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28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 21:14

Burdett-Bangkok-8.jpgLa découverte de John Burdett avait été pour moi une immense claque. Bangkok 8, publié aux presses de la cité, et depuis repris en poche, est un véritable ouragan de vitalité, d’odeurs, de bruit, de fureur, d’énergie, de violence, d’humour … Les américains parlent d’un cinéma qui doit être « bigger than life », cet anglais au look si british, avec la complicité active de la ville de Bangkok, personnage à part entière de ce roman totalement hors norme, y parvenait d’une façon éblouissante. Craignant d’être passé à côté d’autres chef-d’œuvres de l’auteur, je m’étais immédiatement renseigné sur ses romans, pour apprendre que le précédent, Typhon sur Hong Kong, n’était plus disponible.

 

Il l’est aujourd’hui, grâce à Folio Policier qui le réédite.

 

L’inspecteur Chan travaille pour la criminelle de Hong Kong. Il suit ce qui pourrait bien être sa dernière enquête pour le compte de sa Très Gracieuse Majesté Britannique car, dans deux mois, l’île sera remise sous contrôle chinois. Une enquête hors normes, puisqu’il s’agit de découvrir qui sont les trois personnes qui ont été passées, vivantes, dans un hachoir industriel. Tâche difficile, les steaks hachés étant peu bavards, tâche d’autant plus difficile qu’entre les différentes triades, et le général Xian, de l’armée populaire de Chine, qui contrôle tout le trafic entre la République Populaire et les mafias locales et occidentales installées à Hong Kong, les coupables potentiels ne manquent pas. Pour corser le tout, Chan risque de ne pas être libre de ses mouvements dans une affaire qui se révèle rapidement à très haut risque diplomatique.

 

On trouve déjà, dans ce premier polar de John Burdett (du moins, je crois bien que c’est le premier), ce quiBurdett-Hong-Kong.jpg allait faire le succès des suivants : En premier lieu, la superbe description d’une ville asiatique monumentale, surpeuplée, survoltée, totalement hors norme pour le lecteur européen ; ensuite le choc des cultures asiatiques et occidentales ; tout cela lié par une intrigue solide, souvent insolite, qui multiplie les chausse-trapes. Pour finir, une galerie de personnages impressionnante, avec dans le premier rôle un flic qui préfigure Sonchaï Jitpleecheep, l’extraordinaire flic thaï de la série à venir (Bankok 8 et Bangkok tattoo): métis comme lui, abandonné par son père comme lui, incorruptible comme lui, excellent flic également.

 

La différence repose évidemment sur le lieu, et le moment historique, l’imminence du retour de Hong Kong dans le giron de la Chine pesant de tout son poids sur l’atmosphère de ce polar. C’est également ce qui fait la légère faiblesse de Typhon, par rapport aux suivants. John Burdett y défend une thèse, celle de sa vision de la Chine et de ses rapports avec le reste du monde. Il les défend de façon passionnée et appuyée, trop appuyée, ce qui fait parfois basculer son roman dans l’essai et le pamphlet. Dans les romans consacrés à Bangkok, tout passe, magnifiquement, par la narration, les dialogues ou les situations (souvent très drôles). C’est beaucoup plus efficace, et surtout beaucoup plus romanesque. Cela laisse la liberté au lecteur de tirer les conclusions qu’il veut, à partir d’une réalité bien entendu déformée par la vision de l’auteur. Typhon sur Hong Kong  n’est donc pas exempt d’une certaine maladresse, même s’il reste fort intéressant, en plus d’être très prenant, John Burdett, dès ce premier polar, s’y entendant parfaitement pour tricoter une intrigue. Un brouillon tout à fait recommandable avant la perfection ébouriffante des chef-d’œuvres suivants.

 

D’après le site de l’auteur, un troisième roman de la série Sonchaï Jitpleecheep, Bangkok haunts a déjà été publié en anglais. Vivement qu’il soit traduit.

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6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 10:47

J’étais au Congo, j’y reste, même si je change totalement de style.

 

John Le Carré, depuis ses premiers romans au début des années soixante, jusqu’à la chute du Mur a été La Référence en termes de roman d’espionnage mettant en scène le grand jeu entre les deux blocs. On pouvait se demander si le bouleversement géopolitique n’allait pas tarir son inspiration. Il a depuis largement répondu à cette question, et avec quel talent.

 

Alors que d’autres, comme Henry Porter ont utilisé comme champ d’écriture la lutte contre le nouvel ennemi numéro un (à savoir le terrorisme), John Le Carré semble avoir retrouvé le meilleur de son génie en démontant, avec une rage de jeune homme, les rouages des machinations de nos grandes multinationales, aidées par des états complices, pour mettre la main sur les ressources des pays du tiers monde. Son nouveau roman, Le chant de la mission est dans cette veine.

 

Le-Carr--.jpgLe narrateur est Bruno Salvador, fils naturel d'un prêtre irlandais et d'une villageoise congolaise qu'il n'a jamais connue. Elevé par des moines, il a fait preuve d’un don naturel pour les langues ce qui lui a permis de devenir interprète free lance. Remarqué par les services secrets britanniques il travaille parfois pour eux. Mariée avec une belle fille de la haute, il vit à Londres sans s’apercevoir que sa vie est devenue vide de sens. Tout bascule avec sa rencontre avec Hannah, belle infirmière congolaise dont il tombe amoureux, et qui ranime sa conscience africaine. Deux jours après sa rencontre, il est choisi pour servir d’interprète pour un week-end au cours duquel il doit aider un Syndicat aussi riche et puissant qu'anonyme à mettre d'accord des chefs de guerre congolais pour qu'ils aident un nouvel homme providentiel à apporter la paix dans ce pays ravagé par les conflits. Quand il s'aperçoit que le soi-disant plan de paix n'est qu'un avatar de plus pour piller un pays déjà exsangue, il décide de réagir.

 

Empruntant la voix du narrateur, sorte de caméléon qui a profité de son don des langues pour se croire anglais, John Le Carré se lance dans la description pleine de verve, de couleur, et d'indignation de la façon dont l'Europe, sous couvert de belles intentions humanitaires, continue à piller l'Afrique. Bien sûr, il n’écrit ni un pamphlet, ni un essai, mais un vrai roman d'espionnage, totalement nouveau dans le style, mais toujours aussi efficace et précis dans sa façon de démonter les rouages des machinations, et impeccable dans la montée de son suspense.

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26 octobre 2007 5 26 /10 /octobre /2007 18:53

 

D’après ce que j’ai compris, Louise Welsh a obtenu une excellente critique pour ce roman chez nos amis grands-bretons, et a récolté de nombreux prix pour ses romans. Cela voudrait donc dire que je serai passé à côté d’un excellent roman, ce qui ne serait pas la première fois, mais, souvent, j’arrive à mettre le doigt sur ce qui m’embête ; là non.

 

Le tour maudit met en scène William Wilson, jeune prestidigitateur assez talentueux pour vivre de son art, mais pas suffisamment pour percer réellement. Porté sur l’a bouteille et le jeu il est parfois obligé d’accepter d’utiliser ses talents à la limite de la légalité. C’est ainsi qu’il est assez content de pouvoir quitter Londres où il se sent un peu en danger pour Berlin. Dans le cabaret où il se produit, il va faire connaissance de Sylvie et du mystérieux Dix, deux américains escrocs sur les bords. De nouveaux ennuis en perspective.

 

L’intrigue est bien ficelée, navigant entre le présent de William et les différentes affaires qui lui ont valu les ennuis qui expliquent sa déchéance. Le suspense est savamment distillé, la tension va crescendo jusqu’à un final assez inattendu, même s’il peut sembler un peu forcé. Le monde de la magie et des cabarets, et l’ambiance des nuits berlinoises sont bien décrits. Et pourtant je n’ai pas réussi à m’intéresser à cette histoire et à ses personnages, et je suis arrivé au bout du roman sans passion ni frissons. Mystère.

 

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21 octobre 2007 7 21 /10 /octobre /2007 14:28

La Voix d’Arnaldur Indridason a gagné le prix du polar étranger de l’association 813. Fort bien. J’en suis ravi, c’est, comme les deux romans précédents d’Indridason un excellent roman. Je n’en parlerai pas ici car j’ai pu me rendre compte au fil de mes pérégrinations sur différents blogs qu’il est déjà connu et apprécié, et c’est mérité et tant mieux.

Pourtant, pour cette « élection », j’avais trois autres chouchoux (x comme choux, poux, hiboux … ?). Voici le premier d’entre eux.

Il est anglais, très jeune, et c’est son premier roman, écrit en fait comme mémoire de maîtrise. Incroyable mais vrai, il me l’a révélé lors d’un mini interview réalisé à Frontignan (festival inoubliable) en juin dernier.

Jeux d’enfants n’est pas un livre facile. Ce n’est même pas un livre que je conseillerai à n’importe qui. Mais c’est un roman qui a marqué tous ceux qui l’ont lu. Son narrateur est Jack. Jack ne s'appelle pas Jack. Pour les tabloïds anglais, depuis quinze ans, il est Boy A, le monstre qui avec Boy B avait torturé et tué Angela, une gamine de dix ans, quand lui-même n'était qu'un enfant. Depuis, Boy B a été « suicidé » en prison, et Boy A vient juste de sortir de prison, sous l'identité de Jack, et sous la protection de l'éducateur qui le suit depuis son incarcération. Jack va essayer de se créer une nouvelle vie. Il trouve un travail, se fait des copains, et tombe même amoureux de Michelle. Mais surtout, Jack vit dans la peur permanente d'être reconnu. Mais les tabloïds veillent.

Dans un aller-retour permanent entre le présent de Jack, et son passé, avant et après le meurtre, Jonathan Trigell concocte un suspense, une tension qui vont croissant, et prennent littéralement le lecteur à la gorge. Une double question obsède le lecteur jusqu'à la toute fin du roman: Que c'est-il réellement passé ce jour là ? Et Jack va-t-il vraiment pouvoir refaire sa vie ? La grande originalité du roman est de s'intéresser non pas à l'élucidation d'un meurtre, mais à la possibilité d'une réinsertion du meurtrier. Sa première force est d'avoir réussi à le faire avec autant de tension et de suspense qu'une traque classique. Mais ce n'est pas tout. Trigell dresse des portraits magnifiques, de victimes et de bourreaux, sans manichéisme, sans angélisme mais avec beaucoup d'humanité. Son roman est surtout une charge implacable contre une presse britannique pourtant montrée en exemple par ceux qui oublient que les journaux les plus lus sont aussi les plus orduriers. Leur rôle et l'ambiance de lynchage généralisé qu'ils alimentent dans une population prête à tous les préjugés sont dénoncés sans pitié.

Le lecteur sonné referme le bouquin avec cette question en tête : suis-je vraiment meilleur qu'eux tous, ceux qui lisent cette presse, et veulent la peau de Boy A ?

Allez jeter un œil à l’interview, et si le thème ne vous effraie pas trop, lisez ce roman bouleversant. A venir un autre outsider : Daniel Woodrell.

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25 septembre 2007 2 25 /09 /septembre /2007 21:53

Bill James est un auteur anglais assez méconnu en France. Sans états d’âme est le septième volume d’une série consacrée à deux flics, Harpur et Iles, publié en France. Mais l’ordre de traduction ne respecte pas l’ordre de parution en Angleterre, le premier sorti en France Retour après la nuit, étant le 10° de la série.

 

Ce volume laisse un peu les flics de côté, pour se centrer sur Ron Preston, le Stratège, un truand très prudent qui aime faire de petits coups, parfaitement préparés, et fuit comme la peste la mythologie du Big One, celui qui permettra de prendre sa retraite. Mais Ron a aussi des besoins : une famille à nourrir, une maîtresse avec un enfant à entretenir, une réputation à défendre …Et Ron commence à avoir des doutes : Et si sa fille et les petits jeunes avec qui il travaille avaient raison ? Et s’il se faisait vieux ? C’est pour battre ces doutes en brèche qu’il décide de maintenir l’attaque d’un transport de fonds bien que son informateur lui ait appris que le parcours a été rallongé, qu’il y aura trois fois plus d’argent à l’intérieur, et un convoyeur de plus. Mais malgré cela, Ron devient nerveux, et suspicieux. Et si c’était un piège ? Et si le terrible Harpur, le flic qui ne le lâche jamais était derrière tout cela ?

 

Le casse est un des thèmes classiques du roman et du film noir. On a bien entendu en tête Quand la ville dort (Asphalt Jungle), de William Burnett, porté magnifiquement à l’écran par John Huston, ou plus près de nous la série de Soderbergh, initiée par Ocean’s Eleven. Il vaut mieux oublier tout de suite ces références. Les truands de Bill James sont des gagne-petit, des besogneux du grand banditisme. Ils sont paranos, et l’équipe, loin des spécialistes à la Soderbergh rassemble un homme de main bas de front, un tonton gâteau qui raconte des blagues pour détendre l’atmosphère, deux jeunes fous qui oublient de réfléchir, et un vieux beau trouillard plus conformiste qu’un notable de province. Seule leur bêtise et leur trouille vont permettre aux flics, tout aussi limités, minables et totalement centrés sur leur petites personnes, de pouvoir contrecarrer leurs plans. Impossible de s’identifier, même un tout petit peu, à un des personnages, ils sont tous pathétiques. Pas de plan flamboyant, pas de destins tragiques, juste des petites vies, des petites envies, des petits boulots presque ordinaires, que Bill James dépeint avec le détachement et la froideur d’un scientifique regardant évoluer des insectes. La vraie vie grise et terne d’une petite ville de la province anglaise.

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