Me rv’là.
Je me réservais le pavé pour les vacances. Avalé en quelques jours ! Quel pavé ? La suite très attendue des aventures de Mattias Tannhauser, Les douze enfants de Paris de grand Tim Willocks.
Août 1572, Carla, l’épouse de Mattias Tannhauser enceinte jusqu’au yeux est invitée à aller jouer de la viole au mariage de la sœur du roi avec Henri de Navarre. Mattias, rentré trop tard d’Afrique manque son départ et décide de la rejoindre à Paris. Quand il arrive, c’est la Saint Barthélémy, les haines entre catholiques et protestants ont atteint le point d’explosion. Carla, pour une raison qu’il ignore a été prise dans un tourbillon de complots et il a quelques heures pour la retrouver et fuir une capitale qui sombre dans la folie. Une folie meurtrière dans laquelle Mattias, plus que quiconque est dans son élément.
Bien entendu, une question se pose : Les douze enfants de Paris est-il à la hauteur du choc que fut La religion ? De mon point de vue, non pas tout a fait. Reste-il un roman très au dessus de ce qu’on peut lire ici ou là ? Sans aucun doute.
Ceux qui ont été complètement estomaqués par le précédent se doutent bien que Mattias Tannhauser lâché dans une boucherie de l’ampleur du massacre des protestants lors de la Saint Barthélémy, cela ne peut être que sanglant, très sanglant, avec profusion de tripes, de cris et de fureur. Et là, pas de doute, on n’est pas déçu. Tim Willocks sait très bien faire sentir l’horreur physique du massacre, les odeurs, les hurlements, le côté très charnel de la chose.
On lui fait aussi confiance pour décrire les scène de bataille et de baston, pour donner vie et chair à une multitude de personnages, et pour éclairer les raisons du massacre au-delà de la rhétorique religieuse qui n’est jamais là que pour donner du cœur aux ventre à ceux qui vont mourir :
« Des différences dans les exégèses bibliques, si infimes que seuls quelques évêques les comprenaient, étaient la prétendue cause de la violence entre catholiques et protestants, mais pour Tannhauser de telles causes n’étaient rien de plus que les inventions habituelles grâce auxquelles les élites persuadaient les crédules de mourir et de s’avilir en masse, en leur faveur et à leur avantage ».
Voilà c’est dit dès le début.
Alors pourquoi moins puissant que La religion ? Je sais, plus ou moins, mettre le doigt sur ce qui m’a moins emballé : Dans son déluge de violence La religion a une dimension héroïque et, d’une façon très troublante fait ressentir le « plaisir » que l’on peut ressentir à se camper, dos à dos avec son frère, face à l’assaillant. Très troublante car on y ressent la jouissance de la violence, sa fascination en même temps que son horreur. Ici, rien d’héroïque, comme il le dit lui-même, Mattias ne se bat pas contre des soldats, il égorge des moutons qui se sont pris pour des loups. Pour moi, sans cette fascination trouble, on en arrive à un côté presque répétitif, et c’est moins intéressant car moins ambigu …
Ceci dit, cela reste un grand roman. Avec des scènes et des personnages inoubliables, et que j’ai dévoré en quelques jours, les premiers de tranquillité estivale, avec un immense plaisir. Et au final cette question : reverrons-nous Mattias ?
Tim Willocks / Les douze enfants de Paris (The twelve children of Paris, 2013), Sonatine (2014), traduit de l’anglais par benjamin Legrand.