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30 mai 2014 5 30 /05 /mai /2014 20:46

On a découvert Attica Locke en France avec un premier roman passionnant, Marée noire. Avec Dernière récolte, elle change de lieu et de problématique, et confirme son talent.

 

Locke

La Belle Vie. Une superbe propriété en Louisiane. Elle appartient depuis des générations à la famille Clancy, blanche. Et depuis des générations les Gray, noirs, y travaillent. Caren Gray est la dernière, elle dirige toute la maison qui a été transformée en musée et accueille les touristes, présente un spectacle sur le Sud d’autrefois, organise des mariages … Tout y semble immobile, jusqu’à la découverte, en bordure de la propriété, du corps d’une jeune femme qui a été égorgée. Une latino, clandestine, qui travaillait dans les champs de canne à sucre voisin.


De la belle ouvrage. Rien de révolutionnaire, mais du très beau travail. Voilà l’impression que laisse cette Dernière récolte.


Car si on y regarde de près, rien de nouveau ici dans la forme. Un crime actuel puise ses racines dans les secrets du passé, des puissants qui écrasent les faibles, presque sans s’en rendre compte, une justice à deux vitesses … Une écriture claire et limpide, des personnages solides, émouvants, compliqués, à la fois en rébellion contre leur passé et totalement conditionnés par lui. Et une intrigue bien menée, avec ce qu’il faut de secrets et de coups de théâtre. Bref de la belle ouvrage.


Et quand même un peu plus. Parce que l’atmosphère des grandes familles du sud est très bien rendue. Parce que je ne connaissais pas l’histoire qui se trouve au centre du secret et de l’intrigue (et bien entendu je ne vous en dirai pas plus).


Parce qu’aussi l’auteur campe ce personnage de propriétaire plein de morgue, en apparence très libéral. Un libéral qui dit, convaincu, que sa famille a beaucoup fait pour celle des Gray. Une inversion de valeur et de sens que l’on entend de plus en plus. Aujourd’hui, ce ne sont plus les employés qui permettent, par leur travail, au propriétaire d’une entreprise de gagner de l’argent, c’est le proprio, ce philanthrope, qui se sacrifie pour eux, pour leur « donner » du travail. Inversion, hallucinante et ô combien fréquente, que tous les Clancy du monde pratiquent de nos jours, et de façon si naturelle qu’ils finissent par y croire. C’est parfaitement écrit ici, et cela a le mérite d’être choquant. Au lecteur d’identifier tous les Clancy et Gray autour de lui …


Et puis, en ces temps troublés où les mal lotis cherchent un plus mal loti qu’eux sur qui faire retomber la faute de leur disgrâce, montrer ces noirs du sud, exploités légalement, s’en prendre aux latinos clandestins, encore plus exploités qu’eux, n’est pas inutile. Et c’est transposable ailleurs que dans le sud des US …


Bref, ce serait vraiment dommage de passer à côté de la Dernière récolte. Belle histoire, solide, fort bien racontée, et beaucoup plus politique, actuelle et universelle qu’on pourrait le penser à la première lecture.


Attica Locke / Dernière récolte (The cutting season, 2012), Série Noire (2014), traduit de l’américain par Clément Baude.

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25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 20:02

Chouette un nouveau Carl Hiaasen ! L’assurance de rire intelligent au pays du mauvais goût assumé. En plus, si les éditeurs français du pourfendeur de connerie floridien changent, son traducteur (excellent) reste. Et ça donne Mauvais coucheur.

Hiaasen

Andrew Yancy était flic à Miami, avant de se faire virer en essayant de dénoncer un collègue ripou. Il est alors devenu enquêteur pour le shérif qui s’occupe de la pointe de Keys. Jusqu’à ce qu’il plante un aspirateur en marche dans le fondement du mari de sa maîtresse, et ce devant un troupeau de touristes armés de smartphones et de caméras … Le mari n’a pas porté plainte mais a exigé que Andrew soit « déplacé ». Le voilà donc inspecteur des cafards, en charge de l’hygiène dans les restaus douteux de l’île. Vous l’aurez compris, Andrew n’est pas un mauvais bougre, juste un peu vif parfois.


Quand deux touristes pêchent par hasard un magnifique bras, il se dit qu’il a là l’occasion de revenir en grâce. Il sera aidé dans son enquête par un singe aussi mal luné que lui, une légiste fort gironde et un pêcheur des Bahamas plutôt cool. Et ce ne sera pas de trop.


Youpiiiiiiiiiiiiii ! revoilà Hiaseen ! J’adore cet allumé. Je sais, tout ce qu’il a écrit n’est pas parfait, mais quelqu’un qui a produit Cousu main, Jackpot, Miami Park ou De l’orage dans l’air, pour ne citer que ceux là, peut être qualifié de bienfaiteur de l’humanité.


Et Mauvais coucheur, s’il n’atteint pas les niveaux comiques de ses plus beaux succès est quand même un bon Hiaasen. Avec une vraie intrigue, maîtrisée, de très beaux personnages, des tarés vraiment tarés, bêtes mais tellement méchants (ou inconscients) qu’ils en deviennent dangereux. Avec ici quelques femmes particulièrement gratinées.


Sans compter ce foutu singe, abominable et tellement drôle. On ne rit pas autant que dans les meilleurs, mais on sourit beaucoup, et on retrouve les thématiques de l’auteur : la destruction de la Floride, la cupidité, la corruption … Et puis à la fin les affreux meurent dans d’atroces souffrances et de façon absolument grotesque, et même si c’est pas gentil de dire ça, c’est bon !


Donc pour vous remonter le moral, sans pour autant vous faire d’illusions sur la nature humaine, une solution : Mauvais coucheur.


Carl Hiaasen / Mauvais coucheur (Bad Monkey, 2013), les deux terres (2014), traduit de l’américain par Yves Sarda.

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18 mai 2014 7 18 /05 /mai /2014 21:42

On arrive en juin, c’est le moment du Dave Robicheaux de l’année. Faut-il présenter James Lee Burke ? J’espère bien que non, surtout pour les habitués de ces lieux. Le cru 2014 est dense, superbe, et s’appelle Créole Belle.

Burke

Dave Robicheaux et Clete Purcell se remettent difficilement des blessures reçues lors de l’affrontement final de L’arc en ciel de verre. Dave semble perdre le contact avec la réalité : il est le seul à avoir vu la chanteuse Tee Jolie Melton lui rendre visite à l’hôpital, et le seul à entendre ses chansons sur le lecteur mp3 qu’elle lui a porté. Il est aussi le seul à croire aux menaces qu’elle semble craindre. Jusqu’à ce que la sœur de la jeune femme qui avait disparu, réapparaisse assassinée de sinistre manière. De son côté Clete aussi voit ressurgir des fantômes de son passé. Les deux frères d’armes ne se doutent pas qu’ils vont, une fois de plus, devoir affronter les forces … de l’argent.


Que dire que je n’ai déjà dit maintes fois à propos des romans de la série Dave Robicheaux ? C’est toujours bon, c’est toujours très beau, c’est toujours rageur. Cette fois, après l’épisode Katrina, James Lee Burke nous rappelle une autre catastrophe qui a touché la Louisiane et qu’on a un peu oubliée : la terrible pollution due à l’explosion d’une plateforme offshore et les tonnes de pétrole qui se sont déversées ensuite. Le grand James est un bien trop grand écrivain pour écrire un pamphlet écolo sans chair. La condamnation est sans appel, mais elle arrive comme conséquence d’une belle histoire, et de la rage de Robicheaux et de son ami Purcell.


A ce propos, Clete prend de plus en plus de place dans les romans de la série, et c’est tant mieux. Et vous découvrirez ici un nouveau personnage une certaine Gretchen qui secoue sacrément le cocotier.


Un grand Robicheaux, et, même si je me répète - je l’ai déjà dit pour les romans de Mention et Bigham - les phrases comme celles citées ci-dessous ne font pas un bon roman, mais font grand plaisir quand elles viennent agrémenter un grand polar :


« Miss Alice, vous devez savoir que les lois fiscales sont écrites par des riches à l’attention des riches »

« Ce qu’il y a de plus remarquable chez nombre de ceux qui ont une grande fortune, c’est la conviction de base sur laquelle repose leur vie : ils sont persuadés que les autres ont le même appétit inextinguible d’argent qu’eux et feraient n’importe quoi pour ça. Dans leur culture, les bonnes manières, la moralité et l’argent ne sont pas distinguables. »


Dave et Clete vieillissent mais semblent immortels, et c’est très bien comme ça.


James Lee Burke / Jusqu’à ce que la mort les réunisse (Creole Belle, 2012), Rivages/Thriller (2014), traduit de l’américain par Christophe Mercier.

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5 mai 2014 1 05 /05 /mai /2014 00:19

Un nouveau roman de Thomas Cook, c’est toujours l’assurance d’un moment de finesse, de subtilité et d’humanité. Le dernier message de Sandrine Madison ne fait pas exception.

Cook

Sam Madison, professeur à l’université de la petite ville de Coburn, Géorgie est en mauvaise posture. Il se retrouve accusé du meurtre de sa femme, la belle Sandrine. Elle est morte une nuit, après avoir avalé une bonne dose de médicaments mélangés à de la vodka. Atteinte d’une maladie dégénérative, tout laisse penser qu’elle n’a pas voulu vivre la déchéance annoncée. Mais le procureur et le policier venu constater la mort sont persuadés que c’est son mari qui l’a empoissonnée. Et voici donc Sam devant un jury, obligé de voir son histoire et ses petits secrets révélés à tous, en essayant de surmonter la peine de la perte de cette femme qu’il a tant aimé.


Un chef d’œuvre de construction tout en subtilité. Thomas Cook mêle procès et souvenirs avec une fluidité impressionnante et, jusqu’à la toute fin, laisse le lecteur dans le doute. Sam est-il victime ou bourreau ? Est-il juste un peu minable ou vraiment machiavélique ? Et s’il est victime, de qui ? Autour de l’exercice imposé du roman de prétoire l’auteur tisse une toile aussi fine et légère que celle de l’araignée, mais également aussi implacable pour capturer le lecteur.


Et cette finesse dans la construction va de pair avec la subtilité dans l’analyse de l’évolution du couple de Sam et Sandrine, ainsi que dans celle de cette petite ville.


Thomas Cook est un grand humaniste, mais garde les yeux ouverts. Il aime les hommes tout en connaissant leurs travers. Il sait le côté étriqué, conservateur d’une petite ville du sud, mais arrive à nous faire sentir la noblesse et la dignité qu’elle peut aussi receler, et la grandeur qu’il peut y avoir à s’y intéresser.


On referme le roman en ayant l’impression d’avoir partagé un moment intense, d’avoir côtoyé des êtres humains, d’avoir un peu grandi. Comme Sandrine, magnifique personnage que l’on ne voit pourtant que par les yeux de ceux qui l’ont connue, il arrive à nous élever. Au moins le temps de la lecture.


Merci monsieur Thomas Cook.


Thomas H. Cook / Le dernier message de Sandrine Madison (Sandrine’s case, 2013), Seuil/Policiers (2014), traduit de l’américain par Philippe Loubat-Delranc.

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25 mars 2014 2 25 /03 /mars /2014 23:17

C’est le printemps ! C’est donc la saison du nouveau Craig Johnson. Par contre dans le Wyoming de Molosses, c’est l’hiver, et quel hiver !

Johnson

Ca commence par Grandpa Stewart aperçu par un automobiliste, tracté au bout d’une corde derrière une vieille voiture. Comme tout est gelé, il semble très bien glisser sur la route. Ca continue avec un bout de pouce trouvé dans une glacière, au côté de quelques bouteilles de bière … La routine pour Walt Longmire, et ses adjoints la belle Vic et Sancho qui se remet mal de l’agression dont il a été victime quelques semaines auparavant. Mais, alors que le coin est bloqué par la tempête, les cadavres commencent à s’accumuler autour de l’étrange famille Stewart.


Est-ce que Craig Johnson a vraiment conscience de rendre les gens heureux ? Sait-il combien de lecteurs se réjouissent de retrouver Walt, Henry Standing Bear, le chien, Vic et tous les habitants de ce coin de Wyoming ? Sait-il qu’il suffit d’ouvrir un de ses romans pour qu’un sourire de contentement apparaisse ?


Il y a quelques années, avant qu’il n’y ait des autoroutes partout, la tradition voulait qu’on s’arrête toujours, au retour des Pyrénées, dans un restaurant en plein Gers, où deux mamies nous servaient invariablement le même plat : le magret cocotte. Et quand elles arrivaient et soulevaient le couvercle de la cocotte en fonte noire, quand on entendait le grésillement des patates et des oignons frémissant sous les magrets cuits à point, quand le fumet arrivait à nos naseaux, immanquablement, des sourires béats fleurissaient sur toutes les lèvres. Craig Johnson, c’est le magret cocotte du polar !


Et ce nouvel épisode ne déroge pas à la règle. On y retrouve nos héros préférés, on y retrouve l’humour de l’auteur, ses dialogues qui claquent. On y retrouve des histoires qui sont trop incroyables pour ne pas être vraies. On y retrouve un regard humaniste sur ce coin perdu de l’Amérique. Humaniste mais ni naïf, ni niais. Et on y retrouve cette nature si présente, si belle mais également si dangereuse qui caractérise ses romans.


Petit à petit, l’air de rien, Craig Johnson est en train d’écrire les chroniques du XXI° siècle du Wyoming, et il le fait de très belle manière. Vivement l’an prochain pour retrouver nos potes et voir comment ils auront survécu à la fin de cet hiver.


Craig Johnson / Molosses (Junkyard dogs, 2010), Gallmeister (2014), traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

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8 mars 2014 6 08 /03 /mars /2014 20:32

L’histoire vraie du Robin de bois hongrois, mais un Robin des bois qui ne commet ses braquages que rond comme une queue de pelle, chargé au whisky, voilà qui est tentant. C’est La ballade du voleur au whisky, de Julian Rubinstein.

Rubinstein

Attila Ambrus fait partie de la minorité hongroise de Transylvanie (Roumanie) opprimée (c’est à dire encore plus opprimée que les autres) par le charmant régime de Ceausescu. En 1988 il arrive à fuir son pays et débarque à Budapest où il va devenir l’un des pires goals de l’histoire du hockey sur glace hongrois, ainsi que concierge et homme à tout faire de la patinoire. Il reste un paria et un espion en puissance pour les autorités locales. La chute du mur et le passage au capitalisme le plus débridé ne changent rien pour lui. Il décide alors, devant la corruption généralisée et l’état pitoyable de la police locale de se servir. Il réalisera prêt de 30 braquages en moins de dix ans, et dilapidera tout l’argent volé au casino, en fêtes, voyages luxueux et, bien entendu, bouteilles de whisky. Car Attila ne commet ses braquages que correctement imbibés !


Je suis entièrement d’accord avec l’ami Yan d’encore du noir. Pas grand-chose à voir avec le mélange de Mesrine et de Panthère rose annoncé en quatrième. Par contre oui, c’est l’histoire du passage du communisme au capitalisme le plus sauvage, du pillage par les anciens maîtres politique des ressources du pays, de la corruption généralisée, de la destruction des services publics … Tout cela au travers d’une histoire vraie haute en couleur.


Et je suis encore d’accord avec lui quand il évoque les frères Coen, car c’est bien à leurs équipes de bras cassés qu’Attila et ses complices ponctuels font penser. Avec un côté désespéré et déprimé qui colle avec la situation ubuesque du pays : flics sans expérience, sans matériel, sans budget, politiques et media totalement corrompus, peuple résigné, une fois de plus, à en être réduit à la survie.


L’histoire des personnages se mêle à l’histoire du pays de façon fluide, l’auteur ne donne jamais l’impression de recracher ce qu’il a appris lors de ses recherches. Bref, sans être un chef d’œuvre, un très bon roman qui permet de s’instruire en s’amusant.


Julian Rubinstein / La ballade du voleur au whisky (Ballad of the whiskey robber, 20042), Sonatine (2014), traduit de l’américain par Clément Baude.

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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 10:19

On a découvert Frank Bill l’an dernier avec Chiennes de vie, un recueil de nouvelles qui secouait. Comme un roman était annoncé pour cette année, c’est peu de dire que je l’attendais avec impatience. Par rapport au peu qu’on pouvait connaître de l’auteur au travers de son recueil, Donnybrook surprend, mais ne déçoit pas.

 

Bill

Quelque part dans l’Amérique des petits blancs, le chômage fait des ravages, l’alcool et les cristaux de met bon marché n’aident pas. Au milieu de ce nulle part sinistré, un margoulin organise tous les ans des combats clandestins : Vingt combattants, mains nues, et le dernier qui reste debout gagne. Au bout de quelques jours de ce régime, les différents vainqueurs se rencontrent pour la finale. C’est le Donnybrook. C’est là que vont converger : Marine, un pugiliste surdoué et complètement fauché qui doit gagner pour faire manger ses gamins, Angus La Découpe, légende des combats retiré depuis quelques temps qui veut récupérer la dope qu’on lui a volée, Liz, sa sœur, décidée à trahir tout le monde et à butter ceux qui se mettent en travers de son chemin, et quelques autres tout aussi recommandables. La rencontre promet d’être explosive.


Faut r’connaître … C’est du brutal.


Si je suis surpris c’est qu’à la lecture des nouvelles précédemment publiées je m’attendais à un roman très sombre, brutal, et désespérant. C’est certes brutal, très sombre si on regarde sous le vernis, mais pas désespérant du tout tant l’auteur joue la carte de l’outrance. On est plus dans le style Machete, ou de certaines scènes de Kill Bill que dans le social qui tire des larmes.


Alors avertissement, si vous n’aimez pas trop la castagne, le sang et les tripes, les dents qui volent, passez votre chemin. Sinon, ça déménage tellement, les personnages ont une résistance aux gnons tellement absurde, que ça en devient drôle, ou au moins jouissif. On se demande où Frank Bill va s’arrêter, et … Ben il ne semble pas avoir de limites. C’est là que ça devient jouissif. Mieux, le final laisse entrevoir une suite. OUAIS !!!!!!!!!!!!!!!! Comme braillent les gaulois avec fairplay à l’entrée d’Astérix dans l’arène.


Alors certes c’est pas ce qui s’écrit de plus fin, ni de plus nuancé, mais quelle énergie ! Et mine de rien, sous le vernis à la testostérone, la peinture d’une Amérique blanche, pauvre, campagnarde et inculte, qui noie son désespoir dans l’alcool, la drogue et la violence. Une Amérique qui n’a plus d’autre valeur que l’appât du gain et la satisfaction individuelle.


C’est particulier, mais moi je me suis régalé. Et j’attends la suite avec impatience.


Frank Bill / Donnybrook (Donybrook, 2012), Série Noire (2014), traduit de l’américain par Antoine Chainas.

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1 mars 2014 6 01 /03 /mars /2014 12:27

Putain et de deux ! Après le dernier Elmore Leonard, voici le dernier Dortmunder. On avait beau savoir que c’était la fin, c’est dur à admettre. C’est pourquoi cela faisait quelques jours que Top réalité de l’immense Donald Westlake trainait sur ma table de chevet sans que j’ose l’ouvrir.

Westlake

John Dortmunder vous connaissez forcément. Où alors c’est que vous êtes tombé ici en recherchant « baise dans une limousine à Nouille York » … Stan, le chauffeur de taxi, et de la bande, a une maman, chauffeur aussi. Un jour à l’aéroport, la maman embarque un réalisateur d’émissions de téléréalité en mal d’inspiration. Et vous savez comment sont les mamans, il faut toujours qu’elles vantent les mérites de leurs enfants. C’est comme ça que le réalisateur a une idée géniale : filmer un gang en vrai, pendant la préparation et la réalisation d’un casse. Et bien entendu, c’est la bande à John Dortmunder qui va officier. Vous imaginez bien que si John, Kelp, Tiny, Stan et Judson (le petit dernier) acceptent, c’est qu’ils ont une idée derrière la tête …


Il n’y a déjà pas grand monde qui pourrait avoir une idée aussi tordue et géniale. A ma connaissance, personne n’aurait pu la mener au bout. Encore moins avec cette élégance et ce brio.


Pour son dernier Dortmunder, Donald Westlake se paye les émissions de téléréalité, dont on apprend qu’elles ne doivent leur engouement auprès des « réalisateurs » que parce qu’elle permettent de ne pas payer des acteurs et scénaristes syndiqués. Vous connaissez tous le goût de John Dortmunder pour les gadgets du monde moderne, vous pouvez imaginer son regard sur la téléréalité.


De cette distance (entre autres) nait le comique. Comique renforcé par l’écart entre les incidents ridicules imaginés par l’équipe de l’émission pour rendre la téléréalité plus réelle que la réalité (vous suivez ?) et le professionnalisme de l’équipe de John. Renforcé aussi par des effets géniaux de comique de répétition, ou par la découverte qu’il suffit de planter, n’importe où, un comptoir de bar pour voir apparaître des clones des fameux habitués du OJ Bar&Grill.


Bref c’est génial, pour la dernière fois. Vous pouvez, si vous n’êtes pas convaincus, aller lire l’excellent billet de Yan. Et je conclurai en répétant ce que j’y écris dans les commentaires : JE VEUX PAS QUE CA S’ARRETE !


Donald Westlake / Top réalité (Get real, 2009), Rivages/Thriller (2014), traduit de l’américain par Pierre Bondil.

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17 février 2014 1 17 /02 /février /2014 10:09

Les amateurs de polar, et en particulier de polar social commencent à connaître Larry Fondation. Il s’est fait connaître ici avec deux recueils de textes très courts, Sur les nerfs et Criminels ordinaires. Je me demandais dans ma chronique sur ce dernier, ce que donnerait cet auteur en passant à un format plus long. Dans la dèche à Los Angeles répond en partie à cette question.

 

 

 

Fondation

Fish, Soap et Bonds sont potes. Ils vivent dans la rue à Los Angeles. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Avant, Bonds avait un restaurant qui a mis la clé sous la porte quand sa clientèle (des ouvriers de General Motors) s’est retrouvée au chômage. Soap a été mariée trois fois, avant un dernier divorce qui l’a mise à la rue. Fish on ne sait pas trop. Les trois sont copains, partagent le mauvais alcool, les squats, les rares chambres d’hôtel, quelques bons plans, beaucoup de galères. Quoiqu’il arrive, ils ne se séparent jamais.


Dans la dèche à Los Angeles répond donc en partie à cette question.


Il y répond parce qu’il a un fil conducteur et que l’auteur nous fais suivre ces trois personnages tout au long du roman. En partie parce qu’il se présente comme une succession de scènes très courtes, comme autant de fragments de vie. C’est, pour ce qu’on peut en juger en France, la façon qu’a choisi Larry Fondation pour « faire long ».


Mais finalement est-ce si important ? Ce qui compte c’est qu’une fois de plus Larry Fondation fait mouche, et qu’il va même sans doute accrocher avec ce livre des lecteurs qui auraient pu être un peu largués par les deux précédents recueils qui, il faut l’avouer, n’étaient pas toujours d’un abord très aimable et facile.


Comme dit la grande Tina dans sa version de Proud Mary, « we never do nothing nice and easy, so we will do it nice and ROUGH ».

 

 

 

 


En suivant ces trois paumés auxquels on s’attache immédiatement, Larry Fondation offre au lecteur un point d’accroche qu’il lui refusait dans ses précédents textes. Il est très facile, ici, de se sentir proche de Fish, Soap et Bonds, qui ont été « comme nous », qui aspirent finalement aux mêmes choses que nous (un toit, un peu de plaisir et de bonheur, un coup à boire avec les potes, un peu d’amour et d’amitié, quelqu’un à qui parler …) et pour qui c’est juste plus dur parce qu’un hasard de la vie les a jetés à la rue.


C’est d’autant plus facile que, comme dans ses textes précédents, Larry Fondation ne fait pas dans le larmoyant. Pas de pathos, pas de pitié mal placée, mais une grande humanité, de la clairvoyance, de la tendresse, de l’humour et une capacité impressionnante à donner une voix à ces personnages.


On les entend, on les voit, ça sonne juste, c’est drôle, révoltant, émouvant, rageant … c’est beau.


Larry Fondation / Dans la dèche à Los Angeles (Fish, Soap and Bonds, 2007), Fayard (2014), traduit de l’américain par Alexandre Thiltges.

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10 février 2014 1 10 /02 /février /2014 22:45

Ca y est, ce coup-ci c’est bien le dernier. Il ne nous restera plus que nos yeux pour pleurer, et sans doute quelques rééditions bienvenues. Et puis on pourra relire. Relire tout Elmore Leonard (ou presque) dont Raylan est donc le dernier roman.

Leonard

Raylan est marshal dans le Kentucky. Un marshal à la Elmore Leonard : cool, la réplique qui tue, et le pistolet fatal. Comme il le dit : « Ecoute, si je le sors, je te mets une balle dans le cœur avant que t’aies pu dégainer le tien. » Et il va avoir besoin de tout son sang froid pour affronter une psychopathe qui vole les reins des gens, une compagnie minière que les scrupules n’étouffent pas et quelques truands bas de front mais méchants comme des teignes.


Oui c’est vrai, on n’est sans doute pas à la hauteur des meilleurs Elmore Leonard. C’est surtout la construction qui est un poil tirée par les cheveux, l’auteur voulant rassembler trois histoires qui n’ont quasiment que leur protagoniste principal comme lien.


Mais une fois ceci dit, si on considère que l’on a trois novellas, tout le reste c’est du grand Leonard. Avec un héros comme plus personne ne pourra en utiliser sans se faire accuser de plagiat tant cet archétype du super cool, qu’il soit truand, voleur, flic ou autre est la marque de fabrique du grand Elmore.


Avec des femmes fortes, très fortes, et même ici, ce qui est plus rare, deux salopes (je m’excuse pour le terme, mais je n’en vois pas de plus approprié) étincelantes qui resteront dans les mémoires ! C’est qu’elles sont intelligentes, cools et méchantes comme la gale ces deux femmes ! Elles sont d’autant plus éclatantes, que certains des truands qui les accompagnent sont bien dans le moule Leonard eux aussi : affreux, sales et méchants … Et surtout très bêtes. Mais il y a aussi « en face », de sacrés portraits de femmes, fortes, intransigeantes sur leurs valeurs, droites dans leurs bottes, de tous âges et de toutes conditions.


Et comme toujours, pas un mot en trop, pas un jugement de valeur, juste de l’action, des dialogues d’anthologie, des scènes au rythme parfaitement maîtrisé, et en prime, chose plutôt rare chez Elmore Leonard, la critique sans pitié des mœurs prédatrices de certaines compagnies minières. Une critique qui n’arrive sans doute pas par hasard dans des US où l’extraction du gaz de schiste a dévasté des régions entières … Le tout, bien entendu, sous forme de dialogues étincelants.


Décidément, nous allons vous regretter longtemps Monsieur Leonard.


Elmore Leonard / Raylan (Raylan, 2012), Rivages/Thriller (2014), traduit de l’américain par Pierre Bondil.

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