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3 avril 2013 3 03 /04 /avril /2013 21:50

Si vous êtes un habitué de ce lieu, vous avez déjà entendu parler de Sonchaï Jitpleecheep, le flic de Bangkok imaginé par l’anglais John Burdett. Et vous savez que je suis fan. Il revient dans Le pic du vautour, et c’est toujours aussi bon.

 

Burdett

Sonchaï continue à marcher sur une corde raide : difficile de conserver détachement bouddhiste et probité quand on est flic dans une des villes les plus corrompues de la planète. Encore plus difficile quand on a pour chef le colonel Vikorn, pourri jusqu’à la moelle, chef du 8° district, un des hommes les plus puissants de la ville, en guerre perpétuelle contre le Général Vinna, son grand rival militaire.


C’était déjà dur. Cela devient une véritable gageure quand Vikorn décide de briguer le poste de gouverneur et, sous l’impulsion de conseillers américains, place la lutte contre le trafic d’organes au centre de sa campagne. Voici donc Sonchaï en guerre contre les trafiquants, dont deux sœurs chinoises diaboliques. C’est à ce moment que dans le lotissement très sélect du Pic du vautour apparaissent trois cadavres dépecés de façon particulièrement experte …


Corruption, trafic d’organe, meurtre, dépeçage … le roman devrait être éprouvant, démoralisant, désespérant, voire dégoutant. La magie du couple Sonchaï / Burdett fait qu’une fois de plus, sans rien édulcorer, sans minimiser l’horreur et le sordide, on ressort de là avec la pêche. C’est proprement incompréhensible, c’est totalement ahurissant. Quand on pense un peu ce qu’on vient de lire, on se dit qu’on devrait être horrifié. Et de fait on est souvent scandalisé … mais avec le sourire.


Peut-être aussi cela marche-t-il parce que l’auteur est très équitable dans la distribution des coups de griffes (voire des coups de pied au fondement), loi du marché toute puissant, européens qui croient tout savoir, rivalités, conflits et incompréhensions entre chinois continentaux et de Hong-Kong, corruption thaïlandaise, morgue américaine … ne poussez pas, il y en a pour tout le monde.


Et puis il faut dire que le mélange d’humour très british et regard thaï sur le monde fait merveille. Ajoutez à cela, une énergie et, malgré toutes les difficultés, un plaisir de vivre communicatif et vous avez un livre qui vous laisse une impression de bonheur. Vraiment une réussite, une fois de plus, et un mélange absolument unique.


John Burdett / Le pic du vautour (Vulture Peak, 2011), Presses de la cité (2013), traduit de l’anglais par Thierry Piélat.

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 22:58

En trois romans Nick Stone, révélé avec Tonton Clarinette, est devenu un auteur dont on attend les romans avec impatience. Le dernier Cuba libre fait, en quelque sorte, le lien entre le premier et le suivant Voodoo land, tout en nous amenant à Cuba.

Stone

Revoici donc Max Mingus. Petit rappel pour ceux qui ne savent pas …


Voodoo land se déroule au début des années 80 à Miami, Max y est flic, sous les ordres d’Eldon Burns, flic pourri jusqu’à la moelle, dans le style de ceux de James Ellroy. Son coéquipier, Joe Liston, ne supporte pas cette corruption. Ils vont affronter le mal incarné en la personne de Boukman, un truand d’origine haïtienne. Vingt ans plus tard, dans Tonton Clarinette Max n’est plus flic. Après huit ans de prison, il est contacté par un riche haïtien pour aller retrouver son fils disparu sur l’île … Il en revient marqué, et riche.


Fin du résumé des épisodes précédents … On retrouve Max en 2008, il est détective privé, ruiné ou presque, solitaire, réduit à enquêter sur de sordides affaires de cul. Coup sur coup Eldon Burns et Joe Liston sont abattus. Juste avant de mourir, Joe lui a lâché un nom : Vanetta Brown. Dans les années 60-70 Vanetta était une activiste des droits civiques à Miami. Accusée d’avoir tué un flic lors de la perquisition du local où son organisation (très marquée à gauche) avait son siège, elle a réussi à quitter le pays et a été accueillie par Fidel Castro à Cuba. Elle doit toujours y être.


Fin de l’affaire pour Max ? Non. Il est contacté « fermement » par le FBI qui ne lui laisse guère le choix : Soit il part à Cuba retrouver Vanetta Brown soupçonnée d’avoir commandité les deux meurtres, soit il retourne en prison, accusé d’avoir blanchi l’argent de la drogue à son retour d’Haïti. Parce qu’il est coincé, parce qu’il veut savoir qui a tué son ami Liston, Max accepte.


De façon différente, et pour d’autres raisons, Cuba libre, comme les deux romans précédents fera sans nul doute partie des romans marquants de l’année.


Si on le compare aux deux premiers volumes, cet opus est comme Max Mingus, il s’est assagi. Moins violent, moins perturbant, moins sombre même. Cuba n’est pas Haïti, la violence n’y est pas la même, la traque est plus posée. Max surtout est plus calme. L’ex boxeur, flic borderline a beaucoup souffert et pris beaucoup de coups. Il a pris du plomb dans la cervelle (au sens figuré), a pris ses distances avec son mentor ripoux et a gagné, auprès de son ami Joe Liston, une maturité politique et morale qui l’amène à revoir ses anciennes certitudes.


Mais plus calme ne veut pas dire plus ennuyeux. La toile de fond est passionnante : le retour sur les années des luttes pour les droits civiques, l’exil des activistes (dont les Black Panthers) à Cuba, l’accueil par Castro de réfugiés haïtiens, la situation de l’île en cette fin de règne castriste, les désillusions, l’impact symbolique de l’élection en cours d’Obama  … Bref de quarante ans d’Histoire de ce coin du monde incluant la Floride, Cuba et Haïti. Passionnante car racontée sans manichéisme, sans angélisme, avec une grande honnêteté.


Et ce qui fait la force de Cuba libre, ce qui en fait un roman passionnant et pas un essai historique, c’est que, si Nick Stone a de toute évidence effectué un gros travail de préparation et de documentation, ce travail ne se sent absolument pas. Toute cette information est « cachée » dans le travail romanesque de plus en plus maîtrisé. Les coups de théâtre sont là, Max et le lecteur se font balader de surprise en surprise (et il y en a une ou deux de taille), jusqu’à l’apothéose. L’épilogue, qui on s’en doute tenait à cœur à l’auteur, est superbement apporté sur un plateau par l’Histoire, avec ce jour de l’élection de Barak Obama qui vient conclure magistralement cette fresque policière et historique.


Nick Stone / Cuba libre (Voodoo eyes, 2011), Série Noire (2013), traduit de l’anglais par Samuel Todd.

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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 23:02

Bill James est bien connu des lecteurs de chez rivages, grâce à sa série à l’ironie mordante consacrée à deux flics, Harper et Iles. Lettres de Carthage prend une autre voie (voix ?), celle très codifiée du roman épistolaire. Sans rien perdre de son mordant.

James

Vince et Kate viennent de s’installer dans le quartier résidentiel de Tabbet Drive. Toute la quiétude feutrée d’une banlieue classe moyenne haute anglaise. Ils sont fascinés par Dennis et Jill Seagrave qui habitent une merveilleuse maison nommée Carthage. Encore jeunes, beaux, distingués, riches, ils sont l’image du couple parfait. Si Vince et Kate avait une idée des lettres que les époux écrivent à leur entourage, souvent en cachette l’un de l’autre, ils déchanteraient …


Un vrai petit bijou de méchanceté, de finesse et de construction. Le lecteur se prend complètement au jeu, doute de l’un, de l’autre, est balloté à droite et à gauche … pour se faire retourner comme une crêpe.


Sous les dehors de brillant exercice de style (brillantissime même), la peinture d’une certaine société anglaise est absolument sans pitié. Les lettres sont d’une hypocrisie, d’une méchanceté mesquine et d’un creux qui n’a d’égal que leur prétention. Arrogants, pédants, superficiels et admirés par des voisins qui les badent, tel est portrait au vitriol de ces anglais de la classe moyenne haute que nous brosse Bill James.


Un roman vraiment réjouissant.


Bill James / Lettres de Carthage(Letters from Carthage, 2007), Rivages/Thriller (2012), traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau.

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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 09:53

Depuis que je l’ai découvert, je suis régulièrement les apparitions de l’inspecteur Faraday, créé par l’anglais Graham Hurley. Ma dernière rencontre avec lui est due à la réédition en poche de L’autre côté de l’ombre. Une rencontre très agréable, comme toujours.

Hurley

Définitivement écœuré par les bâtons qu’on lui met dans les roues, et par les attaques que lui valent ses méthodes peu orthodoxes, Winter qui s’est fait virer de la police de Portsmouth, est passé à l’ennemi. Il travaille maintenant pour Bazza Mackensie, le caïd de la ville. Faraday lui est resté dans la police, et se voit confier l’enquête sur le meurtre d’un agent immobilier en vue. Meurtre étonnant, cet homme a priori sans histoire, ayant de toute évidence été abattu par un professionnel. Dans une ville et un pays livrés à l’unique loi du profit, avec les pertes de valeurs et le chaos que cela implique, les parcours des deux hommes n’ont pas fini de se croiser.


Graham Hurley, comme son collègue John Harvey, représente la qualité du cousu main anglais. Personnages fouillés, intrigues travaillées, construction impeccable et un style d’écriture classique et d’une efficacité redoutable. Certes, cela ne fonce pas à cent à l’heure, il prend son temps, pas d’effets pyrotechniques, pas d’effets de manche, pas de recherche d’un nouveau style ou d’un nouveau type de narration. Non du grand classique mené de main de maître.


Et, une fois de plus, comme Rankin, comme Markaris, comme Bruen, comme ThorarinsonGraham Hurley est le témoin et le chroniqueur de notre temps, de la crise financière qui frappe le monde, et de la crise de valeurs qui l’a entraînée.


Car c’est bien cela qui est au centre du roman, au-delà de l’intrigue (parfaitement menée par ailleurs). Crise qui a amené à ne plus retenir comme critère de valeur que l’argent gagné, que la réussite financière, à l’exclusion de toute réflexion sur la finalité de ce que l’on fait, sur les effets sur les autres, sur le bien, ou le mal, qui résulte de ses actions sur l’ensemble de la société. Si cela me sert à gagner du fric, c’est bon, même si je n’en ai pas besoin, et si j’entraîne la faillite, la misère et le désespoir de centaines de gens.


C’est ce cynisme, cette perte de valeur, la démission hypocrite d’une classe politique complice qui fait semblant de compatir d’un côté tout en glorifiant la réussite individuelle de l’autre qui sont au centre du roman.


Et comme toujours quand on a affaire à un grand auteur, cela est fait sans prêche, sans démonstration, sans grand discours, juste en montrant les effets concrets de cette situation sur les victimes, et les conséquences qu’ils peuvent avoir. Et en décrivant, côte à côte, les comportements de ceux qui sont considérés (à juste titre) comme des truands, et ceux que la presse et les politiques montrent en exemple comme des gagnants.

 

Le lecteur, qui est un grand garçon ou une grande fille, est tout à fait capable d’en tirer les conclusions qui s’imposent.


Graham Hurley / L’autre côté de l’ombre (The price of darkness, 2008), Folio Policier (2012), traduit de l’anglais par Philippe Loubat-Delranc. 

 

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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 23:26

On le sait John Rebus est à la retraite après une sortie en beauté. Mais pas Ian Rankin qui revient avec un nouveau personnage, peut-être appelé à une nouvelle série ? C’est tout le bien qu’on souhaite à Malcom Fox, héros de Plaintes.

Rankin

Malcom Fox, comme Rebus est flic à Edimbourg. Mais là s’arrête la comparaison. Si Rebus est rock, mauvais coucheur, bagarreur et picoleur, Fox est d’un calme olympien, il a arrêté de boire, et travaille au Service des Affaires et Plaintes internes, ceux qui enquêtent sur leurs collègues. Les deux ont quand même un point commun, ils ne lâchent pas facilement le morceau. Malcom est chargé d’enquêter sur un collègue, Jamie Breck, qui consulterait régulièrement des sites pédophiles. Enquête délicate, d’autant plus délicate que le beau-frère de Fox est tabassé à mort et que c’est Breck qui est en charge de l’enquête. Quand on sait que le beau-frère en question tapait sur la sœur de Fox, et qu’il le savait, on sent que la chose tend à devenir inextricable. Si en plus de grosses sommes d’argent se mêlent de l’affaire …


Ian Rankin change donc de héros, mais pas de ton, et surtout ne perd rien de son talent et de sa colère. Et décidément, après Thorarinsson et Bruen, avec Markaris à venir, ce sont bien les auteurs de polar qui se coltinent les effets de la crise dans leurs pays. Car contrairement à ce qu’on pourrait croire au début, c’est bien de cela qu’il s’agit.


Mais à la façon Rankin. C’est à dire avec une intrigue millimétrée, des dialogues qui claquent, des personnages de chair, de sang et d’émotion, et surtout, une rage au ventre intacte, la même qui animait ce bon vieux John.


A l’arrivée, dans un premier temps, un réel bonheur de lecture pour tout amateur de polar qui aime les coups de théâtre, les retournements de situation, le frisson du suspense. Des personnages qu’on attend avec impatience de retrouver, et les mains dans  cambouis pour décrire les tenants et aboutissants de la crise en Ecosse, sans jamais verser dans le cours magistral. Que demander de plus ?


Ian Rankin / Plaintes (The complains, 2009), Le Masque (2012), traduit de l’anglais (Ecosse) par Philippe Loubat-Delranc. 

 

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14 mai 2012 1 14 /05 /mai /2012 23:57

Jusque là, l’Ecosse pour moi c’était Edimbourg de Ian Rankin et John Rebus et Glasgow de William McIlvanney. Jeviens de découvrir un nouvel auteur, lui aussi excellent chroniqueur de Glasgow : Gordon Ferris et La cabane des pendus.

 

FerrisDouglas Brodie a grandi à Kilmarnock, petite ville minière écossaise. Puis il est allé faire des études et est devenu flic à Glasgow, avant de s’engager dans la 51° Highland Division jusqu’à la fin de la guerre. Il a été blessé et a participé aux interrogatoires des SS responsables des camps de la mort. Sa foi dans l’homme en a été … ébranlée.


Il vivote maintenant en faisant des piges dans un journal londonien, jusqu’à ce que Hugh Donovan, son ami d’enfance qu’il croyait mort l’appelle : Il est en prison à Glasgow, accusé du meurtre d’un gamin, il sera pendu dans un mois, et l’appelle à l’aide. Douglas accepte. Il va s’apercevoir que l’horreur, le mensonge, la lâcheté et la corruption n’ont pas disparu avec la victoire des alliés …


Je ne crierai pas au génie ni au chef d’œuvre, mais voilà un bon polar, solide qui a toute sa place dans n’importe quelle bibliothèque de polardeux.


Des personnages auxquels on croit immédiatement, une histoire fort bien menée, un final à la hauteur de l’attente et du suspense créé tout au long de la narration et des scènes de bravoure qui tiennent parfaitement la route. Rien qu’avec ça, on se fait plaisir.

Et il faut ajouter au crédit de La cabane des pendus la peinture d’un pays, l’Ecosse de l’immédiate après-guerre, où les conditions de vie des plus humbles sont décrites sans maniérisme, sans pathos mais avec une réelle empathie. Des conditions atroces, dans un pays très hiérarchisé, tenu d’une main de fer par une caste de possédants, avec l’aide et la bénédiction des forces de police, de justice et, on l’oublie trop, de l’église.


En résumé, un très bon polar d’un auteur que l’on aura plaisir à retrouver (peut-être avec le même Douglas Brodie ?).


Gordon Ferris / La cabane des pendus (The hanging shed, 2011), Presses de la cité/Sang d’encre (2012), traduit de l’écossais par Jacques Martichade.

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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 21:54

J’avais beaucoup aimé le premier roman de Cathi Unsworth, Au risque de se perdre, aimé encore davantage Le chanteur, son roman suivant. Je me suis donc précipité sur Bad penny blues, le dernier en date. Et là, déception. Pourquoi ?


UnsworthNous sommes à la fin des années 50, la toute fin, 1959 plus exactement. Stella et Toby sont deux jeunes créateurs. Ils sont beaux, talentueux, amoureux, les années 60 s’annoncent magnifiques pour eux. Et elles sont magnifiques, du moins au début. Malgré les cauchemars de Stella qui rêve de meurtres de femmes. Cauchemars d’autant plus troublants que des prostituées ressemblant aux femmes de ses rêves sont effectivement tuées.


Malgré les efforts de Pete Bradley, jeune flic honnête et ambitieux qui enquête sur ces crimes, aucune piste ne se dessine. Avec les années, les visions de Stella vont se préciser et Pete va s’apercevoir que quelqu’un, très haut, met des bâtons dans les roues des enquêteurs …


On retrouve certaines qualités des précédents ouvrages. Et en particulier la richesse de la reconstruction d’une époque. Ici cette période charnière du début des années soixante où toute une génération explose, et fait exploser les carcans archi rigides et traditionalistes, où tout bouge dans la politique, les arts, le design … Sans pour autant réussir à remettre sérieusement en cause le pouvoir d’une caste intouchable.


Aristocratie pourrie jusqu’à la moelle, police corrompue et à la botte du pouvoir, face à une jeunesse à l’écoute de la musique qui vient des US, une jeunesse qui se passionne pour de nouveaux groupes qui s’appellent les Beattles et les Rolling Stones (même si contrairement aux premiers romans c’est ici la mode et la peinture qui sont sur le devant de la scène, plus que la musique).


Alors pourquoi suis-je déçu ? Pour deux raisons. Tout d’abord alors que les deux premiers romans faisaient très fort dans la construction et l’emballement final je trouve qu’ici le dénouement est tiré par les cheveux, avec des personnages qui sortent du chapeau (même si on se doute depuis un moment de l’identité du Grand Méchant Loup qui est derrière tout ça).


Et puis, j’ai un problème avec l’écriture. Je ne saurais pas mettre le doigt dessus mais je la trouve plate. Les dialogues, pour une raison subtile, ne me convainquent pas ; je trouve qu’ils sonnent factices, fabriqués … Alors c’est moi ? La traduction ? L’auteur qui est moins à l’aise dans cette époque ? Je ne saurais le dire. Je sèche.


Fait révélateur, j’ai traîné à terminer le roman, chose qui ne m’arrive que rarement. En général soit je balance le bouquin au bout de 20 pages, soit je fonce. Là je voulais en savoir plus, lire ce que l’auteur avait à raconter sur cette époque, mais en même temps je n’arrivais pas à m’enthousiasmer.


J’attends vos avis avec impatience.


Cathi Unsworth / Bad penny blues (Bad penny blues, 2009), Rivages/Thriller (2012), traduit de l’anglais par Karine Lalechère.

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 22:29

Mon appel du pied a été entendu … Il faut avouer qu’il n’était pas d’une finesse à toute épreuve.

 

Peut-être ce bref échange avec Aurélien Masson, patron de la série noire et éditeur de La belle vie et Antoine Chainas son traducteur (et auteur reconnu !) vous éclairera-t-il un peu plus sur le roman.

 

Aurélien Masson : Nous partageons le même point de vue, le cul c’est de la rigolade grand guignol tendance Sade. Par contre le nihilisme, le désespoir, l'aquoibonisme, l'anomie c’est ça le vrai choc et la vraie tristesse.

Contrairement à toi, je connais plein de gens comme ça, des légions, mais bon je dois aimer trainer dans les quartiers glauques et surtout chercher le désespoir, car pour moi rien de plus beau et touchant que ceux qui se tapent la tête contre les murs sans savoir vraiment comment s'en sortir...

La vie est un combat mais qui est l'ennemi? Où se cache-t-il? Dans le socius ou bien en moi?

PS: C’est drôle nous avons parfois une vision inversé sur le monde, pour moi justement Stokoe est un moraliste, s'il montre tout ça, c’est qu'il aime à mon avis trop la vie...

 

JML : Plus que vous poser des questions, à Antoine et toi, mon idée était de savoir si vous aviez des réactions à ma lecture et à mes questions.

Effectivement on évolue dans des milieux qui semblent assez différents ! Car je ne mens pas en disant que je ne connais personne comme ça. Et de très loin. Je connais des gens désespérés, qui se tapent la tête contre les murs, mais pas pour les mêmes raisons.

Et je suis d'accord avec toi pour dire que Stokoe est probablement un moraliste, je n'ai jamais eu l'impression qu'il montrait cette vie autrement que comme un enfer à éviter. Si j'ai donné l'impression contraire c'est que je me suis mal exprimé.

Toujours est-il que la lecture de La belle vie est une sacré expérience, guère agréable, mais impressionnante !

 

Aurélien Masson : Pour moi un vrai moraliste n'est pas la pour nous dire le bien et le mal, ou dire quoi faire ou quoi éviter.

Je vois Stokoe comme un moraliste clinicien, le tableau est une critique en soi. Il y a un côté sadien chez Stokoe, car il nous fait vivre une expérience totalitaire, il n'y a pas d'issue et c'est pour ca que cela peut déranger certains amateurs de polars « positifs ».

Certes ici les gens luttent mais cette lutte parait perdue d'avance. Le monde de Stokoe n'est évidemment pas le mien mais c'est un monde que je côtoie : c'est le monde des désirs sans limites et donc finalement sans but, c'est l'univers du narcissisme exacerbé où chacun veut devenir quelqu'un (n'importe quoi mais quelqu'un) mais sans s'en donner l'effort.

Stokoe c'est aussi l'anomie, un espace où toute morale tombe à plat, où tout semble se valoir... C'est aussi un monde anesthésié, car comment supporter ce spectacle sans béquilles chimiques...?

C'est pour toutes ces raisons que ce livre ne me dérange pas, ni me choque (j’ai tellement vu de choses de ce genre dans la vraie vie ; en termes de « perversions » je ne serais jamais surpris par l'Homme) mais qu'il me rend profondément triste.

L'homme occidental, du moins cet homme occidental que Stokoe nous décrit, nous fait penser à ce scarabée sur le dos qui n'arrive pas à avancer dans la chanson « comme un légo » (paroles Gérard Manset).

A la fin de ma première lecture, avant que j'appelle Antoine pour en parler avec lui car nous partageons les mêmes angles morts, certains en tout cas, je pensais à cette phrase de Manset : « Oh non, l'homme n’est pas aimé » ...

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la belle vie est pour moi une ode à la vie et en creux une déclaration d'amour à l'Humanité. Je ne connais pas l'auteur mais je ne serais pas surpris que des fleurs bleues poussent sur le terreau de son âme...

 

Antoine Chainas : Cher Jean-Marc,

Je ne puis que souscrire à l'analyse que tu as faite de La belle vie, sur ton blog. Je me permettrais néanmoins, puisque j'ai cru comprendre que tu m'y invitais, de réagir sur quelques points. Il va de soi que les précisions que j'apporte sont avant tout celles d'un simple lecteur. En tant que traducteur, mon opinion sur le sujet du ressenti individuel n'est guère pertinente. Tu as axé ta recension sur la notion de plaisir, et je crois que tu as tout à fait raison : il n'est nullement question de plaisir dans l'ouvrage de Stokoe. Envie, oui. Soulagement, éventuellement. Pourtant, cette particularité que tu mets en lumière avec grande justesse, m'interpelle.

D'abord, le plaisir, me semble-t-il, n'est pas systématiquement constitutif, même de façon périphérique, du héros romanesque. De Céline à Selby, en passant par Easton Ellis, certains auteurs ont refusé cette porte d'accès à leur lectorat. On peut s'en irriter, on peut trouver avec raison la démarche désagréable - étant entendu qu'elle peut être clairement perçue comme le fruit d'une spoliation -, mais il me semble que Stokoe opère de manière si méticuleuse qu'il est impossible d'imputer la manœuvre à une maladresse (ce que tu ne fais pas, bien entendu : je me contente de spéculer sans vergogne pour étayer mon propos). J'ai l'impression qu'en cela, l'ouvrage se distingue du tout-venant de la littérature de genre : il abhorre tout mécanisme d'identification traditionnel aux protagonistes. L'auteur convoque une exhibition (deux exhibitions identiques et interdépendantes en fait : l'une transgressive, l'autre conformiste) qui ne montre rien, excepté, comme tu l'as parfaitement souligné, sa propre vacuité.

Les ouvrages qui mettent en scène cette dimension éminemment obscène de l'humain et, par extension, d'une certaine littérature, sont peu nombreux. Tout aussi peu nombreux sont les lecteurs à désirer en faire l'expérience. Je suis par conséquent d'accord avec toi : il est difficile de « conseiller » l'ouvrage dans l'absolu. Je demeure cependant convaincu que, pour peu que l'on accepte, le temps d'un livre, de faire effectivement le deuil du plaisir, La belle vie sera fécond de sensations assez inédites pour une partie du lectorat.

 

JML : Effectivement, je n’ai pas supposé un seul instant que l’absence de plaisir dans le parcours de Jack soit due à une quelconque maladresse de l’auteur. Mais au contraire à une très grande maîtrise de sa narration.

Effectivement, en réponse à ton analyse, le plaisir n'est pas constitutif du héros romanesque.
Ce qui m'a interpelé, c'est l'absence de plaisir alors qu'il y a tant de désir ! C'est comment toute cette quête, aussi vaine soit-elle, ne débouche jamais sur autre chose que de la frustration ou, fugitivement, sur du soulagement comme tu le soulignes.

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 22:04

Voilà donc le roman choc annoncé depuis quelques temps à la série noire, le monstre de Matthew Stokoe, La belle vie, traduit par Antoine Chainas. Un bouquin défendu par Aurélien Masson et Antoine Chainas, on l’attend, et on s’attend au pire. Et on a le pire. Mais pas forcément où on l’attendait …

 

Jack vit à Los Angeles, la ville du mirage, la ville des rêves sur papier glacé. Jack ne vit que pour une chose, passer de l’autre côté. Son idéal le voilà :

Stockoe« J’allumai le magnétoscope et chargeai une de mes cassettes de pubs pour parfum. Les réclames pour cosmétiques de luxe sont le meilleur instrument de mesure d’une vie saine. Les individus y sont parfaits : vous vous en rendez compte rien qu’en les voyant. Leurs corps sont désirables, ils portent les fringues les plus chères, et ne regardent pas à la dépense. Ils vivent dans un monde où les problèmes sont résolus par d’autres, où il est impossible de douter de soi et où nul ne peut vous voir sans s’empêcher de vous aimer, de désirer vous ressembler. »


Jack est persuadé que la vraie vie, celle qui compte, est celle qui est de l’autre côté du miroir. Et pour le franchir il est prêt à tout. Quand sa femme Karen est retrouvée morte dans un parc, pour s’occuper, il commence à chercher son assassin, en plongeant dans le monde de la prostitution et de la came qui était celui de Karen. C’est comme ça qu’il rencontre Bella, belle, riche, richissime même. Bella qui va lui ouvrir les portes de La belle vie… et celles de l’enfer.


Pourquoi donc le pire n’est-il pas là où on l’attend ? Parce que malgré les multiples scènes de baise les plus sordides (nécrophilie, viol, merde et pisse à tous les étages, catalogue de toutes les perversions possibles et imaginables …) ce n’est pas cela qui glace le plus. Du moins ce n’est pas ce qui m’a glacé le plus. Tant c’est fait sans émotion, sans passion, sans … sans rien. Juste parce que c’est possible. Comme dit Jack : « Il n’existe sans doute, à l’heure actuelle, que peu d’individus qui peuvent se vanter d’avoir baisé un cadavre, mais je suis sûr que beaucoup y pensent. »


Et finalement, à la lecture, ce que j’ai ressenti, plus que du dégoût, de l’écœurement ou de l’effroi c’est de l’effarement et de l’incompréhension. Cet effarement vient du rien, du vide de cette vie. La déshumanisation totale de personnages qui n’existent que par ce qu’ils achètent. Pas par le plaisir que procure l’appartement, la bagnole, les fringues, non, seulement par l’acte de l’acheter, et même plus précisément de faire partie de ceux qui peuvent l’acheter. Ce qui glace c’est le renversement des valeurs qui fait que la réalité n’est plus le monde dans lequel on vit mais celui qui nous est vendu par la pub. Et le vide qui en résulte.


Avec cette contradiction flagrante, énoncée dès les premières pages à propos des personnes sensées vivre dans ce vrai monde, le seul qui compte : « Ils vivent dans un monde où les problèmes sont résolus par d’autres, où il est impossible de douter de soi et où nul ne peut vous voir sans s’empêcher de vous aimer, de désirer vous ressembler. » Confusion de « aimer » et « désirer ressembler ». Confusion d’autant plus forte que dans le roman personne n’aime, et même personne ne ressent le moindre plaisir. Jamais le plaisir ou le bonheur ne sont évoqués, même au moment d’un supposé accomplissement.


Est-ce qu’on peut conseiller ce roman ? Je n’en sais rien. Difficilement c’est certain. Trop trash pour certains, trop vide pour d’autres, trop dérangeant bien entendu. Car il pose cette question : Existe-t-il vraiment, autour de moi, des gens à ce point différents, à ce point hors de toute discussion possible, à ce point hors d’atteinte ? Je peux comprendre la haine, la vengeance, la méchanceté, l’envie, la jalousie … Je n’arrive pas à comprendre ce vide.


D’ailleurs après avoir tourné autour du pot c’est là que je comprends mon ahurissement. Ces personnages, pour moi, sont des aliens complets. J’ai l’impression de pouvoir comprendre, un peu, un indien d’Amazonie, un japonais traditionaliste, un inuit, pour peu qu’on m’explique. Je n’ai aucune prise pour comprendre ce monde là.


Et s’il existe vraiment, merci à l’auteur de nous le rendre perceptible. Si c’est vers ça que notre société marchande veut nous faire aller, si ce sont des individus comme ça qu’elle fabrique, il faut le savoir. Pour la combattre. Et comme le clame Paco Ignacio Taibo II, dans ce combat, « No me rindo ».


Heureusement, il existe tant de garde-fous ! Des plaisirs à partager gratuitement. Le bonheur de voir un chat s’étirer voluptueusement, le couteau qui tranche un gigot d’agneau cuit à point, peau craquante, chair rosée et tendre, Sarah Vaughan qui chante My funny Valentine, le rire d’un môme quand Ventura colle un bourre-pif à Blier, une colère de Montalbano, la limpidité de l’air, un matin, au démarrage d’une rando dans les Pyrénées, un verre partagé avec les amis, l’intro de Jumpin Jack Flash … et tant d’autres. Plaisir. Un mot qui n’est jamais employé dans le roman …


Bref, vous le constaterez, un roman qui interroge. Ce qui est un gage de qualité. Et un roman très désagréable à lire, très déstabilisant. La discussion est ouverte, j’attends vos réactions. Et éventuellement, s’ils passent par ici celles d’Aurélien Masson et Antoine Chainas que je me ferai un plaisir, et un honneur, de publier (si ça s’appelle pas un appel du pied …).


A vous tous.


Matthew Stokoe / La belle vie (High life, 2008), Série Noire (2012), traduit de l’américain par Antoine Chainas.

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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 18:42

Jusqu’à présent j’étais passé à côté des romans de Philip Kerr, malgré les critiques très élogieuses lues ici et là, en particulier à propos de la trilogie berlinoise. La sortie de son dernier roman, Hôtel Adlon était l’occasion de commencer à corriger cette erreur. J’avoue que je suis un peu resté sur ma faim …

 

Kerr1934. Bernie Gunther est un peu trop démocrate, pas assez nazi pour rester dans la police. Il trouve un poste de détective à l'hôtel Hadlon, l'un des plus beaux de Berlin. Un boulot souvent ennuyeux, parfois embêtant quand il faut fermer les yeux sur les éclats des nouveaux maîtres du pays. Mais un boulot sans risque. Jusqu'à l'arrivée de Noreen, superbe journaliste américaine, grande amie de la patronne de l'hôtel, qui veut montrer à l'opinion américaine ce que les nazis font aux juifs et faire ainsi pression pour que son pays boycotte les jeux de 1936. Le corps d'un boxeur juif retrouvé sans vie dans un canal pourrait faire une bonne histoire de départ. Bernie accepte de l'aider, parce qu'elle est très belle, parce qu'il s'ennuie, et parce qu'il aimerait bien porter un coup aux pouvoir. Sans se douter qu'il va mettre le pied dans un véritable nid de serpents …


Me voilà donc un peu déçu par Philip Kerr, pas aussi enthousiaste que ce que j’espérais. Ce qui ne veut pas dire non plus que je n’ai pris aucun plaisir. Je vais vous la jouer devoir appliqué de 2°.


Thèse : J'ai aimé la reconstitution historique, celle de la première partie, Berlin en 1934. On ressent bien l’ambiance berlinoise, la tension croissante, la violence de plus en plus ouverte des nazis et de ceux qui, par peur, lâcheté, intérêt ou adhésion se mettent à taper allègrement sur les boucs émissaires désignés. Et puis j’y ai appris pas mal de choses sur les magouilles qui ont entouré les JO de 36. Déjà. Corruption des membres du CIO (ou l’équivalent de l’époque), pots de vin liés aux constructions de stades, saloperies en tous genres envers les ouvriers … rien de nouveau sous le soleil me direz-vous, mais certaines choses gagnent à être dites. Et elles sont bien dites.


Antithèse : La seconde partie, en 54 à La Havane m'a moins convaincu. Intrigue un poil forcée, liens avec la première partie parfois tirés par les cheveux, quelques coïncidences un peu grosses, et puis la description est plus convenue, moins inattendue … Cuba, bordel de l'Amérique et tenue par la mafia, on le savait déjà ... Sur l’ensemble une autre critique : le recours dans la narration au jeu de mots et à la comparaison qui tue un peu systématiques, à la manière des voix off des privés hardboiled de cinéma. Un style qui peut passer, sur le fil du rasoir, mais qui peut rapidement devenir artificiel, et c’est parfois le cas ici (c’est du moins comme ça que je l’ai ressenti).


Synthèse : Je l’ai lu sans déplaisir, avec même un vrai plaisir par moment, mais sans pour autant arriver à m’enthousiasmer.


Philip Kerr / Hôtel Adlon (If the deadrise not, 2009), le Masque (2012), traduit de l’anglais (Ecosse) par Philippe Bonnet.

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