir du japonais Otsuichi. Et j’ai bien fait.

Otsuichi

Michiru est une jeune femme devenue aveugle dans un accident. Depuis la mort de son père elle vit seule dans sa maison, ne sortant que très rarement avec la seule amie qui lui reste. Akihiro aussi vit seul, sans amis, et ne sort que pour se rendre à son travail, dans une imprimerie. Parce qu’il est réservé, il devient peu à peu le souffre-douleur du meneur de l’atelier.


Un matin, dans la gare qui jouxte la maison de Michiru, un homme est poussé sur la voie et meurt percuté par l’express qui passe à ce moment-là. Le même jour, Michiru se rend compte qu’elle n’est plus seule dans sa maison, et que quelqu’un est là, silencieux. Peu à peu, entre deux êtres seuls, une étrange relation se noue.


Voilà un polar très fin et très bien fichu. Et il fallait ça pour que je m’y intéresse. Parce qu’a priori, les thrillers psy c’est pas mon truc. Et puis la culture japonaise toute en retenue et en non-dits, avec les frustrations rentrées que ça entraîne c’est pas non plus mon verre de saké. En général je préfère quand sa gueule et que ça pète.


Mais là, chapeau.


Toute en subtilité l’auteur fait ressentir la double solitude des personnages. L’enfermement dans un double carcan de la jeune femme, aveugle et tellement éduquée à être polie, à ne pas déranger, à ne pas avoir le moindre espoir d’une vie un peu épanouie. Et celui du jeune homme, incapable de cette fausse fraternisation du boulot, individu qui ne rentre pas dans la moule et est donc implacablement rejeté.


Toute la rigidité d’une société montrée sans en avoir l’air au travers des pensées, pourtant jamais revendicatrices des deux personnages. Et derrière cette raideur, des souffrances, évoquées plus que décrites, que l’on ressent plus qu’on ne les comprend. Des souffrances que l’on devine représentatives de toute une société, même si ici elles semblent individuelles.


Mais ce n’est pas tout. Petit à petit, mine de rien, l’intrigue se noue, sans même qu’on s’en aperçoive, pour se résoudre en quelques retournements diablement bien amenés lors d’un final que rien, vraiment rien, ne pouvait laisser deviner.


Je ne lirais pas ça tous les jours, je continue à préférer la fureur, l’énergie et l’enthousiasme d’un Taibo, la rage d’un James Lee Burke ou l’humour d’un Camilleri, mais je dois avouer que, dans son style, c’est très fort. Et émouvant.


Otsuichi / Rendez-vous dans le noir (Kurai tokoro de machiawase, 2002), Picquier Poche (2014), traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako.

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9 juin 2014 1 09 /06 /juin /2014 17:19

Si je n’avais pas prévu d’animer la rencontre avec Christophe Reydi-Gramond à Ombres Blanches samedi 14 à 17h00, je n’aurais sans doute pas prêté attention à son premier roman, Un mensonge explosif. Mais je l’ai lu, et j’ai passé un bon moment.

reydi-Gramond

Les toulousains ne l’oublieront jamais, le 21 septembre 2001, vers 10h00, l’usine d’AZF, filiale du groupe Total explosait. Des morts, des blessés par centaines … et un témoin de onze ans, Hugo, ornithologue passionné qui ce vendredi séchait les cours et, depuis les coteaux surplombant l’usine, a tout vu, et surtout tout photographié.


Des mois plus tard, la thèse communément admise est celle de l’accident industriel. Mais ce n’est pas celle de Clovis Lenoir, flic à l’antiterrorisme qui ce 21 septembre était sur les traces d’une cellule islamiste et a depuis le sentiment d’être arrivé trop tard. Quand un journaliste enquêtant sur l’affaire est assassiné avec sa famille au Brésil, Clovis commence à se demander combien il y a de manipulations, qui trompe qui, et surtout pourquoi …


Je ne vais pas vous dire que c’est le roman de l’année, ni qu’il est absolument incontournable. Mais il est vraiment bien ficelé, tellement bien que, alors qu’en général les thrillers complotistes ont tendance à me faire fuir en ricanant, j’ai pris du plaisir à le lire.


Essentiellement grâce à l’écriture, nerveuse, fluide qui vous accroche dès le très bon premier chapitre. Ensuite parce que l’auteur tricote bien son intrigue, saute habillement d’un personnage à l’autre, d’un lieu à l’autre. Les dialogues fonctionnent, on sourit souvent, c’est agréablement méchant à d’autres. Bref l’histoire et les personnages fonctionnent.


Sur le complot final on peut sourire, mais après tout, il a le mérite de nous faire croiser quelques personnages et théories bien cintrés et plutôt réjouissants. Et derrière tout ça, les rapports entre mondes politiques, financiers et médiatiques est bien analysé et n’a pas grand chose d’imaginaire ni d’exagéré. Ce n’est pas un scoop, mais il est bon, de temps à autres, de rappeler certaines vérités.


Donc un très agréable moment de lecture, et pour les toulousains le possibilité de rencontrer l’auteur donc le samedi 14 juin à Ombres Blanches à partir de 17h00.


Christophe Reydi-Gramond / Un mensonge explosif, Liana Levi (2014).

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4 juin 2014 3 04 /06 /juin /2014 22:51

J’étais passé complètement à côté du premier roman traduit de Carlos Zanón. Impossible de le terminer, et pourtant j’en avais entendu dire beaucoup de bien. Mais je suis têtu, donc j’ai insisté avec le second N’appelle pas à la maison.

Zanon

Bruno, Cristian et Raquel vivent d’arnaques minables et squattent à droite et à gauche. Ils gagnent essentiellement de quoi boire et se shooter en faisant chanter les couples illégitimes qu’ils surprennent dans les hôtels des quartiers excentrés de Barcelone.


Merche et Max sont amants. Max est divorcé et travaille dans une boite d’assurances, Merche est toujours avec son mari, artisan. Leur route va croiser celle du trio. Et rien ne va se passer comme prévu.


Cette fois je suis allé au bout, mais je crois qu’il faut que je me fasse une raison, Carlos Zanón c’est surement très bien, mais ce n’est pas mon univers littéraire. C’est simple, je n’arrive pas à m’intéresser aux histoires de ses personnages. Du coup, je trouve que ça traine, ma lecture elle-même trainasse, et même en reconnaissant la qualité de l’écriture et de la peinture d’une Barcelone peu connue, loin des ramblas, des touristes et de la mer, je m’ennuie.


Pourtant elle est bien décrite cette Espagne en pleine crise, où les files aux soupes populaires s’allongent, où les valeurs se diluent dans la misère, financière et culturelle. Pourtant ce sont des thèmes classiques du polar que ceux de l’adultère, de la jalousie et du chantage … Pourtant.


Pourtant, malgré un final fort et très bien maîtrisé qui a réussi à m’accrocher, enfin, rien à faire, je n’arrive pas à m’intéresser à ses tristes histoires d’amour. Ce n’est pas la faute de l’auteur, peut-être la mienne, ou une alchimie qui ne fonctionne pas.


Pour l’avis de quelqu’un qui aime, c’est chez Yan.

Carlos Zanón / N’appelle pas à la maison (No llames a casa, 2012), Asphalte (2014), traduit de l’espagnol par Adrien Bagarry.

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30 mai 2014 5 30 /05 /mai /2014 20:46

On a découvert Attica Locke en France avec un premier roman passionnant, Marée noire. Avec Dernière récolte, elle change de lieu et de problématique, et confirme son talent.

 

Locke

La Belle Vie. Une superbe propriété en Louisiane. Elle appartient depuis des générations à la famille Clancy, blanche. Et depuis des générations les Gray, noirs, y travaillent. Caren Gray est la dernière, elle dirige toute la maison qui a été transformée en musée et accueille les touristes, présente un spectacle sur le Sud d’autrefois, organise des mariages … Tout y semble immobile, jusqu’à la découverte, en bordure de la propriété, du corps d’une jeune femme qui a été égorgée. Une latino, clandestine, qui travaillait dans les champs de canne à sucre voisin.


De la belle ouvrage. Rien de révolutionnaire, mais du très beau travail. Voilà l’impression que laisse cette Dernière récolte.


Car si on y regarde de près, rien de nouveau ici dans la forme. Un crime actuel puise ses racines dans les secrets du passé, des puissants qui écrasent les faibles, presque sans s’en rendre compte, une justice à deux vitesses … Une écriture claire et limpide, des personnages solides, émouvants, compliqués, à la fois en rébellion contre leur passé et totalement conditionnés par lui. Et une intrigue bien menée, avec ce qu’il faut de secrets et de coups de théâtre. Bref de la belle ouvrage.


Et quand même un peu plus. Parce que l’atmosphère des grandes familles du sud est très bien rendue. Parce que je ne connaissais pas l’histoire qui se trouve au centre du secret et de l’intrigue (et bien entendu je ne vous en dirai pas plus).


Parce qu’aussi l’auteur campe ce personnage de propriétaire plein de morgue, en apparence très libéral. Un libéral qui dit, convaincu, que sa famille a beaucoup fait pour celle des Gray. Une inversion de valeur et de sens que l’on entend de plus en plus. Aujourd’hui, ce ne sont plus les employés qui permettent, par leur travail, au propriétaire d’une entreprise de gagner de l’argent, c’est le proprio, ce philanthrope, qui se sacrifie pour eux, pour leur « donner » du travail. Inversion, hallucinante et ô combien fréquente, que tous les Clancy du monde pratiquent de nos jours, et de façon si naturelle qu’ils finissent par y croire. C’est parfaitement écrit ici, et cela a le mérite d’être choquant. Au lecteur d’identifier tous les Clancy et Gray autour de lui …


Et puis, en ces temps troublés où les mal lotis cherchent un plus mal loti qu’eux sur qui faire retomber la faute de leur disgrâce, montrer ces noirs du sud, exploités légalement, s’en prendre aux latinos clandestins, encore plus exploités qu’eux, n’est pas inutile. Et c’est transposable ailleurs que dans le sud des US …


Bref, ce serait vraiment dommage de passer à côté de la Dernière récolte. Belle histoire, solide, fort bien racontée, et beaucoup plus politique, actuelle et universelle qu’on pourrait le penser à la première lecture.


Attica Locke / Dernière récolte (The cutting season, 2012), Série Noire (2014), traduit de l’américain par Clément Baude.

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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 20:02

Chouette un nouveau Carl Hiaasen ! L’assurance de rire intelligent au pays du mauvais goût assumé. En plus, si les éditeurs français du pourfendeur de connerie floridien changent, son traducteur (excellent) reste. Et ça donne Mauvais coucheur.

Hiaasen

Andrew Yancy était flic à Miami, avant de se faire virer en essayant de dénoncer un collègue ripou. Il est alors devenu enquêteur pour le shérif qui s’occupe de la pointe de Keys. Jusqu’à ce qu’il plante un aspirateur en marche dans le fondement du mari de sa maîtresse, et ce devant un troupeau de touristes armés de smartphones et de caméras … Le mari n’a pas porté plainte mais a exigé que Andrew soit « déplacé ». Le voilà donc inspecteur des cafards, en charge de l’hygiène dans les restaus douteux de l’île. Vous l’aurez compris, Andrew n’est pas un mauvais bougre, juste un peu vif parfois.


Quand deux touristes pêchent par hasard un magnifique bras, il se dit qu’il a là l’occasion de revenir en grâce. Il sera aidé dans son enquête par un singe aussi mal luné que lui, une légiste fort gironde et un pêcheur des Bahamas plutôt cool. Et ce ne sera pas de trop.


Youpiiiiiiiiiiiiii ! revoilà Hiaseen ! J’adore cet allumé. Je sais, tout ce qu’il a écrit n’est pas parfait, mais quelqu’un qui a produit Cousu main, Jackpot, Miami Park ou De l’orage dans l’air, pour ne citer que ceux là, peut être qualifié de bienfaiteur de l’humanité.


Et Mauvais coucheur, s’il n’atteint pas les niveaux comiques de ses plus beaux succès est quand même un bon Hiaasen. Avec une vraie intrigue, maîtrisée, de très beaux personnages, des tarés vraiment tarés, bêtes mais tellement méchants (ou inconscients) qu’ils en deviennent dangereux. Avec ici quelques femmes particulièrement gratinées.


Sans compter ce foutu singe, abominable et tellement drôle. On ne rit pas autant que dans les meilleurs, mais on sourit beaucoup, et on retrouve les thématiques de l’auteur : la destruction de la Floride, la cupidité, la corruption … Et puis à la fin les affreux meurent dans d’atroces souffrances et de façon absolument grotesque, et même si c’est pas gentil de dire ça, c’est bon !


Donc pour vous remonter le moral, sans pour autant vous faire d’illusions sur la nature humaine, une solution : Mauvais coucheur.


Carl Hiaasen / Mauvais coucheur (Bad Monkey, 2013), les deux terres (2014), traduit de l’américain par Yves Sarda.

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