Gallmeister délaisse, momentanément, les grands espaces pour ceux beaucoup plus confinés de New York. Avec Totally killer de Greg Olear dont vous avez sans aucun doute déjà entendu parler sur les blogs. A mon tour de mettre mon grain de sel.
New York 1991. L’incandescente Taylor Schmidt débarque de son Missouri natal à la recherche du boulot de sa vie. Elle débarque par la même occasion dans la vie de Todd, le narrateur, dont elle partage l’appartement. Comme elle Todd fait partie de cette génération, un rien désabusée, qui cherche désespérément à trouver sa place. Pauvre Todd, baladé d’un emploi précaire à un autre, fasciné, hypnotisé même, par sa colocataire, qui se retrouve dans la position inconfortable de meilleur ami et confident alors qu’il ne rêve que d’une chose, la mettre dans son lit …
Toujours est-il que les deux galèrent jusqu’au jour où Taylor tombe sur la pub pour une agence de recrutement de plus. Mais celle-là est spéciale. Locaux luxueux, chasseur de tête à tomber par terre, et immédiatement, une proposition. Le boulot de rêve, celui pour lequel Taylor serait prête à tuer … Prête à tuer ? Vraiment ?
Je ne sais pas trop comment tourner cette chronique …
Totally killer est un bon polar. Personnages caricaturaux mais c’est la règle dans ce genre d’exercice, écriture qui accroche dès les premières pages (c’est d’ailleurs le gros point fort du roman), une intrigue qui ose tout dans un crescendo grand guignol plutôt drôle, et une idée de départ …
C’est là que je coince un peu. Dans l’absolu, l’idée de départ est excellente. Comme il n’y a pas de postes disponibles, il ne reste plus qu’une seule solution, flinguer ceux qui ont un boulot pour leur prendre la place. Excellente certes, mais le premier lecteur de polar venu m’objectera (et il aura raison) qu’elle a déjà été exploitée, et de quelle manière, par Le couperet, le chef-d’œuvre (pardon, un des chefs-d’œuvre) de Donald Westlake. Et que la comparaison, que l’on ne peut s’empêcher de faire (ou du moins que je n’ai pas pu m’empêcher de faire) n’est pas à l’avantage de Totally Killer.
Parce qu’on croit beaucoup moins aux personnages (mais c’est une satire, donc ce n’est pas grave en soi), parce que le final grand-guignolesque atténue la portée du propos (mais c’est une satire …), parce qu’aussi la référence permanente et répétitive à l’année 1991 l’ancre terriblement dans le temps là où Le couperet est intemporel (c’est d’ailleurs le seul vrai reproche que j’ai à faire à ce roman, la répétition parfois un peu lourde des références à cette époque). Pour faire court, parce qu’on compare un bon polar avec un chef-d’œuvre.
Voilà pourquoi j’ai du mal à écrire cette chronique ... Parce que c’est un bon polar, mais que je ne suis pas certain que je vous ai donné envie de le lire. D’un autre côté, je ne peux pas non plus passer sous silence le problème suscité. Bref, à vous.
Greg Olear / Totally killer (Totally killer, 2009), Gallmeister (2011), traduit de l’américain par François Happe.
PS. Si, par le plus grand des hasards, vous n’avez jamais lu Le couperet de Donald Westlake, précipitez-vous toutes affaires cessantes, interro écrite la semaine prochaine. Mais tout le monde ici a lu ce monument. Forcément.