Au vu du titre et de la quatrième de couverture je m’attendais à ce que La maison des tocards de l’anglais Mick Herron soit une sorte de pastiche, un John Dortmunder chez les espions. Point du tout. Etonné je fus (je sais j’ai encore quelques échos de Camilleri). Mais point du tout déçu.
Le Placard. La hantise de tout agent du MI5. La relégation honteuse pour ceux qui ont fait une énorme boulette mais qu’on n’a pas pu virer. La perspective de passer le restant de sa vie d’espion de sa très gracieuse majesté avec d’autres tocards, à écouter des enregistrements mortels d’ennuis ou à trier de la paperasse pour écrire des rapports que personne ne lira jamais. C’est là que se retrouve River Cartwright après une grosse bavure lors d’un exercice anti-terroriste. Il est sous la direction de l’infect et mystérieux Lamb. Jusqu’au jour où, sur tous les sites et blogs du pays, apparaît la vidéo montrant un jeune homme cagoulé. Le message qui va avec est simple et clair : Il sera décapité dans 48 heures. L’occasion pour les loosers du Placard de servir enfin à quelque chose ?
On n’est donc pas dans une grosse rigolade à la Casino Royale. Non c’est un vrai roman d’espionnage, qualité britannique garantie : Vrais personnages, décorticage des mécanismes de la Grande Maison, intrigue complexe et mécanique d’horloger, résonnance avec les problèmes actuels (avec en particulier ici la paranoïa post attentats et de la montée de la bêtise et du racisme).
La seule différence avec un roman de John Le Carré ou Henry Porter est que l’auteur s’attache ici à des personnages mis en marge du grand jeu, relégués, oubliés et souvent humiliés. Des personnages avec plus de faiblesses que de forces, qui ont perdu confiance en eux. Des personnages au bord de la rupture. Des personnages pathétiques, émouvants et loin d’être aussi ridicules qu’on pourrait le supposer au vu du résumé. Victimes de la machine à broyer et des jeux de pouvoir. Des personnages de roman noir pour résumer.
Le roman y gagne en émotion. Un vrai grand roman d’espionnage à l’anglaise qui de plus apporte une touche originale et personnelle dans cette spécialité très britannique.
Mick Herron / La maison des tocards (Slow horses, 2010), Presses de la cité (2012), traduit de l’anglais par Samuel Sfez.