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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 19:32

Encore les excellents conseils de la miss de Bédéciné. Encore un superbe roman que je n’aurais jamais ne serait-ce que regardé sinon … Fendragon de Barbara Hambly.

Hambly

Dans les régions du nord, régions oubliées du reste du royaume, la vie est rude et on est bien loin des fastes de la cour. Gareth, jeune courtisan fasciné par les ballades y débarque pour chercher le sauveur du royaume : « Lord Aversin le Fendragon, Baron de la Place d’Alyn et Seigneur du Wyr, le plus valeureux chevalier qui fut jamais dans les Pays d’Hiver ». Un dragon ravage la contrée autour de la capitale, et tous les champions envoyés par le roi se sont fait proprement carboniser.


Sa surprise est grande quand, accompagné de Jenny Waynest, une sorcière qui lui a sauvé la vie en route, il découvre un homme mal vêtu, en train de discuter de l’élevage des porcs dans la boue. Ce n’était pas là le Fendragon qu’il attendait ! C’est pourtant lui, et avec Jenny, sa compagne, ils partent pour le sud, le Dragon et surtout les intrigues de la cour et Zyerne, l’éblouissante sorcière qui semble régner à la place du Roi.


Que ça fait du bien de la bonne fantazy pour adultes ! Jamais je n’aurais choisi (je me répète) ce roman sur une table de libraire sans Cathie. Et j’aurais eu tort. C’est délicieux.


Humour délicieux avec cette façon de mettre à mal les clichés, de sauter à pied joint par-dessus les passages imposés (lisez, vous verrez), de renverser les valeurs habituelles du genre (et non, ce n’est pas forcément Fendragon le personnage principal), d’amener une touche d’horreur et de boue là où on attendrait de la fantazy mignonne … un vrai régal.


Plus une réflexion sur la différence, l’étrangeté, mais aussi le pouvoir (qui, c’est confirmé, corrompt) et sur le pouvoir absolu. Je sais cette réflexion est présente dans n’importe quel roman de fantazy pas complètement con, à commencer par le Seigneur des Anneaux où Gandalf ne veut absolument pas toucher l’anneau, mais ce n’est pas une raison pour ne pas la saluer ici.


Des personnages réjouissants, avec une vraie salope (pardon), et des héros qui se révèlent, doutent, sont faillibles … J’ai une certaine tendresse pour le brave Fendragon qui me fait penser au grand Clint, peut-être parce qu’on le découvre les pieds dans la boue à discuter cochon (voir Impitoyable), ou pour son côté malin sous des dehors de brute …


Bref un plaisir, et qui plus est un plaisir intelligent.


Barbara Hambly / Fendragon (Dragonsbane, 1985), Points/Fantasy (2006), traduit de l’américain par Michel Demut.

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11 août 2014 1 11 /08 /août /2014 20:31

Je l’avais noté sur le blog de Biblio Manu, donc j’ai profité des vacances pour le lire : C’est L’impasse-temps de Dominique Douay.

Douay

Serge Grivat est un auteur de BD très, très terne. Plutôt trouillard, minable jusque dans ses infidélités, vraiment pas un super héros. Et pourtant, c’est à lui que revient, un jour, un drôle de briquet. Un briquet qui ne donne pas de feu, mais permet d’arrêter le temps pour tous, sauf pour lui. Le voilà lâché au milieu d’une ville, d’un monde immobilisé et à sa merci. Tout est à lui, les plus belles boutiques, les meilleurs restaurants, les plus belles femmes. Mais on le sait bien, toute médaille a son revers …

 

Très intéressant ce court roman. J’ai failli être agacé … Démarrage très bien. Découverte du pouvoir, avec l’effarement qui va avec très bien aussi. Les premières envies pour profiter et enfreindre les premiers tabous, c’est toujours bien, avec parfois une vraie imagination iconoclaste qui fait bien rire.


Et puis à un moment j’ai crains qu’on n’aille que vers une surenchère de plus en plus horrifique et grand-guignol, et juste au moment où j’aurais pu commencer à m’agacer … plaf ça bascule dans du beaucoup plus noir.


Et la fin est très forte. Donc un très belle fable, qui sait gratter là où ça démange, qui joue des clichés sans tomber dedans, qui déstabilise et fait rire jaune. En bref une réussite.


Merci Manu.


Dominique Douay / L’impasse-temps, Les moutons électriques (2014).

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8 août 2014 5 08 /08 /août /2014 20:11

Encore un conseil de Cathie, archiduchesse de Bédéciné : Avance Rapide de Michael Marshall.

Marshall

Stark est privé, un Marlowe du futur comme il le dit lui-même. Il vit dans le quartier Coloré. Et il est l’un des rares à connaître les autres quartiers de la Cité. C’est pourquoi c’est à lui que Zenda fait appel quand un haut fonctionnaire de Centre Action est enlevé. Pour cela et pour une autre capacité de Stark assez … étonnante. Mais disons qu’au départ tout semble facile, trop facile même. Et Stark sait bien que lorsqu’une affaire démarre trop facilement, c’est qu’une montagne d’emmerdes est en train de s’accumuler.


Est de la SF ? Certainement. Du polar ? Ben oui, avec un point de départ comme ça. Est-ce aussi autre chose ? Sans le moindre doute.


Un privé hard boiled comme narrateur, qui va en prendre plein la tête, déraper sérieusement hors la loi, être très border line, révéler des failles et un lourd passé … Bref le privé de roman noir dans toute sa splendeur.


Ajoutez un monde futur allumé, complètement différent, mais finalement pas si éloigné si on y réfléchit bien.


Rajoutez une dimension supplémentaire dont je ne dirai rien pour ne rien dévoiler de l’intrigue, et vos avez ce roman enthousiasmant, qui devrait embarquer sans problème les amateurs de SF qui n’ouvriraient jamais un polar, et les amateurs de polars qui n’iraient jamais voir du côté de la SF. Alors ne parlons pas des lecteurs comme moi qui adorent les mélanges !


C’est parfois très émouvant, souvent très juste, beaucoup plus actuel qu’on ne pourrait le croire,  toujours plein d’humour et d’énergie et en même temps assez glaçant à la réflexion.  Un vrai plaisir.


Michael Marshall / Avance rapide (Only forward, 1994), Bragelonne/Milady (2014), traduit de l’anglais par Ange.

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6 août 2014 3 06 /08 /août /2014 10:09

L’été c’est SF et fantasy … Généralement en suivant les conseils de l’incontournable Cathie Martin de Bédéciné. Voici donc Le dragon Griaule de Lucius Shepard.

Shepard

Immense, hors norme, mystique … Le dragon Griaule s’étend sur plusieurs kilomètres. Dans les temps anciens, un mage l’a vaincu sans arriver à le tuer entièrement. Depuis il végète, influençant ceux qui vivent dans son voisinage, flétrissant tout autour, corrompant tout. Des hommes essaieront encore de le tuer ou de l’exploiter, sans savoir que c’est lui qui les manipule. Six novelas retracent ici son influence entre le milieu du XIX° siècle et la fin du XX°.


Pour ceux qui douteraient encore qu’il existe une fantazy pour adultes …

On se fait prendre à ce recueil de textes comme les hommes se font prendre dans l’influence du dragon : plus on avance, plus on est englué, moins on peut lâcher le bouquin. Sa poétique, sa finesse, sa puissance se révèlent peu à peu, au fil des pages.


J’avoue avoir eu un peu de mal à rentrer dans le texte, mais je me suis ensuite complètement fait prendre. Manipulation, tromperie, vol, mensonge … le fait des hommes ou l’influence du dragon ? Si parfois le bestiau est directement impliqué, il est aussi à d’autres moments une excellente excuse. Et c’est cette ambiguïté qui fait un des intérêts de ce recueil.


Auquel il faut ajouter beaucoup de choses : Un style qui sait se faire lyrique ou inquiétant, poétique ou très terre à terre. Une maîtrise de tous styles de récits : récit historique, conte, procédural (avec même une belle novela dans le style des polars de tribunaux typiques des maîtres américains), policier avec ce qu’il faut de fausses pistes ou plus directement politique. Et tous parfaitement maîtrisés et menés.


Le dragon, symbole de la malignité des hommes est le liant, le fil directeur de ce recueil qui s’étale sur un siècle et demi et montre que, si les circonstances et les environnements changent, les comportements humains n’évoluent guère. Et pour ceux qui auraient des questions sur la portée politique et sociale du texte, une petite postface fort intéressante de l’auteur met les pendules à l’heure.


Une très belle découverte … Pour moi.


Lucius Shepard / Le dragon Griaule (The dragon Griaule, 1984-2011), J’ai Lu / Fantasy (2013), traduit de l’américain par Jean-Daniel Brèque.

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 14:36

Ca y est, les vacances sont là. Même si je vais encore au boulot tous les jours, je sais que les vacances sont là parce que j’ai attaqué un gros pavé qui n’est même pas du polar. Résultat, je suis complètement crevé. Parce que Chroniques des ombres de Pierre Bordage est salement addictif.

Bordage

Il y a eu une catastrophe, chimique et nucléaire. Ceux qui ont eu de la chance, ou plus précisément qui avaient du blé se sont réfugiés dans des mégalopoles surprotégées, de la pollution, des radiations et surtout de ceux qui sont restés dehors. Les murailles les protègent du dehors … et les enferment, la puce implantée dans leur cerveau les protège des dangers du dedans … Et les contrôle. Jusqu’à l’arrivée des Ombres, qui commencent à faire des milliers de morts dans le Cité Unifiée de NyLoPa. Les fouineurs ces enquêteurs équipés de biopuces spéciales sont sur la brèche, mais aucune piste n’apparaît.


Dehors, chez les horcites ravagés par les maladies qui survivent dans un monde de violence et d’obscurantisme, des Cavaliers de l’Apocalypse ont fait leur apparition. Ces guerriers qui semblent invincibles massacrent les clans et rasent les villes sans distinction et ne semblent avoir aucun autre but que la destruction.


Et si les deux événements, survenus à peu près au même moment étaient liés …


Putain de conteur ! Presque huit cent pages menées tambour battant avec un sens de la narration qui ne surprendra pas les fans de Wang, ou des Guerriers du silence, mais quand même ! Je me suis fait complètement piéger. Impossible de s’arrêter, pas un chapitre qui ne se termine en suspense intolérable, et sans que jamais le procédé ne semble forcé.


Souffle épique, suspense, sens de la construction, personnages attachants, puissance de l’imagination, Pierre Bordage n’a rien perdu de son talent qui en fait un des meilleurs conteur de la littérature française.


On retrouve également son humanisme, son côté messianique ou christique qui, parfois, peut agacer mais qui n’est absolument pas gênant ici, tant on est emporté par l’histoire. Et oui, je sais, on devine avant la fin ce qu’il se passe, oui, certains rebondissements sont un poil téléphonés … mais j’ai retrouvé le plaisir d’ado qui vibre aux trois mousquetaires, même accroche de feuilletoniste.


Donc vive Bordage !


Pierre Bordage / Chroniques des ombres, Au Diable Vauvert (2013).

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11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 11:09

Encore et toujours Kti Martin de Bédéciné qui m’a conseillé La magnificence des oiseaux de Barry Hughart, un roman que je n’aurais sans doute jamais, ne serait-ce que regardé, sans elle. Et j’aurais eu tort.

Hughart

Nous sommes en Chine, il y a fort longtemps. Dans le village de Kou-Fou, le jour de la « récolte » de la soie tissée par les vers, les villageois découvrent avec horreur qu’ils sont tous morts (les vers, pas les villageois). Pire, tous les enfants entre 8 et 13 ans tombent dans un étrange coma. Démunis les moines envoient Bœuf Numéro Dix, gentil colosse de 19 ans chercher de l’aide à Pékin. Il revient avec un étrange lettré, Maître Li qui, comme il le dit lui-même a « un léger défaut de personnalité ». Pour résumer, disons que Maître Li est fort intelligent, très vieux, plutôt ivrogne et pas toujours totalement honnête, pour ne pas dire filou de façon fort retorse. A eux deux ils vont vite découvrir l’origine de l’épidémie. Mais trouver le légendaire remède qui permettra de guérir les enfants est une autre paire de manche …


Délicieux ! C’est le premier mot qui me vient à l’esprit pour qualifier cette excellente friandise.


Humour, érudition, vivacité, rythme, émotion, belle langue … Si on était en Espagne je qualifierais volontiers ce roman de picaresque, mais nous sommes en Chine et je ne connais pas l’équivalent. Un vrai régal d’étude de caractères, d’intrigue au charme légèrement suranné, de mélange entre fantazy, mythologie et ancrage dans une réalité bien terrestre et bien matérielle.


C’est décidé, je vais aller de ce pas acquérir les volumes suivants pour avoir sous la main de quoi combattre les prochaine baisses de moral ou pour avoir quelque chose à lire après les romans bien noirs et bien déprimants qui ne devraient pas manquer cette année. Et je vous conseille de faire de même, il faudrait même voir si l’acquisition de ces romans ne peut pas être remboursée par la Sécu au titre d’excellents antidépresseurs.


Barry Hughart / La magnificence des oiseaux (Bridge of birds, 1984), Folio/SF (2013), traduit de l’américain par Patrick Marcel.

 

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4 janvier 2014 6 04 /01 /janvier /2014 10:16

2013 a malheureusement vu la disparition d’un géant de la Science Fiction, un auteur qui a sans le moindre doute renouvelé un genre pas toujours heureux, le space opera, avec sa série articulée autour de l’univers de la Culture. Il s’agit bien entendu du regretté Iain M. Banks, dont Les enfers virtuels est sorti en poche en 2013.

Banks

La Galaxie est vaste, les espèces que l’on y trouve variées et pas toujours très recommandables. Il semble pourtant plus ou moins admis un peu partout, et très particulièrement au sein de la Culture que la torture est une pratique barbare et inutile. Cela n’empêche pas certaines sociétés en mal de châtiments d’avoir inventé des Enfers Virtuels où les avatars des mauvais sujets sont virtuellement torturés pour l’éternité numérique. Un tel modèle a bien entendu généré ses anti-Enfers. Et une guerre, virtuelle, a éclaté entre les antis et les pros. Une guerre qui tourne à l’avantage des pros … Mais les antis semblent alors décidés à déplacer la guerre dans le Réel. Ce qui déplait à beaucoup de monde, et plus particulièrement à la Culture.


La série concernant la Culture est vraiment unique. Je ne suis pas un spécialiste de SF, loin s’en faut, mais je ne vois aucune autre œuvre d’une telle ampleur, qui soit à la fois aussi cohérente et aussi variée. Une fois de plus, on retrouve tous les éléments familiers de cet univers, tout en découvrant complètement un autre monde.


L’autre monde, cette fois, est celui des mondes virtuels, et de cet enfer digne des pires tableaux de Bosch (qui doivent bien avoir inspiré l’auteur). La force de Banks, une fois de plus, est d’arriver à nous parler de notre monde à nous, au travers d’un univers qui semble si lointain. Car quoi de plus actuel que ses digressions absolument délicieuses d’ironie et de lucidité sur le besoin de divin et de châtiment ? Quoi de plus actuel que son personnage de magnat richissime arrogant, puant, uniquement préoccupé par son fric, sa puissance, son ascendance sur les autres, sa possibilité de tout acheter, tout soumettre à ses désirs … Quoi de plus jouissif que le confronter ici à des représentants de la Culture qui, sans être des anges, loin s’en faut, mettent en lumière la puérilité de cette accumulation de richesse dans leur monde à eux qui a dépassé le besoin d’acquérir ?


Tout cela est déjà fort bon. Mais c’est encore meilleur quand on retrouve les vaisseaux et leurs Mentaux aux noms so british, c’est encore meilleur quand on retrouve l’humour si fin de Banks, c’est encore meilleur quand on croise ses personnages, si excentriques, si aliens, et pourtant si humains … Avec cette fois une palme pour un vaisseau et son Intelligence Artificielle appartenant à la branche de la Culture qui intervient, avec rapidité et efficacité, quand la diplomatie ne suffit plus. Ce vaisseau, catégorie Abominator (et répondant au doux nom de « En Dehors Des Contraintes Morales Habituelles ») est d’une méchanceté, d’un cynisme et d’une efficacité qui en font un des personnages les plus marquants de tout le cycle !


Un bon cru donc, dans une série très très au-dessus du panier, qui vous fera voyager pendant plus de 800 pages sans jamais vous ennuyer.


Iain M. Banks / Les enfers virtuels (Surface detail, 2010), Le livre de poche/Science Fiction (2013), traduit de l’anglais (Ecosse) par Patrick Dusoulier.

 

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28 décembre 2013 6 28 /12 /décembre /2013 17:07

Encore une lecture sur les bons conseils de l’incontournable Kti Martin. Encore un grand moment de lecture. Cap la Germanie, aux confins de l’empire roman avec Furor de Fabien Clavel.

Clavel

Le légionnaire Longinus, le centurion Marcus, le tribun Caius Ponius, et Flavia la germaine prisonnière du bordel qui suit l’armée s’enfoncent, avec trois légions dans les forêts de Germanie. Menée par Varus cette expédition va se révéler un désastre. Trois légions anéanties par les tribus Chérusques, la pluie, le froid, et l’étrangeté de la grande forêt du nord. Parmi les survivants, les quatre narrateurs croient que leur seule possibilité de survie est de retrouver cette étrange pyramide noire entraperçue par certains quelques jours avant la bataille. Une pyramide autour de laquelle vivent les Oxiones, des gens calmes, pacifiques et étrangement distordus …


On a l’habitude des récits terrifiants de la grande guerre, des vétérans du Vietnam … On en oublierait presque que de tout temps la guerre a été une saloperie sans nom, une boucherie, une machine à faire souffrir au delà de l’imaginable.


Fabien Clavel nous montre que la guerre et la souffrance remontent à la plus haute antiquité (suivant la formule bien connue de je ne sais plus quel humoriste, Alexandre Vialatte, Pierre Dac ou Bernard-Henri Levy).


La première partie du récit qui nous fait suivre des légionnaires aveuglés par la pluie, apeurés par une forêt qu’ils ne comprennent pas, harcelés par des attaques incessantes, est d’une puissance d’évocation impressionnante. On se sent couvert de boue, épuisé, terrifié avec les narrateurs. De petites touches d’étrangeté viennent parsemer le récit. Et l’auteur a l’habileté et l’intelligence de mettre cette pointe de SF au même niveau que les différentes croyances des soldats romains. Très bien construit et écrit !


La deuxième partie, qui quitte le roman historique pur est là aussi d’une grande puissance d’évocation, très originale et suffisamment cohérente pour ne pas laisser un lecteur frustré de ne pas avoir de semblant d’explication. On sait ce qu’affrontent les personnages, on tremble pour eux, mais on ne saura jamais comment c’est arrivé là. Et cela n’est pas gênant.


Je me doute que vous ne comprenez pas forcément tout ce que je raconte, mais je ne peux pas en dire plus sans trop en révéler. Donc il ne vous reste plus qu’à lire ce roman envoutant et étonnant, à la fois érudit et imaginatif.


Fabien Clavel / Furor, J’ai Lu/SF (2013).

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14 décembre 2013 6 14 /12 /décembre /2013 14:19

Vous avez sans doute remarqué que je suis un inconditionnel de Terry Pratchett. Si je ne vous ai pas convaincus de lire ses aventures du Disque-Monde, je peux peut-être essayer avec Roublard, dernier livre paru, qui ne fait pas partie de cette série mais nous plonge dans le Londres historique de Charles Dickens.

Pratchett Roublard

Nous sommes à Londres dans les années 50. 1850. Roublard est un jeune homme débrouillard, un ravageur, ces jeunes qui fouillent les égouts de la ville et y trouvent leur substance (pas sous forme organique ! Ils cherchent ce que les gens perdent, pièces, bagues …). A l’occasion, mais vraiment à l’occasion, il peut lui arriver d’intercepter un objet juste avant qu’il tombe dans les égouts, dans une poche ou une maison … Ce soir-là, sous une pluie battante, il tombe sur deux sinistres individus en train de tabasser une jeune fille. Il leur tombe si bien dessus qu’il les met en fuite, et est recueilli avec sa protégée par deux hommes, un journaliste du nom de Charlie Dickens et son ami Henry Mayhew. Il ne sait pas que vient de commencer une aventure qui l’élèvera jusqu’au sommet du Royaume.


Pas de suspense, c’est un grand Pratchett, même s’il n’y a ni mages, ni sorcières, ni coffre à pattes.


A force de lire cet auteur, je crois que j’ai fini par cerner ce que j’aime tant chez lui.


Il aime les gens, profondément, et il les décrit avec tendresse. Enfin, il ne les aime pas tous. Et son empathie n’exclue pas une terrible lucidité. Qui lui interdit de se faire trop d’illusions sur la nature humaine et de tomber dans l’angélisme. Ensuite il est très fort pour analyser une situation, la comprendre, et en faire ressortir les côté absurdes, drôles, piquants ou émouvants. Pour finir, il sait mettre tout ça en musique avec un humour irrésistible. En plus, c’est un grand conteur.


Vous me direz, comme j’ai bien dû lire une bonne quarantaine de ses romans, il était temps que je comprenne pourquoi je les aime … Voilà, c’est fait.


Ici tous les ingrédients sont rassemblés. Et ils éclairent le reste de son œuvre. Difficile par exemple de ne pas s’apercevoir que Ankh-Morpork doit beaucoup à cette Londres du XIX siècle. On y trouve un Robert Peel, créateur de la police anglaise, qui évoque fort Vimaire, la description de la foule grouillante, bagarrante, vociférante et crasseuse de l’une rappelle celle de l’autre, et roublard a quelques cousins humains, nains, gnomes et autres du côté du Disque-Monde.


Un plaisir supplémentaire ici est de croiser quelques figures connues : Charles Dickens bien entendu auquel le roman est un fort bel hommage, mais également le barbier Sweenny Todd, la reine Victoria, pas franchement joviale … On entend même parler plusieurs fois d’un juif prénommé Karl qui tient des discours étonnants sur le travail, la richesse …


Comme toujours, la ville est magnifiquement décrite, les personnages immédiatement attachants, Roublard a un tel charisme qu’on aimerait bien le retrouver un de ces jours, les femmes sont … étonnantes et détonantes, l’humour est là, bref du Pratchett pur jus.


Terry Pratchett / Roublard (Dodger, 2012), L’Atalante/La Dentelle du cygne (2013), traduit de l’anglais par Patrick Couton.

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 23:34

En général j’essaie d’éviter d’aller voir Kti Martin à Bédéciné. Pourquoi ? Parce qu’elle est de trop bon conseil et que je repars avec des piles de bouquins dans mon sac à dos alors que j’en ai déjà d’autres piles qui attendent à la maison … Mais bon, régulièrement je craque. Et c’est comme ça que j’ai découvert The city & The city de China Mieville, incroyable polar-SF.

 

Mieville

Quelque part en Europe, deux villes qui n’en forment qu’une : Beszel et Ul Qoma. Deux villes imbriquées mais totalement séparées, deux villes qui partagent des rues, des parcs, mais dont les habitants ne peuvent même pas se regarder … C’est à Beszel que l’inspecteur Borlù enquête sur la mort d’une jeune femme inconnue découverte dans un terrain vague. Rapidement il s’avère que la morte était archéologue et qu’elle vivait à Ul Qoma. Donc il y aurait eu Rupture, et ce serait donc aux mystérieux et tout puissants agents de la Rupture de régler cette affaire, eux qui interviennent dès qu’un citoyen d’une des villes ne respecte pas la stricte séparation. Mais rien n’est aussi « simple » et Borlù va se trouver pris dans un jeu de pouvoir et d’influence qui le dépasse complètement et va mettre à mal ses certitudes … et celles du lecteur.


J’ai entendu un fois Francis Mizio dire que si un auteur de polar se devait d’être un coureur de demi-fond de l’imagination, les auteurs de SF eux étaient des marathoniens. Difficile de trouver une meilleure illustration de cette boutade.


Ce n’est pas tout d’avoir cette intuition d’une ville coupée en deux mais « tramée ». Encore faut-il avoir la cohérence, la puissance d’imagination et l’intelligence pour mener l’idée dans ses derniers retranchements. Et c’est ce que fait China Mieville ici.


A partir d’une idée qui peut s’inspirer de villes réelles comme Berlin ou Jérusalem, mais aussi de découpages moins physiques, plus sociologiques, comme celui mis en scène par Neil Gaiman dans Neverwhere (au fait il faut absolument lire Neverwhere de Neil Gaiman), l’auteur invente un système absurde, ahurissant, et exploite son idée jusque dans ses ultimes conséquences, géographiques, sociales, politiques, psychologiques … Et tout ça dans un polar à l’intrigue impeccable.


Là où il fait encore plus fort, c’est que cette ville est inscrite dans notre monde, que dans ses deux parties on reconnait des bouts de choses existantes, qu’il a réussi à tramer son imaginaire et notre monde, de façon si inextricable qu’il devient impossible de démêler invention et réalité.


Là où il fait encore plus fort c’est que, à la réflexion, je suis bien en peine de dire ce qu’il y a de SF ou de fantastique dans ce roman … l’ensemble créé est sans conteste imaginaire, mais quasiment aucun de ses composantes ne l’est, ou presque. Et les ressorts finaux de l’intrigue sont très terre à terre malgré un environnement étonnant.


Je ne sais pas si je suis clair … ce que je peux dire c’est que c’est fin, c’est intelligent, c’est superbement construit … Et en plus de se révéler un marathonien, il sait sprinter sur les derniers chapitres pour un final bluffant. ET que les personnages et les descriptions sont superbes, et qu’il y a du suspense et des coups de théâtre …


Bref, lisez-le, et merci Kti …


China Mieville / The city & The city (The city & The city, 2009), Pocket/Thriller (2013), traduit de l’anglais par Nathalie Mège. 

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