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11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 21:37

La veine semble inépuisable. L’immense Donald Westlake est mort depuis maintenant plus de quatre ans et il nous fait encore le cadeau d’un Dortmunder inédit ici. Malheureusement Et vous trouvez ça drôle ? est l’avant dernier. Heureusement on pourra ensuite faire comme Yan, tous les relire en reprenant depuis le début.

Westlake

C’est inédit, John c’est fait coincer par un flic. Heureusement c’est un flic à la retraite. Malheureusement c’est un flic qui a une idée derrière la tête. Cette idée : obliger John et sa bande à voler un jeu d’échec historique, fait de pièces en or, un cadeau à l’origine destiné à un tsar et qui se trouve maintenant dans une chambre forte au sous-sol d’une des banques les mieux gardées de New York. John a beau lui expliquer qu’on ne rentre pas comme ça dans une chambre forte, et qu’on en sort encore plus difficilement, rien à faire, le flic le tient, il va falloir qu’il s’y mette.


Si vous voulez savoir pourquoi Westlake et John sont uniques, lisez ce roman, vous comprendrez. Je ne connais aucun auteur (sauf peut-être Terry Pratchett avec sa série du Disque Monde) qui soit arrivé à un tel degré de complicité avec ses lecteurs, et qui sache en jouer avec autant de maestria.


Westlake sait exactement ce que sait son lecteur, ce qu’il doit dire, ce qu’il peut sous-entendre ou suggérer. Il donne cette impression unique de reprendre, à chaque ouvrage, une conversation suivie avec un ami, de ceux à qui il n’est pas nécessaire de tout dire pour qu’il comprenne. Et cela donne un humour et une légèreté inégalables.


A noter dans ce volume quelques scènes d’anthologie. Le vol pour commencer, un des plus extraordinaire de la bande, qui en a pourtant quelques uns à son actif et qui prouve que John (et Donald), en plus d’être d’excellents organisateurs, sont des improvisateurs géniaux. J’ai éclaté de rire et j’en suis resté baba, bouche ouverte pendant quelques minutes.


Et puis, qui d’autre que Westlake pourrait oser enfiler des clichés aussi rabattus que le gus planqué dans le placard, et s’en sortir de façon aussi magistrale ? Qui ? Personne. Donald Westlake est grand, John Dortmunder est son prophète.


Donald Westlake / Et vous trouvez ça drôle ? (What’s so funny ?, 2007), Rivages/Thriller (2013), traduit de l’américain par Pierre Bondil.

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1 février 2013 5 01 /02 /février /2013 23:00

Il y a tellement de bons auteurs, d’excellents auteurs même, qui publient régulièrement qu’il devient difficile de trouver le temps pour en découvrir de nouveaux ! J’ai quand même fait un effort. Il faut dire qu’en ce mois de janvier, ici et là, on voit citer ce A qui se fier ? d’un certain Peter Spiegelman (a priori aucun lien avec Art). J’ai donc essayé, je ne suis pas déçu.

 

Spiegelman

Carr, ex agent de la CIA, ex employé d’une société de sécurité privée est entré dans la bande de Declan, spécialisée dans les vols et arnaques qui s’en prennent à l’argent sale. Pas d’idéologie là-dedans, juste la logique : Si vous volez de l’argent acquis illégalement le propriétaire ne portera pas plainte et vous n’aurez pas les polices du monde entier aux fesses. Une seule obligation, être très, très discrets, car les propriétaires volés ont en général des moyens de rétorsion dissuasifs.


Seulement voilà, le dernier coup a mal tourné, Declan s’est fait tuer avec un complice, et Carr se retrouve à la tête d’une bande qui ne le respecte guère au moment où ils tentent leur chef d’œuvre : Délester Curtis Prager, ex banquier de fonds poubelles, reconverti au blanchiment d’argent sale de quelques dizaines de millions de dollars. Difficile quand on ne sait pas à qui on peut faire confiance dans sa propre équipe. Mais Carr est coincé de toute parts, il doit continuer …


On pourrait résumer mon avis en quelques mots : Un excellent divertissement. Voilà. Je développe un peu ?


Contrairement à ce qui est écrit en quatrième de couverture, rien à voir avec Westlake et Dormunder. Ni avec Parker d’ailleurs. D’abord John et Parker sont uniques.


Par contre vous trouverez ici tout ce que vous attendez quand vous ouvrez ce genre de bouquin : Une intrigue absolument millimétrée et très intelligemment menée : l’auteur dose parfaitement ce qu’il dit et ce qu’il cache, de telle sorte que le lecteur devine certains aspects de l’arnaque (ce qui lui donne l’impression d’être très intelligent) et se fait complètement bluffer par d’autres (ce qui est fort plaisant). Donc l’auteur sait surprendre tout en faisant plaisir à l’ego, sans être jamais putassier. Une très belle maîtrise de la narration donc.


Comme toujours quand c’est réussi, il arrive aussi à passer par les passages obligés : description des différents protagonistes, tension, préparation, casse, grain de sable, catastrophe, résolution … de façon suffisamment « classique » pour que le lecteur retrouve ce qu’il est venu chercher, avec suffisamment d’invention pour que ce ne soit pas seulement une pale copie.


Bref, pas le roman qui va révolutionner le genre, mais la lecture parfaite si vous cherchez « juste » à passer un excellent moment de détente intelligente.


Peter Spiegelman / A qui se fier ? (Thick as thieves, 2011), Seuil/Policiers (2013), traduit de l’américain par Jean Esch.

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28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 21:50

Tim Dorsey a ses fans, au rang desquels l’ami Yan. De mon côté, suivant les romans, je suis partagé. J’avais eu un peu de mal avec Florida Roadkill, beaucoup aimé Cadillac Beach, et adoré Triggerfish Twist. Orange Crush que j’avais raté à sa sortie en grand format et que Rivages ressort en poche est, pour moi, un très grand cru.

 

Dorsey

Marlon Conrad est l’homme politique floridien classique. Beau gosse, complètement con, républicain, démago, corrompu, à la botte des lobbyistes qui le gavent de pots de vins. Il est sur le point d’être réélu gouverneur quand une tuile lui tombe sur le coin de la tête. Il a « juste » oublié le service national. Qu’à cela ne tienne, sur la suggestion d’un communiquant inspiré il s’engage volontairement pour quelques semaines (et quelques photos et vidéos) dans une compagnie bien planquée à proximité. Or la compagnie est mobilisée et Marlon se retrouve à maintenir la paix au Kosovo. Il en revient complètement changé et commence alors une campagne centrée sur les pauvres, les exclus, envoyant balader républicains, donateurs et lobbyistes de tous poils. Ce qui ne leur plait pas, mais alors pas du tout. Au point de mettre sa vie en danger.


Voilà un Tim Dorsey qui, autant que je puisse en juger est un peu atypique. Parce que s’il garde le costume de clown, l’auteur y révèle un peu de ce qui se cache derrière. Je m’explique.


Le ton est celui que l’on connaît. Même si l’inénarrable Serge y est en retrait (avec quand même une belle surprise quand on le voit débarquer), on rigole beaucoup. La description au mélange vitriol - poil à gratter de la Floride et de ses mœurs politiques est pour le moins savoureuse. A titre d’exemple, juste une petite description :


« Todd incarnait exactement ce dont Tallahassee était le plus friand : il était jeune, joli garçon, ambitieux et complètement con ».


La construction est également très Dorseynienne : Au début on ne voit pas du tout où on va, mais on rigole tellement qu’on s’en fiche, puis, peu à peu, on arrive tant bien que mal là où ce diable de Dorsey avait prévu de nous amener.


Ce qui est atypique c’est justement là où il nous amène. Certes, le lecteur un minimum attentif peut deviner, à la lecture des ouvrages précédents, que Tim adore la Floride, même s’il en dit pis que pendre. C’est en général Serge avec son érudition qui est son porte-parole. Et au vu des victimes dudit Serge, on se doutait bien qu’il n’aime ni les promoteurs véreux, ni les politiciens corrompus, ni les lobbyistes de tous poils.


La différence est qu’ici, pour la première fois, il nous présente aussi l’autre côté de la médaille, les gens dignes, humbles, ceux qu’il aime et respecte, ceux que Marlon Conrad, au final, a décidé de représenter et de défendre. Et ça c’est une nouveauté dans le fond, et dans la forme tant certains passages en arrivent à être émouvants. Pas longtemps, certes, très rapidement Tim Dorsey remet le nez du clown, balance une énormité ou décrit une péripétie cataclysmique.


Mais trop tard, on a vu, directement l’âme sensible et émouvante qui se cache sous le masque … Et c’est très bien ainsi et ajoute une profondeur au roman. D’autant plus qu’il ne cède jamais au pathos ni à la bonne conscience larmoyante, mais ça, ses lecteurs s’en doutaient.


Ajoutez comme bonus que ce brave Marlon Conrad fait immanquablement penser au gouverneur devenu un rien cinglé de Carl Hiaasen. De là à tirer comme conclusion qu’on ne peut pas être honnête et homme politique en Floride sans péter un câble …


Tim Dorsey / Orange Crush (Orange Crush, 2001), Rivages/Noir (2013), traduit de l’américain par Jean Pécheux.

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13 janvier 2013 7 13 /01 /janvier /2013 21:56

J’aime beaucoup les romans de Thomas H. Cook. En plus le bonhomme que nous avons reçu à Toulouse en 2011 est absolument charmant. C’est pourquoi j’essaie depuis Les feuilles mortes de ne pas rater ses nouvelles traductions. La dernière s’appelle : L’étrange destin de Katherine Carr.

 

cook

Sur un bateau, en route vers une jungle, il raconte à son voisin de transat un certain M. Mayawati une histoire …


C’est l’histoire de George Gates, journaliste dans une petite ville des Etats-Unis. George Gates survit depuis que son fils, Teddy, a été enlevé et tué alors qu’il avait 7 ans. Ce jour là, George devait aller chercher Teddy à la descente du bus. Il ne l’a pas fait, parce qu’il cherchait à terminer une phrase pour son livre, et Teddy a disparu. Son cadavre est réapparu, quelques jours plus tard. Par hasard George rencontre un flic à la retraite qui le reconnaît. Ce flic est obsédé par une autre affaire, la disparition de Katherine Carr, vingt ans auparavant. Katherine a disparu un jour, sans laisser de traces, sinon un roman …


Un roman qui raconte comment une certaine Katherine, victime un jour d’une violente agression, est approchée par un homme mystérieux qui semble vouloir l’aider …


Vous l’aurez compris, nous avons là un roman à tiroir, chaque tiroir contenant sa part de suspense et de tension. C’est très casse-gueule comme procédé, mais ceux qui connaissent l’auteur savent qu’il est, mine de rien, un maître dans l’art de la construction subtile. Donc, pas de soucis, faites-moi confiance, tous les tiroirs finiront par se refermer sur des doigts. Reste à savoir lesquels …


Même si ce n’est pas mon Thomas H. Cook préféré (j’ai été plus ému, bouleversé même, par Les feuilles mortes ou Les leçons du mal), une fois de plus je me suis fait prendre dans sa toile d’araignée. C’est un peu ça les romans de Cook, et celui-ci plus que d’autres : On l’ouvre, on commence à y goûter, en ayant l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose, et qu’on peut le laisser de côté un moment, pour lire autre chose. Mais on continue. Et insidieusement, sans faire de bruit, la petite mélodie du roman vous rentre dans la tête. Au tiers on croit encore qu’on peut le laisser, lire autre chose, et puis tout d’un coup, vers la moitié du roman, on s’aperçoit qu’on est complètement englué, et qu’on ne peut plus le lâcher, jusqu’à la dernière ligne. Au bout on se retourne, impossible de savoir quand, à quel moment du récit, sur quelle péripétie on s’est fait accrocher de la sorte. Du grand art tout en finesse et en subtilité.


Au-delà de ce talent de conteur, on retrouve certains des thèmes chers à l’auteur : la relation parents-enfants, la douleur de la perte, la vie dans une petite ville américaine, la nature du Mal … Pimentées ici d’une touche de fantastique qui … mais je ne vous en dit pas plus.


Thomas H. Cook / L’étrange destin de Katherine Carr (The fate of Katherine Carr, 2009), Seuil/Policiers (2013), traduit de l’américain par Philippe Loubat Delranc. 

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20 décembre 2012 4 20 /12 /décembre /2012 21:35

Carl Hiaasen fait partie de mes auteurs fétiches. Bizarrement il n’a pas trouvé en France d’éditeur qui le traduise régulièrement (mais il me semble qu’il garde son traducteur). Et malheureusement j’avais vraiment trouvé Fatal Song faiblard. Croco deal, le suivant, m’avait paru amorcer une remontée, que confirme (à mon humble avis) son dernier Presse people.

hiaasen

Prenez :


 - Une chanteuse sans talent, sans voix et sans cervelle mais pas sans atouts physiques qui ingurgite tout ce qui peut lui tomber sous la main et saute sur tout ce qui bouge.

 - Un manager et des attachées de presse prêts à tout pour favoriser le comeback de la dite chanteuse.

 - Une actrice sans boulot engagée pour « doubler » la chanteuse quand elle est trop stone pour se montrer en public.

 - Un paparazzi gros, sale, sans scrupule mais très têtu et décidé à photographier la chanteuse.

 - Une pincée de promoteurs et investisseurs véreux.

 - Un tueur à la tronche détruite avec un rotofil greffé à la place de la main.

 - Un ancien gouverneur qui a pété les plombs et vit dans les marais en châtiant les affreux qui détruise la Floride.

- Quelques basketteurs camés, tueurs en goguette et acteurs foireux …


Agitez très fort et servez brulant sous le soleil de Floride.


Comme je le dis en introduction, il me semble que Presse People confirme, peu à peu, le grand retour de Carl Hiaasen. On n’est pas encore au niveau de Jackpot ou Miami Park, mais on s’en rapproche.

Peut-être parce que Hiaasen se fait plaisir (et nous fait plaisir) et faisant ressortir Skink l’ex gouverneur frapadingue des marais, et réutilise Chimio le tueur freak de Cousu main. Sans doute aussi parce qu’en Chéryl, la « chanteuse » il a trouvé un personnage qui lui permet de lâcher la vapeur (elle n’est vraiment pas piquée des vers, et son entourage est pire).


Et puis le show biz bling bling et la presse poubelle, ajoutés aux habituels pourris et corrompus de Floride c’est du pain béni pour lui.


Donc on se régale et on se surprend à penser que, mis à part le très joli personnage de l’actrice doublure, les plus sympathiques là-dedans finissent par être les plus frappés et les plus abimés, à savoir bien entendu l’inénarrable Skink, mais plus étonnamment Chimio et même au final ce pauvre paparazzi qui finalement est plus digne que pas mal de personnages en apparence respectables.


Bref une vraie friandise ou les méchants meurent dans d’atroces souffrances, et ça aussi c’est bien.


Carl Hiaasen / Presse people (Star island, 2010), Editions des deux terres (2012), traduit de l’américain par Yves Sarda. 

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18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 15:42

De temps en temps, un Elmore Leonard ça fait du bien. Et il a tellement écrit le bonhomme qu’on en découvre tout le temps, entre autre grâce au travail de réédition de Rivages. Mon dernier en date s’appelle Cat chaser.

 

leonardGeorge Moran se la coule douce. Ancien marine qui fit une intervention à Saint-Domingue dans les années 70, il a épousé une riche fille à papa, avant de divorcer et de se retrouver à gérer un motel sous le soleil de Floride. Il envisage d’aller passer quelques jours à Saint-Domingue pour revoir les lieux qu’il a connus d’une manière si particulière. Pas vraiment de quoi écrire un roman …


Jusqu’à ce qu’il devienne l’amant de la belle Mary, épouse d’un millionnaire dominicain, qui avant de venir faire fortune en Floride, était le chef des services secrets de sinistre mémoire du précédent président finalement assassiné. Ajoutez un privé ripoux et quelques ratés en quête de fortune et voilà de quoi mettre du piment dans sa vie.


Et voilà, difficile de faire original quand on commente un roman d’Elmore Leonard. Une fois de plus il me faut parler de son sens du dialogue, de ses personnages tellement cool, jamais stressés, mais qu’il serait suicidaire de sous-estimer, de son écriture qui semble tellement naturelle, tellement facile … Combien d’auteurs sont capable de donner cette impression qu’écrire doit être évident, puisque le résultat est si limpide ?


Alors pourquoi lire celui-ci plus qu’un autre ? Pour se faire plaisir déjà, et c’est déjà énorme. Et aussi pour le fond, un peu plus politique et « sérieux » que dans d’autres romans. Car mine de rien, Moran et Leonard règlent quelques comptes avec les soutiens apportés par les US aux pires pourritures sur le continent américain dans les années 70 et 80. Sans jamais avoir l’air d’y toucher bien entendu. N’empêche, c’est dit. Et tellement bien dit.


Elmore Leonard / Cat chaser (Cat chaser, 1982), Rivages/Noir (2012), traduit de l’américain par Josie Fanon.

 

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9 octobre 2012 2 09 /10 /octobre /2012 22:58

« Fuck me. » Pour la genèse de l’extraordinaire  Savages , il fallait bien que Don Winslow change sans changer, se renouvelle tout en maintenant la marque de fabrique. C’est ce qu’il fait, magistralement en ouverture de Cool.   

WinslowVous voici avertis. Si vous n’avez pas aimé Savages, laissez tomber, c’est pareil. Si vous êtes aussi fan que moi, précipitez-vous … C’est pareil. Une dernière chose avant de rentrer dans le vif du sujet. Si par erreur vous passez par ici et que vous n’avez pas encore lu  La griffe du chien, ACHETEZ LE TOUT DE SUITE ET LISEZ LE.

2005. Chon, la brute, O la belle, Ben le gentil. Les trois personnages inoubliables de Savages quelques années plus tôt (forcément !). Ben fait pousser la meilleure dope de Basse Californie (BC). Chon est son ami inséparable, son frère. Autant Ben est gentil (ce qui ne veut pas dire mou, ou victime attention, Ben a du caractère) autant Chon est … Pas gentil. O est leur meilleure amie, pas encore leur amante. Quand Chon ne casse pas du terroriste en Truckistan, ils trainent ensemble et, par exemple, regardent les filles sur la plage :

« - Et c’est quoi, ton type ? demande O, frustrée.

- Bronzée, répond Chon, mince, le visage doux, de grands yeux marron, avec de longs cils.

O se tourne vers Ben.

- Ben, Chon veut baiser Bambi. »

Mais aussi retour dans les années 70, puis 80. Quand la BC (voir plus haut) se construit sur la vente d’immobilier, et de dope. Quand les idéaux s’écroulent, quand le mouvement hippie meurt, quand le Peace, Love and Flower devient fric, fric et fric, quand la cocaïne remplace l’herbe … Quand, sans qu’ils ne le sachent, toute l’histoire de Chon, Ben et O se noue.

Une langue aussi inventive que dans le roman précédent, une langue déconstruite et pourtant immédiatement intelligible, une langue qui groove, qui swingue (à propos, une fois de plus chapeau bas au traducteur).

Un rythme éblouissant, trépidant, en accord total avec le rythme des phrase, qui donne parfois l’impression que l’auteur s’est mis en déséquilibre en haut d’un escalier et qu’il n’a plus d’autre solution que de descendre tout à toute allure, sans jamais s’arrêter sous peine de se vautrer.

Une construction brillante, où les pièces du puzzle se mettent en place peu à peu, jusqu’au feu d’artifice final.

Le plaisir des aficionados de retrouver, outre Chon, O et Ben et les autres, au détour d’une scène, Frankie Machine ou Bobby Z …

Le chant d’amour à une terre, et le cri de rage devant ce que les hommes lui ont fait subir.

Au détour de cet exercice littéraire brillant et parfaitement jubilatoire (car le bouquin file une banane incroyable), la description au scalpel de l’évolution d’une partie de l’Amérique, la disparition des illusions des mouvements intellectuels, rebelles et gauchistes de la fin des années 60, la mort de tout un idéal, les reniements par fatigue, dégoût, opportunisme, avidité … Pour en arriver là :

« Des milliards pour les prisons, encore plus de milliards pour empêcher les drogues d’arriver depuis l’autre côté de la frontière, pendant que nos écoles sont obligées d’organiser des ventes de gâteaux faits maison pour pouvoir acheter livres, papier et crayons, donc je pense que l’idée sous-jacente est de garder nos enfants à l’abri des drogues en les rendant aussi stupides que les politiciens qui perpétuent cette folie furieuse.

Suivez l’argent. »

Donc en plus de nous faire jubiler, Don Winslow nous donne à penser … Si avec ça vous ne vous précipitez pas le lire, je ne sais plus quoi vous dire.

Don Winslow / Cool (Kings of cool, 2012), Seuil (2012), traduit de l’américain par Freddy Michalski.

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 23:24

J’ai découvert William Gay tardivement, avec la réédition de La mort au crépuscule en poche. Impressionnant. La raison pour laquelle je ne voulais pas passer au travers de La demeure éternelle, son premier roman enfin disponible en français.

 

Gay demeure

Le Tennessee dans les années 40 c’est pauvre et rural. A Mormon Spring, Dallas Hardin fait la pluie et le beau temps. Distillation clandestine, bastringue tout aussi clandestin, tout cela avec la bénédiction d’autorités achetées. Ceux qui se dressent sur son chemin meurent en général très rapidement. Ce fut le cas d’un des premiers à s’opposer à lui, Nathan Winer qui disparut littéralement en 1933.

Dix ans plus tard, son fils, Nathan Winer 17 ans tombe amoureux de la très belle Amber Rose. Malheureusement Dallas Hardin a des projets pour elle. Et c’est cet être violent et pourri jusqu’à la moelle que Nathan, fort de son bon droit et de son innocence va affronter, sans se douter une seconde qu’il marche sur dans les pas de son père disparu.


Je dois avouer que j’ai été moins emballé par cette demeure éternelle que par La mort au crépuscule. Moins emballé ne veut pas dire que je n’ai pas aimé, seulement que j’ai préféré l’autre. Dans ce dernier, la tension narrative était installée dès le début du roman, faisant peser sur chaque scène, même lente, même onirique ou en apparence « hors intrigue » l’ombre du croquemitaine que l’on sentait toujours présent, quelque part, dans la nuit environnante.

Ici le point de départ de la même tension, celui qui va tendre la corde entre Nathan et Hardin n’intervient qu’aux deux-tiers du roman, après une longue période où l’auteur écrit plutôt une chronique des années 40 dans ce désert rural, décor âpre, zone en pleine perte de vitesse : industrie moribonde, peu d’agriculture, désert culturel …

Ensuite on retrouve l’éternelle lutte du Bien contre le mal, de l’innocence contre la corruption. Un affrontement qui peut donner lieu à d’abominable navets bienpensants, convenus, voire nauséabonds, mais qui donne lieu ici à un combat certes connu, mais qu’on a l’impression de redécouvrir chaque fois qu’un écrivain de talent s’en empare. Et William Gay en a du talent et l’on se surprend, une fois de plus, à trembler pour le Héros, à haïr le Monstre, et à craindre des surprises car il y en a …

En résumé un très bon roman, à conseiller plutôt aux amateurs d’ambiances qu’aux fans de thrillers, et juste un peu moins bon (du moins à mon goût) que ce que l’écrivain produira par la suite.

William Gay / La demeure éternelle(The long home, 1999), Seuil/Policiers (2012), traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias.

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13 septembre 2012 4 13 /09 /septembre /2012 20:58

Gallmeister, en général, c’est la promesse des grands espaces, de l’air pur, quitte à se colleter avec une nature pas forcément clémente et accueillante. Oubliez tout ça. Pike de Benjamin Whitmer nous amène en ville. Nous attrape par la peau des fesses pour nous balancer le nez dans la neige fondue et dégueulasse …

Whitmer

Douglas Pike fut un truand craint dans toute sa région natale, proche de Cincinnatti. Il a disparu quelques années, et depuis son retour il s’est rangé et fait des rénovations d’appartements pour le compte d’un flic, avec l’aide d’un jeune boxeur qu’il a pris sous son aile. Ce semblant de quiétude vole en éclat quand une prostituée lui amène Wendy, douze ans. Wendy est sa petite-fille, Sarah la mère qu’il na pas vue depuis qu’elle a eu six ans vient de mourir d’une overdose et Wendy n’a pas d’autre famille. Quand Derrick Krieger, flic violent et pourri jusqu’à la moelle commence à tourner autour de Wendy, les vieux démons se réveillent.


Je ne sais qui a dit, à propos de Chandler ou Hammett (je fais appel à la culture de mes lecteurs), qu’ils avaient sorti le roman de déduction anglais des salons de thé pour le jeter dans la rue. Une formule qui s’applique, ô combien, à Pike.

Ecriture à la fois sèche et poétique, ambiance gelée et désolée, rues de neige salie, univers de junkies, de putes, de flics pourris et de rades infâmes … Autant Gallmeister nous avait habitué à l’air pur des grands espaces, autant ce roman est urbain, ou plutôt périurbain, et glauque.

Le texte est saisissant, la plongée en enfer suffocante. Pas de branche à laquelle se raccrocher, pas de bons sentiments, pas d’échappatoire. Pas de chevalier blanc, pas de justicier. Que la violence de rapports humains basés sur la force et le pouvoir.

Un roman en forme de baquet de neige glacée en pleine figure. Impressionnant.

Benjamin Whitmer / Pike (Pike, 2010), Gallmeister (2012), traduit de l’américain par Jacques Mailhos.

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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 22:47

Suite des lectures de rentrée avec Le monde à l'endroit de l'américain Ron Rash. On l'avait découvert avec Un pied au paradis, très bon polar, et j'avais ensuite été complètement emballé par  Serena. Le monde à l'endroit confirme l'entrée de cet auteur dans le cercle très restreint de ceux que je suivrai jusqu'au bout, quoi qu'il arrive.

RashTravis Shelton, 17 ans ne sait pas quoi faire de sa vie dans ce coin des Appalaches. Un père, cultivateur de tabac n'est jamais content de lui, il a laissé tomber le lycée, et ses copains ont pour seules activités : picoler, gober des cachets, et rouler. Autant dire que son avenir semble bouché.

Il croit avoir une chance quand il tombe, en pêchant dans un coin perdu, sur des pieds de cannabis. Une récolte clandestine lui rapporte un peu d'argent, mais à sa troisième visite il tombe sur le propriétaire des plants et la rencontre se termine mal.

Une dure leçon, mais aussi l'occasion de rencontrer un marginal, ancien prof, qui va réussir à lui donner le goût du savoir et lui révéler l’histoire sombre de ce coin perdu au temps de la guerre de sécession.

Grand texte. Inutile d’ergoter pour savoir si c’est un polar, un roman noir, un roman social … C’est un grand roman, point. Ron Rash dans la lignée directe d’auteurs comme Erskine Caldwell (la référence à La route du tabac semble … évidente),  ou, plus proches de nous, du regretté Larry Brown ou de l’immense Daniel Woodrell. Voilà c’est dit. Non seulement il fait partie de cette famille, mais il en est un digne représentant.

Même intérêt pour les oubliés du rêve américain, tellement oubliés qu’on ne croirait jamais être dans le même pays. Même écriture limpide, âpre qui sait aussi se faire poétique et lyrique. Même empathie sans complaisance pour les personnages, perdants condamnés d’avance et qui pourtant se battent jusqu’au bout. Même capacité à créer des personnages inoubliables, victimes certes, mais pas victimes consentantes, décrits avec une grande humanité mais sans angélisme.

Ajoutons ici un regard sur la passé et ses fantômes, regard d’autant plus intéressant que pour le lecteurs français, les plaies de la guerre d’Espagne, d’Algérie ou du Vietnam sont « connues », mais, à part parfois chez James Lee Burke, on n’imagine pas que la guerre de Sécession puisse encore avoir laissé des traces. Et pourtant, quelle traces, et quelle superbe façon de les rendre palpables !

Pour finir, la progression dramatique parfaitement maîtrisée malgré l’apparente lenteur du récit. Bref vous n’avez aucune excuse, lisez Ron Rash.

Ron Rash / Le monde à l’endroit (The world made straight, 2006), Seuil (2012), traduit de l’américain par Isabelle Reinharez. 

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