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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 20:49

J’ai ouvert Le jaguar sur les toits, premier roman de François Arango, avec une furieuse envie de l’aimer. Un nouvel auteur, le Mexique, Métailié, trois raisons pour apprécier. C’est pourquoi je suis absolument désolé de ne pas avoir été conquis. Explication.

 

ArangoMexico, DF. Castillo, homme d’affaire récemment viré d’une grande entreprise pharmaceutique a disparu depuis quelques jours quand son cœur est livré à la famille. Avec le paquet macabre, un message en forme de rébus qui semble promettre de nouvelles victimes. Il semblerait que l’homme ait été tué suivant les anciens rites précolombiens.

 

Alexandre Gardel, journaliste français spécialisé dans les affaires de tueurs en série est envoyé sur place par son journal. Il sera épaulé par la belle et énergique anthropologue Catarina Marín, et par le flic mal embouché mais efficace (et intègre) qui mène l’enquête. L’affaire les mènera sur les traces des anciens cultes et dans les forêts du Chiapas.

 

J’avais donc très envie d’aimer ce roman. Et il a, objectivement quelques atouts. Essentiellement la richesse du fond : Belle description de la ville de Mexico et une connaissance visiblement approfondie des manœuvres des grands labo pharmaceutiques (l’auteur est médecin), du pillage des ressources naturelles par ces mêmes labos, des civilisations précolombiennes, de la situation au Chiapas … Tout cela est bel et bon.

 

Mais cela ne fait pas une histoire. Dans La malédiction Hilliker, James Ellroy explique comment son Underworld USA est vraiment né, non pas de la documentation rassemblée, ni de l’envie d’écrire sur une période, mais au moment où il a eu le braquage du fourgon initial et le personnage de Joan Klein … Il avait trouvé le fil narratif. Et justement, voilà ce qu’il manque au roman de François Arango.

 

Les personnages, pour commencer, ne sont que des silhouettes. Ils manquent de chair, de nerfs, de tripes. A vouloir en construire trop, on ne s’attache à aucun. Et puis, mis à part le flic qui, à mon humble avis, est le plus réussi et celui qui a le plus de potentiel, les autres sont bien lisses, sans faiblesses, sans faille mais aussi, du coup sans passion (du moins, on ne sent pas leurs passions). Donc on se fiche un peu de ce qui leur arrive.

 

L’autre face du polar, le méchant, est lui aussi assez terne. On ne comprend ce qui l’anime que dans les grandes lignes, mais pas dans le détail. On ne sent pas sa rage, sa hargne, sa colère, sa haine. Donc là aussi, on reste froid. Et certaines de ses actions semblent artificielles, voire incohérentes.

 

Dommage car une fois de plus le fond est intéressant, les dialogues marchent bien, certaines descriptions sont belles, et le personnage du flic prometteur …

 

J’attends impatiemment vos commentaires si vous avez une autre (ou la même), appréciation …

 

François Arango / Le jaguar sur les toits, Métailié (2011).

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16 février 2011 3 16 /02 /février /2011 18:42

Cette semaine dans les kiosques et les librairies, Temps Noir n°14.

 

Encore un numéro particulièrement copieux : 350 pages.

 

Un numéro presque entièrement consacré au polar français avec :

Un dossier sur les premiers français de la série noire.

Les interviews de douze acteurs (auteurs et éditeurs) des années 80 (Lebrun, Manchette, Pouy, Jonquet, Guérif …).

Une correspondance entre Léo Malet et Albert Simonin.

La pièce Le cave se rebiffe de Frédéric Dard et Albert Simonin.

Cinéma avec des articles sur Claude Chabrol, Henri-George Clouzot et Lucas Belvaux.

BD avec un article sur Manchette adapté par Tardi.

Et pour finir, quelques notes de lectures.


De quoi tenir un moment pour les passionnés de polar.

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 22:12

Après le plat de résistance norvégien, il fallait un machin raide, fort et rapide, pour faire place nette avant d’attaquer autre chose. Coup de chance, j’avais sous le coude un nouveau roman d’un auteur américain au nom absolument imprononçable. Vous aurez peut-être deviné qu’il s’agit de A toute allure de Duane Swierczynski.

 

Swierczynski

Patrick Lennon n’est pas un homme violent. C’est un excellent pro, et un conducteur émérite. Sa spécialité : les braquages. Une spécialité à risques, mais jusque là il s’en est plutôt bien tiré : sang-froid et professionnalisme. Cette fois, dans le centre de Philadelphie, tout va mal. Pourtant la préparation était impeccable, une fois de plus.

 

Mais ils ont été trahis et étaient attendus. Des malfrats les percutent avec une camionnette avant de les tabasser et de tenter de les enterrer plus morts que vifs. Miraculeusement, Patrick s’en sort, et va découvrir que, quand il s’agit de se venger, il peut oublier sa non-violence. Préférable quand on se retrouve avec deux mafias, des flics ripoux et le FBI sur le dos … Sans avoir la moindre idée de celui, ou celle, qui les a vendus.

 

Après The Blonde déjà remarqué par les amateurs, revoici Duane Swierczynski, un tout petit peu plus sage. Disons que si le point de départ est moins extravagant la suite, elle, fait preuve de la même virtuosité et de la même énergie époustouflante. Le titre français est mérité, cela va bien à toute allure. Explosions, bastons, coups de théâtre se succèdent à un rythme d’enfer pour le plus grand plaisir du lecteur qui jubile.

 

Pour vous donner une idée des influences de l’auteur : obligé de s’inventer un nom, Patrick Lennon dit s’appeler Donald Stark … On fait pire. Cerise sur le gâteau, la fin du roman introduit The Blonde. Mais ne comptez pas sur moi pour vous dire pourquoi et comment …

 

Duane Swierczynski / A toute allure (The wheelman, 2005), Rivages Noir (2011), traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 22:04

Ca y est, je suis allé au bout, 760 pages. On a attendu, attendu le retour de Harry Hole, on désespérait presque, mais ça valait le coup d’attendre. Juste un conseil, avant d’attaquer Le léopard, le dernier Jo Nesbo, faites un peu de muscu (la bête est lourde), et prévoyez de pouvoir être tranquilles pendant quelques jours …

 

NesboDeux femmes ont été retrouvées, mortes. Tuées par le même assassin selon toute vraisemblance. Et rien ne semble les relier. La police norvégienne rame et décide d’aller chercher son seul spécialiste en serial killer où il se terre, à Hong Kong. C’est là qu’Harry Hole est allé se cacher après l’affaire du Bonhomme de neige.

 

Kaja Solness de la brigade criminelle d’Oslo le retrouve et arrive à le convaincre de rentrer, un peu parce qu’elle est très belle, beaucoup parce qu’elle lui annonce que son père est mourant et désire le voir. Harry revient donc, et la traque commence.

 

Une traque longue et difficile, d’autant plus qu’il se retrouve au beau milieu d’une guerre entre différents services, et sur le chemin d’un policier ambitieux, aimé des politiques et de la presse, qui compte bien devenir le grand patron, à tout prix ; une sorte de réincarnation du glaçant Tom Waaler de L’étoile du diable

 

Plus de sept cent cinquante pages, et pas un instant de trop, pas une seconde d’ennui. D’emblée Jo Nesbo prend le lecteur aux tripes pour ne jamais le lâcher. Pourtant, superficiellement, qu’y a-t-il d’original dans ce thriller ? Un tueur sadique, un flic électron libre aux prises avec ses propres démons, des faux coupables, des fausses pistes, des morts atroces … De nombreux auteurs s’essaient à l’exercice, croyant que les ingrédients « obligatoires » suffisent à faire le succès du roman. Avec les mêmes ingrédients Le chuchoteur (par exemple) est profondément ennuyeux.

 

Alors pourquoi Le léopard est-il exceptionnel ? En premier lieu parce qu’ici les péripéties, les coups de théâtre sont réglés au millimètre, et qu’on se fait avoir à tous les coups ; parce que le suspense est multiple, entre la traque, la guerre entre les flics, les trahisons multiples, les révélations distillées avec une maîtrise incroyable. Jo Nesbo est maître dans l’art de nous montrer une scène, sans en nommer les personnages, et de nous laisser ensuite dans une douloureuse incertitude … Qui est mort ? Qui est l’assassin ? Un procédé casse-gueule, uniquement possible en littérature (impossible au cinéma), mais imparable quand il est bien mené.

 

Ensuite il y a Harry Hole, un personnage exceptionnel, une gueule cassée comme les lecteurs de polar les adorent, que l’on connaît maintenant depuis quelques années, dont l’auteur exploite à merveille les failles et le passé. Avec lui on aime voir les ambitieux, les prêts à tout, les pourris à l’apparence bien lisse, bien propre, en prendre plein le museau. C’est peut-être facile, mais ça fait du bien. Et puis l’émotion passe à tous les coups : sentiments complexes face à la fin de vie de son père, nostalgie des amitiés de jeunesse, amour perdu, et toujours cette peur d’entraîner ses proches dans sa chute inéluctable.

 

Condition sine qua non, les méchants aussi sont réussis. Flics, tueur … et je n’en dit pas plus. Des méchants aussi bien construits que les personnages principaux. Et qui font peur. On tremble avec les personnages, et on sait qu’ils risquent lourd, Nesbo n’ayant pas pour habitude de les ménager.

 

Et puis surtout, il y a cette alchimie de l’écriture qui fait que Jo Nesbo est grand là où d’autres ne sont que des imitateurs plus ou moins doués. Une alchimie que je ne saurais définir, mais qui fait que, le lecteur tourne les pages, tourne, tourne, et, passé un certain point, ne peut plus s’arrêter jusqu’à la fin. Pour se désoler ensuite parce que c’est terminé.

 

Pour compléter, cette interview de l’auteur où il révèle que son roman qui lui tient le plus à cœur est Rouge-Gorge. Il se trouve que dans une série de très très grande qualité, c’est aussi celui que je préfère.

 

Jo Nesbo / Le léopard (Panserhjerte, 2009), Série Noire (2011), traduit du norvégien par Alex Fouillet.

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 23:12

Après le magnifique et éprouvant Les derniers jours d’un homme, Pascal Dessaint avait sans doute besoin d’espace, d’air pur et d’un peu de détente. Il a trouvé tout cela avec Le bal des frelons. Mais attention, l’air pur peut se révéler vicié, et la détente être un poil grinçante …

 

Dessaint

Un village paisible au pied de la montagne ariégeoise. Il y a là Michel, le maire, pas toujours très net ; Maxime l’apiculteur ; Antonin le retraité (ancien maton) ; Rémi, un peu « bizarre » qui parle à ses deux poules et à son amie, morte depuis quelques temps ; Coralie, la secrétaire du maire, vieille fille qui voudrait mais n’ose pas ; Martine l’épouse d’Antonin. Il y a aussi des frelons asiatiques, un ours, un hérisson, les abeilles, les poules de Rémi … Un village paisible donc. En apparence. Car comme ailleurs pouvoir, argent et sexe mènent la danse. Un danse mortelle.

 

Retour dans le sud-ouest donc pour Pascal Dessaint. Mais pas encore à Toulouse. Comme pour son Poulpe, il plante sa plume dans les montagnes ariégeoises. Avec délectation, humour et une bonne dose de méchanceté (pas toujours) tendre. Une vraie hécatombe que ce bal des frelons, et les frelons en question ne sont pas forcément ceux que l’on croit. Un roman choral comme il les aime, parfaitement maîtrisé, grinçant et réjouissant.

 

L’occasion aussi de râler, une fois encore, contre les quatrièmes de couverture. Il y est dit que cette « farce drôle et cruelle » (ça c’est vrai), « rappelle Siniac » (pas mal trouvé) « ou le Charles Williams de Fantasia chez les ploucs ». Là, deux hypothèses. Soit je n’ai rien compris au roman, soit celui (ou celle) qui a pondu cette comparaison n’est pas allé plus loin que le titre du roman de Charles Williams. Ce n’est pas parce que Le bal des frelons se déroule effectivement « chez les ploucs » et qu’il s’y passe de drôles de choses que les deux romans ont un rapport ! Car ils n’en ont aucun.

 

Fantasia est très drôle, on y éclate de rire sans restriction, il tire son humour du regard décalé du narrateur (un enfant qui ne comprend pas forcément tout) et utilise toutes les ressources du quiproquo et du burlesque. Toujours drôle, jamais grinçant ou pessimiste, on est dans le registre de la grosse farce (grosse mais subtilement amenée) et ça marche. Si on voulait absolument trouver une analogie américaine à ce bal ariégeois, c’est plutôt du côté de l’humour très noir et de la vision pessimiste de la nature humaine de 1275 âmes qu’il faudrait aller chercher (même si la structure narrative n’a rien à voir).

 

Ceci dit, je râle, mais cela n’enlève rien au roman. Après tout, être comparé à Pierre Siniac et Jim Thompson, il y a pire, surtout quand on tient le choc de la comparaison.

 

Pascal Dessaint sera à Ombres Blanches samedi 12 à partir de 18h00 pour rencontrer ses lecteurs.

 

Pascal Dessaint / Le bal des frelons, Rivages/Thriller (2011).

 

PS. Si vous n’avez pas de nouvelles pendant quelques jours, ne vous inquiétez pas, je ne vous abandonne pas, je suis juste plongé dans le pavé de février, les presque 800 pages du dernier Jo Nesbo.

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6 février 2011 7 06 /02 /février /2011 11:56

Cela devient une habitude, tous les ans, un petit tour en Islande avec Erlendur. Et patapoum, cette année, autant casser le suspense tout de suite, on a bien droit à un petit tour en Islande avec Arnaldur Indridason, mais pas trace d’Erlendur dans La rivière noire. Explication.

 

IndridasonUn jeune homme d’une trentaine d’année est retrouvé égorgé dans son appartement. Un jeune homme apparemment sans histoire, employé modèle, aimable bien que plutôt solitaire. Seul détail qui jure : il avait dans sa poche un flacon contenant des pilules de Rohypnol, la drogue du viol … En l’absence d’Erlendur, parti en congés dans les fiords de l’est, c’est sa collègue Elinborg qui hérite de l’enquête. Une affaire au cours de laquelle le joli masque lisse de la victime va se fissurer pour révéler une rivière bien noire.

 

Comme toujours, et même en l’absence d’Erlendur, Arnaldur Indridason arrive à instaurer une tension et à passionner son lecteur avec une histoire qui pourrait sembler anodine. Je dois avouer pourtant qu’au début j’étais sceptique. Elinborg est plus « fade » qu’Erlendur : vie de famille, bon mari, enfants avec des problèmes normaux … Et on aime bien les fêlure d’Erlendur, son obsession pour les disparitions, le traumatisme de celle de son frère, ses problèmes avec sa fille …

 

Et bien malgré tout, peu à peu, ce diable d’Indridason arrive à nous accrocher, à nous accrocher ferme. Qualité des personnages, écriture qui rend très bien une certaine mélancolie, empathie et humanité dans les description des souffrances des victimes. Avec ici la très belle description d’un village paumé comme il doit y en avoir là-bas. Paumé et fermé, et muet, où tout se sait, même les plus vilains secrets, mais où personne ne dit rien, où le couvercle de la marmite est bien fermé, hermétiquement …

 

Et une intrigue toujours solide et parfaitement agencée. Cela doit faire partie de la recette. Puis il y a le talent du chef. Et pour finir, une petite note angoissante qui ouvre la porte vers la suite … Mais je ne vous en dit pas plus.

 

Arnaldur Indridason / La rivière noire (Myrká, 2008), Métailer (2011), traduit de l’islandais par Eric Boury.

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4 février 2011 5 04 /02 /février /2011 19:05

Deux infos :

 

Pour en finir avec la rencontre avec James Ellroy, j’ai découvert grâce à Travis (merci Travis) que l’enregistrement de la rencontre avait été mis en ligne par la médiathèque. Vous pouvez le télécharger là. Passez les deux premières minutes (où on n’entend que les gens qui s’installent) et vous pourrez entendre en VO le speach fracassant de la bête de scène. On comprend mieux, à cette écoute, ce qu’on perd à la traduction …

Je sais que la rencontre du lendemain avec Craig Johnson a été enregistrée, mais pour l’instant elle n’est pas téléchargeable. Vous pouvez toujours aller pister si elle arrive en allant là.

 

Pour les toulousains, dans le cadre du festival Cuba Hoy à Tournefeuille, je sera samedi 05 février l’assistant du Maître (Claude Mesplède), pour un panorama du polar latino-américain. Ce sera à 12h00, au gymnase du château à Tournefeuille.

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3 février 2011 4 03 /02 /février /2011 21:32

Polar ou SF ? SF ou Thriller ? Les deux, et puis, est-ce important ? Toujours est-il que Zone est, le dernier roman de Marin Ledun se passe bien dans un futur pas très éloigné (donc SF), et qu’il a une structure de thriller …

Ledun

Couloir rhodanien, un jour, quelque part dans le courant du XXI° siècle. La cata depuis longtemps annoncée par les auteurs de SF a fini par arriver. A force de jouer avec les virus et les nanotechnologies les blouses blanches ont foiré. La chose leur a échappé, l’humanité a été en grande partie dévastée. Un Mur a été construit, pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être dans ce coin de ce qui fut la France. Une nouvelle humanité, rongée par les virus y survit, à coups de vaccinations, de greffes d’yeux (les premiers détruits par le virus), de poumons, de foie, de peau, de bras et de jambes … Des greffes qui ont poussé à l’extrême ce qui était en train d’arriver avant la catastrophe : tout le monde est connecté et identifié par une puce, les yeux artificiels permettent de recevoir les informations de position, les nouvelles … les pubs.

 

Thomas Zigler survit comme chasseur de tête et voleur de données : Il traque ses proies et leur vole quelques minutes à quelques semaines de mémoire, pour qu’ils oublient certaines choses, ou pour le revendre à ses commanditaires. Jusqu’au jour où il trouve dans les souvenirs de l’homme qu’il a rattrapé une image impossible : Une jeune femme, nue, intacte, sans prothèses, avec ses yeux, sans marque du virus. La première qu’il voit depuis trente cinq ans que le mur existe. Impossible, tout le monde est mort à l’extérieur … Il ne sait pas encore que ce qu’il vient de voir va faire voler son monde en éclats, ni qu’il devient l’homme à abattre.

 

Autant commencer par là, j’ai aimé ce roman, c’est pourquoi je serai un poil critique. Parce que j’ai le sentiment qu’il souffre, malgré ses très grandes qualités, d’un ou deux petits défauts qui auraient pu être évités, et qu’il est passé très près de quelque chose de bien plus grand.

 

Commençons par un détail, tout bête … Dans certains dialogues (2 ou 3), échanges rapides à deux, j’ai eu un peu de mal à savoir qui était qui. C’est couillon, ça oblige à revenir en arrière ou à aller voir en avant, et ça nuit à la fluidité de la narration.

 

Ensuite j’ai le sentiment que le roman aurait gagné à être un peu resserré. La sensation qu’il y a trop de choses dedans, et que certaines n’étaient pas forcément indispensables. Difficile d’en faire une liste ici sans déflorer l’intrigue … Et au final je ne suis pas certain que tous les détails des motivations des uns et des autres soient très clairs pour moi.

 

Mais je le répète ce sont des détails, face à l’excellente qualité de l’ensemble. L’idée de départ est un classique de la littérature d’anticipation (le virus qui échappe aux apprentis sorciers), le traitement est efficace, mais surtout la résolution du drame, et l’idée de fond qu’elle sous-tend (et dont je ne peux absolument pas parler pour des raisons évidentes de suspense) sont très très fortes ! Et très très actuelles ! Voilà, je ne peux en dire plus, vous êtes obligés de me faire confiance … Au point que lorsque le lecteur commence à entrevoir la vérité il est emporté et admiratif devant le coup de théâtre qui pour être surprenant n’en est pas moins totalement crédible et cohérent.

 

Ce que je peux vous dire par contre c’est qu’au-delà de cette idée centrale, il y a de très nombreuses pistes de réflexion qui feront marcher vos neurones : sur le corps, sur la science, sur le matraquage du marketing et de la pub, sur la place que prennent les nouvelles technologies, sur la révolte ou l’acceptation (thèmes joliment rejoint par l’actualité méditerranéenne) …

 

Et aussi que les personnages existent pour de vrai, et que les scènes d’action sont particulièrement réussies (et il y en a pas mal). On peut même parler dans ce roman de véritables scènes de bravoure.

 

Bref, à lire, pour le plaisir, pour réfléchir, et pourquoi pas, pour me dire si vous partagez mes petites critiques ci-dessus ou pour m’engueuler de n’avoir rien compris.

 

Marin Ledun / Zone est, Fleuve Noir (2011).

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 23:34

Il fallait oser … Joe Gores (décédé le 10 janvier dernier) auteur de Hammett, le roman adapté par Wim Wenders au cinéma, rend un nouvel hommage à un des pères du roman noir dans ce Spade & Archer qui se propose, ni plus ni moins, que d’écrire les enquêtes du fameux privé qui précèdent juste Le faucon maltais.

 

Gores1921. Sam Spade quitte la Continental (grosse agence de détectives qui donne, entre autres, dans la casse du mouvement syndical) pour s’installer à son compte et ouvrir Sam Spade, Esquire à San Francisco. Il est contacté par un banquier pour retrouver son fils qui veut s’embarquer sur n’importe quel bateau en direction des îles du sud. Ce faisant il va se trouver sur la trace du trésor volé sur un des bateaux qui vient d’arriver et commence une lutte qui durera sept ans contre un mystérieux « génie du mal ».

 

Hommage ou roman « à la manière de », jamais pastiche, Joe Gores réussit son coup. Il le réussit en utilisant très habilement et très intelligemment la mémoire cinématographique du lecteur. En permanence on voit Bogart, les rues de San Francisco la nuit ou noyées de brume, les malabars des docks, les flics mal embouchés, la secrétaire pomponnée …  On entend Bogart parler, on le voit retoucher son chapeau, s’assoir sur le bureau de sa secrétaire …

 

Les images du roman et surtout du film sont là dès les premières lignes, et le plaisir de la revisite dure jusqu’à la fin d’un roman dont on suit les multiples péripéties avec plaisir.

 

L’exercice s’enrichit d’une référence récurrente à Stevenson, et en particulier à son Ile au trésor, et plus curieusement (et moins fidèle à l’original) d’une lutte sans merci contre un méchant machiavélique, sorte de « génie du mal » qui court en fond des trois enquêtes menées par notre hardboiled préféré.

 

Un bon moment de lecture qui donne envie de revoir, là, tout de suite, le superbe film de John Huston. A propos, je serais curieux de savoir comment des lecteurs n’ayant pas lu le bouquin de Hammett, ni vu le film (ou quelques films noirs de cette période) apprécient le roman de Joe Gores

 

Joe Gores / Spade & Archer (Spade & Archer, 2009), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Natalie Beunat.

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31 janvier 2011 1 31 /01 /janvier /2011 22:02

Comme promis … Samedi donc, toujours à la médiathèque José Cabanis, deuxième rencontre sur le polar américain, avec Craig Johnson cette fois.

 

Difficile d’imaginer plus grand écart. Passer d’Ellroy à Johnson c’est passer de la mégapole à l’immensité de la nature, de l’homme seul avec ses obsessions à l’individu au sein d’une communauté, du show flamboyant et minuté à l’improvisation chaleureuse … Pour résumer, après les rencontres j’ai dit à l’un que cela avait été un honneur, à l’autre que cela avait été un plaisir …

 

Craig 03

 

Je pourrais vous renvoyer au compte-rendu que j’ai fait en novembre 2009 lors de sa première visite à Toulouse. Du moins pour ce qui concerne l’homme et l’ambiance de la rencontre. Mais ce serait tricher, et ce serait surtout faux tant Craig Johnson est généreux et nous a régalé de nouvelles histoires.

 

On est peu revenu sur son passé fait de petits boulots. Il nous a juste confié que, dès son enfance, il a voulu écrire, venant d’une famille de lecteurs. L’enfer pour sa famille ce serait un endroit sans livres. Du coup dans son ranch, il y en a partout, jusque dans les écuries, au cas où … Tout ce qu’il voulait c’était vivre, voir du pays, et acquérir l’expérience qu’il jugeait nécessaire pour avoir quelque chose à raconter. Comme il le dit en riant (il rit beaucoup, et le public également), écrire est comme faire une longue course à cheval, très longue. Il faut un bon cheval (ou une bonne histoire) ; il a attendu plus de quarante ans avant de trouver le premier bon cheval.

 

Il a parlé de ses personnages.

 

De Walt Longmire, pour lequel il s’est inspiré d’Athos et de Jean Valjean, parce qu’il aime les personnages qui ont une fêlure ; de son envie de le faire parler à la première personne, pour que le lecteur ait l’impression qu’il est avec lui dans un bar à l’écouter raconter ses histoires.

 

Des personnages féminins, nécessaire pour contrebalancer le fait que le lecteur se trouve, tout le long du livre, prisonnier dans la tête d’un homme. Ces personnages féminins tellement nécessaires à la survie de Walt, sans qui il serait complètement perdu. Ruby, qui lui organise ses journées à coups de post it, Dorothy qui le nourrit, et Vic, avec qui la relation est la plus complexe, car non dénuée d’une tension sexuelle …

 

A ce propos, il rapporte les conseils d’autres écrivains qui lui ont conseillé de laisser cette tension pendant au moins 17 romans. Mais s’insurge-t-il vous connaissez qui vous comme femmes ? Vous en connaissez qui vont attendre 17 ans ?

 

D’Henry Standing Bear bien entendu, l’ami indien (Craig Johnson ne dit jamais Native Américain, il dit indien, ou Crow, ou Cheyenne, parce que c’est comme ça que ses copains indiens s’appellent eux-mêmes). Un personnage avec lequel il a voulu combattre le cliché de l’indien impassible. Car nous dit-il il ont un sens de l’humour d’enfer. Un sens de l’humour forgé par des siècles à supporter les blancs …

 

A propos d’humour, Craig Johnson qui a été flic à New York, dit qu’il sait quand un polar est écrit par quelqu’un qui n’a jamais approché un policier : Il manque d’humour. Parce que nous dit-il, dans les voitures de patrouille, l’humour est indispensable pour se protéger des horreurs vues au quotidien.

 

Un autre préjugé qu’il veut battre en brèche : l’homme de l’Ouest comme un individualiste qui se tire d’affaire tout seul, un John Wayne déclarant « L’Homme doit faire ce que l’Homme doit faire ! » (il fait très bien John Wayne). C’est tout le contraire. Dans un pays où les gens sont moins nombreux que les antilopes, où la nature a une telle importance (parfois meurtrière) personne ne peut s’en sortir tout seul, la seule façon est de travailler ensemble, soudés.

 

Et puis il a parlé du Wyoming, des basques, du point de départ de son dernier roman, des scènes d’action et de sexe dans les romans à venir, et de bien d’autres choses …

 

A la réflexion, du pur point de vue « technique » de l’animateur de rencontre la grande différence entre James Ellroy et Craig Johnson est la suivante : avec ses questions l’animateur ouvre une porte. Ellroy la referme parfaitement (et parfois sèchement) avec une réponse concise et précise mais sans aucun débordement permettant de rebondir ; Craig Johnson répond aussi, mais il brode, déborde, et ouvre deux, trois, quatre autres portes, au risque de répondre à l’avance à une autre question, mais avec l’avantage énorme de proposer de multiples ouvertures pour rebondir. Au point que l’animateur attentif n’a presque qu’à prévoir la première question, les autres suivent naturellement …

 

Avec Craig Petit

 

Voilà, d’après ce que j’ai vu à la sortie pendant la séance de signatures, tout le monde était enchanté, surtout Gaby, mon fiston qui a récupéré un badge de shérif du comté d’Absaroka et que j’ai pris en photo avec le chapeau de Craig.

 

A partir de demain, je reprendrai le cours normal des notes de lecture …

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