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19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 15:54

Gallmeister délaisse, momentanément, les grands espaces pour ceux beaucoup plus confinés de New York. Avec Totally killer de Greg Olear dont vous avez sans aucun doute déjà entendu parler sur les blogs. A mon tour de mettre mon grain de sel.

 

OlearNew York 1991. L’incandescente Taylor Schmidt débarque de son Missouri natal à la recherche du boulot de sa vie. Elle débarque par la même occasion dans la vie de Todd, le narrateur, dont elle partage l’appartement. Comme elle Todd fait partie de cette génération, un rien désabusée, qui cherche désespérément à trouver sa place. Pauvre Todd, baladé d’un emploi précaire à un autre, fasciné, hypnotisé même, par sa colocataire, qui se retrouve dans la position inconfortable de meilleur ami et confident alors qu’il ne rêve que d’une chose, la mettre dans son lit …

 

Toujours est-il que les deux galèrent jusqu’au jour où Taylor tombe sur la pub pour une agence de recrutement de plus. Mais celle-là est spéciale. Locaux luxueux, chasseur de tête à tomber par terre, et immédiatement, une proposition. Le boulot de rêve, celui pour lequel Taylor serait prête à tuer … Prête à tuer ? Vraiment ?

 

Je ne sais pas trop comment tourner cette chronique …

 

Totally killer est un bon polar. Personnages caricaturaux mais c’est la règle dans ce genre d’exercice, écriture qui accroche dès les premières pages (c’est d’ailleurs le gros point fort du roman), une intrigue qui ose tout dans un crescendo grand guignol plutôt drôle, et une idée de départ …

 

C’est là que je coince un peu. Dans l’absolu, l’idée de départ est excellente. Comme il n’y a pas de postes disponibles, il ne reste plus qu’une seule solution, flinguer ceux qui ont un boulot pour leur prendre la place. Excellente certes, mais le premier lecteur de polar venu m’objectera (et il aura raison) qu’elle a déjà été exploitée, et de quelle manière, par Le couperet, le chef-d’œuvre (pardon, un des chefs-d’œuvre) de Donald Westlake. Et que la comparaison, que l’on ne peut s’empêcher de faire (ou du moins que je n’ai pas pu m’empêcher de faire) n’est pas à l’avantage de Totally Killer.

 

Parce qu’on croit beaucoup moins aux personnages (mais c’est une satire, donc ce n’est pas grave en soi), parce que le final grand-guignolesque atténue la portée du propos (mais c’est une satire …), parce qu’aussi la référence permanente et répétitive à l’année 1991 l’ancre terriblement dans le temps là où Le couperet est intemporel (c’est d’ailleurs le seul vrai reproche que j’ai à faire à ce roman, la répétition parfois un peu lourde des références à cette époque). Pour faire court, parce qu’on compare un bon polar avec un chef-d’œuvre.

 

Voilà pourquoi j’ai du mal à écrire cette chronique ... Parce que c’est un bon polar, mais que je ne suis pas certain que je vous ai donné envie de le lire. D’un autre côté, je ne peux pas non plus passer sous silence le problème suscité. Bref, à vous.

 

Greg Olear / Totally killer (Totally killer, 2009), Gallmeister (2011), traduit de l’américain par François Happe.

 

PS. Si, par le plus grand des hasards, vous n’avez jamais lu Le couperet de Donald Westlake, précipitez-vous toutes affaires cessantes, interro écrite la semaine prochaine. Mais tout le monde ici a lu ce monument. Forcément.

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7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 00:11

Je ne sais plus quel auteur a dit que, dans deux cents ans, si l’on veut savoir comment vivaient les gens à New York, Paris ou Barcelone il suffirait de lire les auteurs de polar. Pour ce qui est de Washington, il faudra lire George Pelecanos dont le dernier roman, Mauvais fils, poursuit la description de la vie ordinaire dans la capitale américaine.

 

PelecanosChris Flynn a 17 ans quand les portes du centre de détention pour jeunes délinquants de Pine Ridge se referment sur lui. Pourtant Chris a grandi dans une famille unie, relativement aisée et rien dans son entourage n'explique pourquoi il est devenu cet adolescent à problèmes. Drogue, bagarres, vols … malgré les efforts de son père Thomas, patron d'une petite entreprise de pose de moquettes rien n'a pu arrêter la dégringolade.

 

Dix ans plus tard, Chris a muri et travaille en équipe avec un ancien de Pine Ridge pour l'entreprise de son père. En rénovant une maison destinée à la vente, ils trouvent un sac contenant 50 000 dollars. Chris parvient à convaincre son coéquipier de ne pas prendre l'argent, mais les ennuis ne font que commencer …

 

Un Pelecanos de plus serait-on tenté de dire. Dans la veine, moins spectaculaire, de ses derniers romans. Ici pas de flics, pas de privés, juste des gens ordinaires pris, le temps d’un roman, dans une histoire un peu extra-ordinaire.

 

On retrouve toutes ses thématiques habituelles : Description des quartiers populaires, variations sur la thème de la seconde chance et des possibilités de réinsertion, présence de la musique, grande qualité des dialogues, intrigue minimale mais parfaitement menée. Et une écriture d’une fluidité et d’une évidence qui font que tout parait simple et facile.

 

Même si on ne croise aucune silhouette connue, on a l'impression de connaître les personnages et, au bout d'à peine quelques lignes, on s'y attache. Comme toujours Pelecanos ne juge pas. Il décrit. Ceux qui chutent, ceux qui se relèvent, et ceux qui n’y arrivent pas. Ceux qui vivent, simplement, en tentant de conserver leur dignité, et ceux qui ont choisi, plus ou moins consciemment, de ne pas se préoccuper des autres. Il décrit, exposant les faits, avec lucidité, sans montrer personne du doigt, mais sans angélisme non plus.

 

Et la grande comédie humaine de Washington gagne un épisode de plus. En attendant le prochain.

 

George Pelecanos / Mauvais fils (The way home, 2000), Seuil/Policiers (2011), traduit de l’américains par Etienne Menanteau.

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28 février 2011 1 28 /02 /février /2011 20:58

Cette publication de Tijuana Straits de Kem Nunn chez Sonatine, je l’attendais depuis un bon moment. Depuis que j’en avais entendu parler. Parce que Le sabot du diable, le dernier roman de cet auteur, publié en France dans La Noire m’avait profondément marqué. Voilà ce que j’avais publié à l’époque sur mauvaisgenres :

 

Nunn SabotFletcher, dit Docteur Fun a été un photographe de surf connu, mais depuis quelques années, tout le monde l’a oublié. Jusqu’au jour où le directeur d’un magazine lui fait une proposition qu’il ne peut refuser : Drew Harmon, légende disparu de la circulation depuis plus de dix ans veut qu’il vienne le photographier dans un spot mythique, Heart Attacks. C’est quelque part à la frontière nord de la Californie, à la limite de l’Orégon, dans une zone de brouillard, de pluie et de légendes. Un endroit perdu, inaccessible en pleine réserve indienne, une vague qui n’a jamais été vraiment photographiée, une sorte de cimetière des éléphants ...

 

Alors, en compagnie de deux jeunes surfeurs parmi les meilleurs de leur génération, Fletcher part retrouver Drew, le colosse, qui semble vouloir revenir sur le devant de la scène. L’égoïsme et la bêtise des uns et des autres, l’hostilité des éléments, le ressentiment des indiens, méprisés, vivant misérablement sur le lopin qu’on a bien voulu leur concéder, tout cela va faire de cette expédition un voyage au bout de l’enfer.

 

Kem Nunn a su parfaitement planter le décor, que ce soit la nature angoissante, noyée dans la pluie et le brouillard, et parfois illuminée par un rayon de soleil qui lui donne une beauté irréelle, l’océan et ses vagues parfaites, excitantes et effrayantes à la fois, mais également l’environnement humain, indiens misérables rendus méchants par le désespoir, et le mépris dont ils sont l’objet. C’est dans cette ambiance oppressante, qui peut parfois rappeler « Délivrance » de Boorman, qu’il a construit magistralement son intrigue polyphonique, éclatée entre les parcours des différents personnages qui s’éloignent, se retrouvent, élaborant peu à peu le puzzle dont le dessin final n’apparaît qu’à la fin. L’évolution des personnages est en parfait accord avec tout ça, on les voit se révéler peu à peu, mis à nu par les épreuves, pour le meilleur, ou pour le pire. Un grand roman noir avec du suspense, de l’émotion et surtout le souffle du vent du large et le fracas des vagues contre les rochers.

 

Et bien, je n’ai pas été déçu, Kem Nunn écrit peu, mais quand il s’en donne la peine, c’est grand. Après la Californie du Nord, cap sur la baie de Tijuana.

 

Nunn Tijuana

Il y a longtemps, quand la baie de Tijuana était encore un petit paradis, Sam Fahey fut une légende. Le disciple de Hoddy Younger, un des rares à avoir surfé Mystic Peak, la vague monstrueuse qui, une fois tous les dix ans, déferle sur la baie. Hoddy fut aussi le premier sauveteur en mer de San Diego, et Sam faisait partie de son équipe. Jusqu’à ce qu’il plonge ; drogue, trafics, prison … Aujourd’hui Sam est un homme brisé, qui vit au jour le jour, caché au fin fond de la vallée.

 

Jusqu’au jour où il recueille Magdalena. La jeune femme, mexicaine, vient d’échapper miraculeusement à la mort. Deux hommes ont tenté de la tuer, de l’autre côté de la barrière, à Tijuana. Comme elle s’occupe d’un foyer de femmes battues et violées, et qu’elle est l’assistante d’une avocate activiste qui s’attaque aux gros industriels qui viennent exploiter les ouvriers mexicains et polluent sans vergogne, la liste des gens qui peuvent vouloir sa peau est longue. Magdalena est jeune, belle, passionnée … Elle va réussir à faire sortir Sam de sa léthargie, et l’obliger, de nouveau, à affronter le monde.

 

Contrairement à ce qui est écrit sur la quatrième de couverture, Tijuana Straits n’est pas Le chef-d’œuvre de Kem Nunn, c’est Un chef d’œuvre de Kem Nunn. Cet auteur écrit très peu, mais chacun de ses romans est un véritable tour de force.

 

Tijuana Straits ne fait pas exception. Il a tout les ingrédients de ces romans qui nous bouleversent :

 

Un héros comme le polar les aime : Cassé, hanté par ses démons, en permanence à la limite de la rupture … Et pourtant plein de ressources. Un cliché certes, mais tellement efficace quand il est aussi bien manipulé.

 

Cette façon unique qu'ont les américains de décrire le rapport à la nature (la montagne ou les immensités chez les auteurs Gallmeister, l'océan et les vagues chez Kem Nunn ou Don Winslow). La "mystique" du surf, que Kem Nunn décrit si bien, de si belle façon qu'il n'est pas nécessaire d'avoir surfé pour ressentir le mélange de respect, de peur, et joie, de jouissance totale face à La Vague.

 

Et puis il y a cette situation terrible de la frontière, avec la misère des migrants, la barrière de la honte, la violence faite aux plus pauvres (en commençant par les femmes), le scandale des maquiladoras, ces grosses entreprises américaines, mais aussi européennes qui exploitent, dévastent, polluent … Sans la moindre humanité, sans la moindre considération pour les populations qu'elles massacrent à petit feu. Une situation semblable à celle de Ciudad Juarez que Patrick Bard a décrite dans son terrible roman La frontière.

 

Et pour finir, une intrigue mitonnée, avec des affreux très convaincants, des seconds rôles inoubliables, et une tension croissante parfaitement maîtrisée jusqu'au superbe final. Sans conteste, un de grands romans de ce début d'année.

 

Vous pouvez compléter cette modeste note en allant lire l'interview publiée sur bibliosurf. Une gueule cet auteur non ?

 

Kem Nunn / Tijuana Straits (Tijuana Straits, 2004), Sonatine (2011), traduit de l’américain par Natalie Zimmermann.

Le sabot du Diable (The dogs of winter, 1997), La Noire (2004), traduit de l’américain par Jean Esch.

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22 février 2011 2 22 /02 /février /2011 23:18

Un premier roman passionnant à la série noire, celui d’une jeune auteur américaine Attica Locke, qui, si l’on en croit ce que l’on peut lire sur son site, a déjà remporté un beau succès critique chez elle. Il s’appelle Marée noire.

 

LockeHouston Texas, au début des années Bush. Jay est noir et avocat. Peu de clients, pas toujours solvables, il a du mal à joindre les deux bouts, et se demande ce qu’il va devenir avec la naissance prochaine de son fils. De son passé d’activiste du mouvement des droits civiques il garde une peur permanente des policiers et de la prison. Ce soir  là, pour l’anniversaire de sa femme, il organise une croisière sur le bayou qui traverse la ville. Croisière du pauvre, sur un bateau délabré, sur une eau sale, le long de quartiers déshérités … Jusqu’au moment où ils entendent le cris d’un femme, deux coups de feu, et le bruit d’un corps qui tombe à l’eau. Malgré sa peur, Jay plonge et sauve la vie d’une jeune femme blanche, visiblement terrorisée. Il la dépose devant un commissariat, pensant qu’il n’entendra plus parler d’elle …

 

Un solide premier roman passionnant à plus d’un titre.

 

A commencer par la richesse des thématiques brassées : On passe des années 70 et la fin des grands mouvements de contestation raciaux mais aussi sociaux, aux années 80 avec leur prédominance de l’économie et le laminage de la classe ouvrière (en commençant par les plus pauvres, à savoir … les noirs). On passe des manœuvres d’infiltration du FBI dans les mouvements contestataires des années 70 à la collusion du pouvoir politique et de l’aristocratie pétrolière symbolisée par l’arrivée des Bush au pouvoir.

 

Ces thématiques sont riches, lourdes de sens, et pourraient très facilement plomber le récit et lui donner des allures d’exposé. Il n’en est rien. Les allers retours entre présent et passé sont maîtrisés, naturels, jamais forcé. Les descriptions des mouvements passés et présents sont bien intégrées dans une intrigue parfaitement construite qui joue sur plusieurs niveau de suspense : le premier concerne l’histoire de la femme sauvée des eaux ; il est mêlé à plusieurs tensions secondaires qui viennent enrichir l’intrigue : concernant Jay et son passé, l’avenir de la grève de dockers dans une ville possédée par les grandes compagnies pétrolières ou le rôle de la Maire de la ville …

 

Des tensions d’autant plus palpables que les personnages sont réellement incarnés et que le lecteur ressent profondément leurs peurs, leurs traumatismes, leurs doutes et leurs attentes.

 

En bref, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.

 

Attica Locke / Marée noire (Black water rising, 2009), Série Noire (2011), traduit de l’américain par Clément Baude.

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19 février 2011 6 19 /02 /février /2011 18:43

Je ne sais pas si ça va durer, mais avec seulement trois romans publiés, la collection Thriller de chez Outside peut se vanter de faire preuve d’une belle cohérence éditoriale. Le petit dernier, L’ange du porno de Christa Faust est dans la droite ligne de ses deux prédécesseurs, Vanilla Ride de Lansdale et de Les chiens sont mes amis de Lewin.

 

Faust

Angel Dare se réveille en mauvaise posture : attachée, blessée, enfermée dans le coffre d'une vieille bagnole … La veille elle était la patronne d'une agence qui fournit de jeunes et belles actrices et stripteaseuses pour les clubs et les films porno. Jusqu'à ce que Sam, un vieux copain de l'époque où elle jouait elle-même, l'appelle pour la supplier de venir tourner quelques scènes pour le dépanner. C'est comme ça qu'elle se retrouve dans cette fâcheuse posture. Et ce n'est que le début de ses ennuis. Mais Angel Dare est une dure à cuire, et aidée d'un ancien flic elle va leur faire payer à tous.

 

Belle cohérence disais-je en introduction … Cohérence visuelle pour commencer. Mais ce n’est qu’un détail. Cohérence dans le choix d’écrivains qui ont un ton, une langue à part : humour scato de Hap et Collins, réflexions totalement décalées du petit homme de Lewin, et langage .. direct d’Angel Dare, la narratrice de L’ange du porno. Cohérence également dans le choix d’auteurs qui explorent les marges de l’Amérique actuelle, sans qu’aucun d’eux ne tombent dans le misérabilisme ou l’angélisme.

 

Et cohérence dans le plaisir pur de lecture. Une fois de plus …

 

L’écriture de Christa Faust est aussi dynamique et intraitable qu'Angel Dare. Aussi peu politiquement correcte qu'elle. Le roman démarre sur les chapeaux de roue et continue sur le même rythme. Les dialogues claquent, ça castagne, ça saigne … Et le lecteur jubile.

 

Ce qui n'empêche pas l'auteur de porter sur le monde du porno et du sexe à vendre un regard à la fois tendre, amusé, et sans concession. Pas de morale à deux balles, mais pas non plus d'angélisme ni d'aveuglement. C'est avec truculence, humour, tendresse et aussi une certaine rage qu'elle décrit ce monde inconnu et décrié, où, si quelques-uns (et quelques-unes) trouvent leur compte (et leur plaisir), l'exploitation des plus faibles reste la règle générale. Rien de tel que ce roman pour démystifier l’industrie du sexe et la montrer pour ce qu’elle est, l’exploitation de l’homme (et surtout de la femme) par l’homme.

 

 Une vraie réussite pour un auteur qui signe ici un excellent premier polar, même si, à en croire la quatrième de couverture, ce n’est pas son premier roman.

 

Christa Faust / L’ange du porno (Money shot, 2008), Outside/Thriller (2011), traduit de l’américain par Aurélie Tronchet.

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14 février 2011 1 14 /02 /février /2011 22:12

Après le plat de résistance norvégien, il fallait un machin raide, fort et rapide, pour faire place nette avant d’attaquer autre chose. Coup de chance, j’avais sous le coude un nouveau roman d’un auteur américain au nom absolument imprononçable. Vous aurez peut-être deviné qu’il s’agit de A toute allure de Duane Swierczynski.

 

Swierczynski

Patrick Lennon n’est pas un homme violent. C’est un excellent pro, et un conducteur émérite. Sa spécialité : les braquages. Une spécialité à risques, mais jusque là il s’en est plutôt bien tiré : sang-froid et professionnalisme. Cette fois, dans le centre de Philadelphie, tout va mal. Pourtant la préparation était impeccable, une fois de plus.

 

Mais ils ont été trahis et étaient attendus. Des malfrats les percutent avec une camionnette avant de les tabasser et de tenter de les enterrer plus morts que vifs. Miraculeusement, Patrick s’en sort, et va découvrir que, quand il s’agit de se venger, il peut oublier sa non-violence. Préférable quand on se retrouve avec deux mafias, des flics ripoux et le FBI sur le dos … Sans avoir la moindre idée de celui, ou celle, qui les a vendus.

 

Après The Blonde déjà remarqué par les amateurs, revoici Duane Swierczynski, un tout petit peu plus sage. Disons que si le point de départ est moins extravagant la suite, elle, fait preuve de la même virtuosité et de la même énergie époustouflante. Le titre français est mérité, cela va bien à toute allure. Explosions, bastons, coups de théâtre se succèdent à un rythme d’enfer pour le plus grand plaisir du lecteur qui jubile.

 

Pour vous donner une idée des influences de l’auteur : obligé de s’inventer un nom, Patrick Lennon dit s’appeler Donald Stark … On fait pire. Cerise sur le gâteau, la fin du roman introduit The Blonde. Mais ne comptez pas sur moi pour vous dire pourquoi et comment …

 

Duane Swierczynski / A toute allure (The wheelman, 2005), Rivages Noir (2011), traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 23:34

Il fallait oser … Joe Gores (décédé le 10 janvier dernier) auteur de Hammett, le roman adapté par Wim Wenders au cinéma, rend un nouvel hommage à un des pères du roman noir dans ce Spade & Archer qui se propose, ni plus ni moins, que d’écrire les enquêtes du fameux privé qui précèdent juste Le faucon maltais.

 

Gores1921. Sam Spade quitte la Continental (grosse agence de détectives qui donne, entre autres, dans la casse du mouvement syndical) pour s’installer à son compte et ouvrir Sam Spade, Esquire à San Francisco. Il est contacté par un banquier pour retrouver son fils qui veut s’embarquer sur n’importe quel bateau en direction des îles du sud. Ce faisant il va se trouver sur la trace du trésor volé sur un des bateaux qui vient d’arriver et commence une lutte qui durera sept ans contre un mystérieux « génie du mal ».

 

Hommage ou roman « à la manière de », jamais pastiche, Joe Gores réussit son coup. Il le réussit en utilisant très habilement et très intelligemment la mémoire cinématographique du lecteur. En permanence on voit Bogart, les rues de San Francisco la nuit ou noyées de brume, les malabars des docks, les flics mal embouchés, la secrétaire pomponnée …  On entend Bogart parler, on le voit retoucher son chapeau, s’assoir sur le bureau de sa secrétaire …

 

Les images du roman et surtout du film sont là dès les premières lignes, et le plaisir de la revisite dure jusqu’à la fin d’un roman dont on suit les multiples péripéties avec plaisir.

 

L’exercice s’enrichit d’une référence récurrente à Stevenson, et en particulier à son Ile au trésor, et plus curieusement (et moins fidèle à l’original) d’une lutte sans merci contre un méchant machiavélique, sorte de « génie du mal » qui court en fond des trois enquêtes menées par notre hardboiled préféré.

 

Un bon moment de lecture qui donne envie de revoir, là, tout de suite, le superbe film de John Huston. A propos, je serais curieux de savoir comment des lecteurs n’ayant pas lu le bouquin de Hammett, ni vu le film (ou quelques films noirs de cette période) apprécient le roman de Joe Gores

 

Joe Gores / Spade & Archer (Spade & Archer, 2009), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Natalie Beunat.

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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 21:04

J’avais bien aimé le premier Ron Rash traduit en français, Un pied au paradis. Une belle découverte même si je j’étais moins enthousiaste que d’autres critiques qui y voyait un chef-d’œuvre. Avec Serena, j’ai le sentiment qu’il franchit un cap. D’ors et déjà, ce roman restera pour moi comme l’un des plus marquants de l’année.


rash1930, du côté des Appalaches, la crise a jeté des milliers d’hommes et de femmes sur les routes, une véritable aubaine pour ceux qui cherchent une main d’œuvre docile et bon marché. C’est le cas de Serena et George Pemberton qui exploitent (le terme est faible !) une concession forestière. Leur but, tout couper, le plus vite possible, pour passer à la concession suivante, et surtout pour réaliser le rêve de Serena : aller dévaster les inépuisables forêts brésiliennes. Tant pis si le taux de mortalité est particulièrement élevé, les chômeurs font la queue pour remplacer les morts. Tant pis si un projet de parc national est en vue : corruption, menaces et meurtres le ralentiront. Et malheur à celui ou celle qui tenterait de s’interposer entre Serena et ses plans …


Peu de romans ont réussit à incarner de façon aussi saisissante la folie meurtrière, dévastatrice et prédatrice du capitalisme à l’état brut. Peu de personnages ont pu le symboliser avec autant de force que Serena. Elle est effrayante, avec son aigle et son âme damné, exécuteur des basses œuvres … Effrayante dans son inhumanité, dans son intransigeance, dans sa faim de destruction d’une atroce pureté. Serena veut tout avaler, pas pour en tirer du profit, pas pour en tirer du pouvoir, simplement parce que c’est là, à sa portée. Une faim primaire, non raisonnée, avec laquelle aucune discussion n’est possible. Serena, incarnation du capitalisme, c’est le feu, qui brûle tout, tant qu’il y a des choses à brûler, sans raison, sans motif, sans se soucier de ce qu’il deviendra quand il aura tout brûlé. Il brûle parce que c’est sa nature. Absolument effarant, absolument convainquant.


Mais ce n’est pas tout. Dans sa description des conditions de vie juste après la grande crise, Ron Rash se pose en digne héritier d’un Steinbeck ou d’un Caldwell. Avec la même âpreté dans la description de la condition ouvrière, avec la même proximité qui nous fait sentir la pluie, la boue, le froid et la faim.


Et dans le même temps, sans avoir l’air de rien, il construit son intrigue, autour d’une traque qui tarde à émerger mais qui n’en est que plus brutale et plus intense. Une traque d’autant plus prenante que la victime est totalement innocente et sans défense, et que le chasseur est un véritable figure de cauchemar, quasi mythologique.


La langue est à la hauteur. Elle rend magnifiquement les derniers reflets de la beauté détruite, la froideur des prédateurs, l’atroce horreur de la dévastation. Construit comme une tragédie antique (avec son chœur de bucherons qui commentent régulièrement l’action), Serena nous amène, lentement mais inexorablement vers la destruction totale.


Magistral.


Ron Rash / Serena (Serena, 2008), Le Masque (2011), traduit de l’américain par Béatrice Vierne.

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25 janvier 2011 2 25 /01 /janvier /2011 23:13

« Ma mère m’a donné ce cadeau et cette malédiction : l’obsession ».

 

Cette malédiction, James Ellroy lui donne un nom : La malédiction Hilliker.


Ellroy HillikerDe son rapport complexe avec sa mère, on croyait tout savoir depuis Ma part d’ombre. Son amour et son obsession pour les femmes, on pensait les connaître depuis le Dalhia Noir. On les savait rédemptrices comme Lynn de LA confidential qui « sauve » Bud White. Avec Underworld USA, elles passent au premier plan de son roman.


La malédiction Hilliker nous raconte tout, tout ce qu’on ne savait pas encore, tout sur James Ellroy et les femmes en général, James Ellroy et quelques femmes en particulier. Mais pas seulement. Tout au long des six parties consacrées à celles qui ont le plus compté, de sa mère à sa dernière compagne, l’auteur se livre, complètement, parle de ses obsessions, de son rapport à l’écriture, de ses derniers romans, de ses souffrances, de ses erreurs … L’expression est galvaudée mais je n’en trouve pas de plus adaptée, il se met littéralement à nu, en grand exhibitionniste timide qu’il est.


Je pourrais ici reprendre ce que j’ai écrit sur Ma part d’ombre au sujet des autofictions. Comme la précédente, celle-ci est passionnante parce que l’auteur est James Ellroy, auteur incontournable, personnage hors norme … Un personnage de roman pour tout dire.


Et c’est le roman de sa vie qu’il écrit. Roman passionnant car, outre ses relations avec les femmes, il y raconte sa relation avec le public, la maîtrise parfaite de son show et de ses provocations. Il y raconte son incapacité à être heureux très longtemps. Il y raconte ses amours, bien entendu (et les amours d’Ellroy ne sont pas faites pour la collection Harlequin …). Et il y raconte la genèse de ses livres, et plus précisément des derniers.


Il y dit l’influence des femmes, ses intentions stylistiques, il y dit surtout l’importance primordiale chez lui de la narration. Une narration indispensable à ses romans, mais indispensable même à sa propre survie. On a même l’impression qu’il ne se sent exister, que sa vie n’a de sens que lorsqu’il lui trouve un fil narratif. D’où peut-être (sans doute ?) la nécessité de ce bouquin.


Pour finir, il reste la prose Ellroy. Obsédante (encore), hallucinée, lancinante, explosive et pourtant totalement maîtrisée. Un prose qui oblige parfois à accélérer la lecture, ou qui, comme dans le récit de sa dépression, en arrive à être épuisante à lire tant il fait passer dans son rythme sa propre frénésie.


Bref un ouvrage indispensable pour tous ceux qui, de près ou de loin, s’intéresse à l’homme et à son œuvre.


On en reparle la semaine prochaine, après ma rencontre avec le personnage.


James Ellroy / La malédiction Hilliker (The Hilliker curse, 2010), Rivages/Thriller (2011), traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias.

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18 janvier 2011 2 18 /01 /janvier /2011 23:32

« Ma mère m’a donné ce cadeau et cette malédiction : l’obsession ».

 

Vous n’avez certainement pas oublié que d’ici maintenant 10 jours j’aurai l’honneur et le privilège d’animer une rencontre avec James Ellroy himself. Honneur certes, mais un peu flippant, l’animal étant capable du meilleur comme du pire, selon la préparation de l’intervieweur. Pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai donc commencé à réviser avec Ma part d’ombre que je n’avais pas lu à l’époque de sa sortie. Histoire de me mettre en jambes avant d’attaquer La malédiction Hilliker.

 

Ellroy OmbreA l’époque j’avais plus ou moins lu les comptes-rendus dans la presse qui parlaient de son enquête sur la mort de sa mère, assassinée à L.A. quand il avait dix ans. Le moins que l’on puisse dire est que c’est un brin réducteur.

 

Quatre parties dans ce roman/témoignage.

 

La première reprend la chronologie de l’enquête originale, de la découverte du corps au moment où l’affaire est classée, au milieu de tant d’autres non élucidées. Le petit James Ellroy n’y est qu’un témoin parmi tant d’autres. Un témoin qui pleure peu, et se trouve assez content d’aller vivre définitivement avec son père.

 

La deuxième est totalement autobiographique, racontée à la première personne. Sans aucune pudeur et sans la moindre complaisance elle retrace la descente aux enfers de l’auteur, de la découverte du corps jusqu’à la publication de son premier roman. Fantasmes, obsession (on y reviendra), alcool, drogue, provocations … Tout est mis à plat, impitoyablement.

 

La troisième présente la carrière de Bill Stoner,  le flic qui l’aidera à reprendre l’enquête. Le lecteur assiste à une accumulation de meurtres, de viols, de violences faites aux femmes et aux enfants. Une accumulation lancinante, obsédante.

 

Enfin la quatrième partie raconte, de nouveau à la première personne, l’enquête menée trente ans après les faits par James Ellroy et Bill Stoner pour retrouver l’assassin de Geneva Hilliker, devenue Jean Ellroy. L’enquête sur le meurtre qui se transforme, petit à petit, en une quête sur la vie de sa mère que l’auteur découvre enfin, plus de trente ans après sa mort.

 

A la lecture de ce pavé, et en attendant de voir ce que donne La malédiction Hilliker, une question taraude le lecteur. Pourquoi cette autofiction (puisque c’est comme ça que ça s’appelle maintenant non ?) est-elle passionnante alors que celles de nos jeunes (et moins jeunes) auteurs français sont aussi chiantes ? Voici quelques pistes de réponses :


1. James Ellroy a une putain (désolé, c’est lui qui m’a contaminé) d’écriture ! Ca commence par là. Une écriture en parfait accord avec cette fameuse obsession léguée par sa mère. Une écriture lancinante, répétitive … obsédante. On y rentre ou pas, mais si on est happé il est très difficile d’en sortir.


2. James Ellroy s’est lancé dans l’exercice alors qu’il avait déjà une œuvre impressionnante derrière lui. Du coup le lecteur a envie de savoir quel type de vie a pu mener un bonhomme qui écrit de tels romans, envie aussi de savoir ce qui se cache derrière la bête de scène qui fait son show (outrancier) dès qu’on le titille un poil. Et tout est dit dans le bouquin sur ses obsessions (encore), sur son besoin maladif d’exister (mieux vaut être haïs qu’ignoré), sur l’origine de ses provocations, mais aussi, entre les lignes, sur ses opinions plus sincères. Au passage, les indignés professionnels qui clament à tout va que beurk Ellroy est un vilain raciste, misogyne, machiste, homophobe, antisémite … devrait peut-être lire ses bouquins ou parler de sujets qu’ils maîtrisent mieux.


3. Même s’il parle de lui et de sa mère, Ellroy élargit le champ et nous livre une véritable description de Los Angeles et de son évolution au cours du XX° siècle, une peinture de sa police, des média, des relations hommes-femmes, des névroses de ses concitoyens … Donc le propos est beaucoup plus riche qu’on ne pourrait le croire au départ.


Voilà, je fais une pause de quelques jours pour éviter l’overdose, et je me plonge dans La malédiction Hilliker.


James Ellroy / Ma part d’ombre (My dark places, 1996), RN (1997), traduit de l’américain par Freddy Michalski.

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