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14 janvier 2013 1 14 /01 /janvier /2013 22:38

Je sais, Noël est passé, mais ce n’est pas une raison pour ne plus se faire de cadeaux. Pour Noël, justement, j’en ai eu un superbe (que j’avais un peu sollicité il est vrai).

Si vous passez par ici régulièrement il n’a pas dû vous échapper que j’ai un gros faible pour Maester, créateur de la géniale Sœur Marie Thérèse des Batignolles (et il y a plus longtemps d’Athanagor l’obsédé sexuel non pratiquant). J’adore son blog, la qualité de ses dessins, l’humour un rien potache de ses jeux de mots (ce qui prouve qu’il reste jeune, et moi avec puisque ça me fait rire). Et également, ne le cachons pas, les valeurs qu’il défend, et ses positions politiques.

Bref, tout ça pour dire que j’avais repéré l’album qu’il a consacré avec des amis caricaturistes à des portraits d’acteurs de western. Parce qu’en plus j’adore le western ! Il s’appelle Wanted !, il est donc signé Maester, Achdé, Borot, Coquelet, Da Costa, Lebeltel et Mulatier. On ne le trouve pas en librairie mais on peut (et on doit) l’acheter sur le site de la maison d’édition Valentine.

wanted-caricature-western

Et pourquoi donc doit-on l’acheter ? En premier lieu parce qu’il est beau, magnifique même. Caricatures superbes, beau papier, choix judicieux des dessins, variété et en même temps cohérence … Disons que pour quelqu’un qui aime autant John Ford que Sergio Leone, James Stewart que Clint Eastwood et Jack Palance que Lee Van Cleef c’est un vrai régal.

Ensuite parce qu’il donne envie de se précipiter sur sa collection de DvD et de se revoir une bonne vingtaine de westerns.

Enfin (et surtout ?) parce que c’est un excellent vecteur de lien social. J’explique : Depuis que je l’ai, que je l’ai lu, feuilleté, admiré tout seul dans mon coin, ensuite je l’ai partagé. Les mômes se sont enthousiasmés « c’est John Wayne et celui qui boit dans Rio Bravo ! », « Ils sont géniaux le bon la brute et le truand ! » « t’as vu comment il lui a fait la tête à partir d’un carré ! C’est pour une poignée de dollars ou pour quelques dollars de plus ? », « c’est qui celui-là ? On l’a le DvD ? Pourquoi on l’a pas vu ? » etc … Et ensuite du café, de l’apéro ou du digestif, c’est aussi une mine de discussion inépuisable avec les collègues, copains, amis … on part du dessin ou de l’acteur, on cause du film, ce qui amène à évoquer une autre œuvre de l’acteur et/ou du réalisateur, à se passer des DvD … vecteur de lien social disais-je.

Voilà, donc si vous aimez le dessin et les westerns, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

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30 novembre 2012 5 30 /11 /novembre /2012 10:49

Chouette un nouveau western chez Gallmeister. L’assurance de ne pas être déçu. Le tireur de Glendon Swarthout est digne des autres titres de cette très belle maison.

 

Swarthout

 

JB Books est un survivant, la dernière légende de l’ouest en ce tout début de XX° siècle. S’il vient à El Paso, Texas, c’est pour y mourir. Atteint d’un cancer il se sait condamné et s’installe chez une veuve pour vivre ses derniers jours. Il n’y sera pas longtemps tranquille. Sa renommée est telle que, malgré son envie de rester anonyme, tout monde en ville sait qu’il est là, et qu’il est mourant. Curiosité morbide, rapacité, et envie de faire un carton sur la dernière légende d’un pays qui se « civilise » définitivement, les vautours se pressent sans même attendre que la carcasse ne refroidisse. Ils devraient se méfier, JB Books a l’intention de partir en beauté.


Waouw ! Ca c’est du western ! Quelle claque. Et pourtant, quelle accumulation de clichés : le tueur sans pitié mourant qui veut finir en beauté, la fin d’une époque, la chute des derniers géants et l’avènement des « boutiquiers », la veuve digne au grand cœur … On l’a vu, lu des dizaines de fois. Mais, pour quelqu’un élevé au biberon du cinéma américain, quel western peut encore prétendre ne pas être cliché ?


Après, tout ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Et là l’auteur en fait du bon, du très bon même. On est dans le genre noir, très noir, plus que crépusculaire.


La force essentielle du roman vient de l’intransigeance de l’auteur qui ne nous épargne rien. Ni la souffrance et la décrépitude du tueur, ni la mesquinerie des nains qui, avant même sa mort, viennent tenter de se partager sa dépouille. Dans cette grisaille, cette misère humaine, cette indignité, deux personnages sortent du lot.


JB Books lui-même, qui jette une lumière noire mais éblouissante tant il semble au dessus de l’époque mesquine et matérialiste qui est en train de surgir, et sa logeuse, femme forte, femme de principe qui sait reconnaître une erreur et faire preuve d’empathie et d’un minimum de valeurs morales. Les autres sont tous plus pourris, plus minables, plus écœurants les uns que les autres.


Et quelle scène finale ! Tout le roman converge vers cette confrontation. On l’attend, forcément, et on aurait pu être déçu. Il n’en est rien, elle est encore plus époustouflante, sanglante et terrible que tout ce que l’on pouvait imaginer. A la fois originale dans sa brutalité froide et classique dans son déroulement. On a tout ce qu’on espérait, et bien plus encore.


Une scène d’anthologie qui couronne comme il le mérite un grand roman.


Glendon Swarthout / Le tireur (The shootist, 1975), Gallmeister/Totem (2012), traduit de l’américain par Laura Derajinski.

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19 mai 2012 6 19 /05 /mai /2012 16:38

taibo Sandokan

Je savais depuis longtemps que Paco Ignacio Taibo II avait en train sa version de la suite des aventures de Sandokan. Ceux qui trainent ici savent que je suis un inconditionnel du parrain du polar latino-américain, et un fan de Sandokan (découvert justement chez Taibo) sous toutes ses formes. J’avais acheté la VO lors d’un passage chez les copains de Negra y Criminal à Barcelone. Le premier chapitre était prometteur, mais j’avais eu la flemme de poursuivre en espagnol.

 


Vous imaginez donc ma fébrilité quand la traduction est enfin sortie en français … Mais j’ai réussi à attendre, à patienter, à le laisser trôner sur ma table de chevet … Et puis j’ai craqué. Voici donc Le retour des Tigres de Malaisie, plus anti-impérialistes que jamais.


Sandokan et Yañez, les fameux Tigres de Malaisie se sont fait oublier. Depuis de nombreuses années, plus personne n’a entendu parler d’eux, bien qu’ils aient été signalés en Amérique du Sud, à Paris, en Chine … Mais voilà que leur réseau se réveille, qu’ils sont appelés par de vieux amis recasés, et qu’il semble qu’on menace leurs vie et leurs bien. Un groupe, une sorte de secte, semble bien décidé à les supprimer. Amis assassinés, comptes secrets confisqués, articles mensongers dans les journaux …


Taibo tigresLes Tigres ne sont peut-être plus jeunes, mais celui qui croit qu’on peut leur tirer les moustaches sans risque se trompe lourdement. L’aventure recommence, qui va leur faire croiser un nain amical, échanger des lettres avec Engels, croiser Kipling, recueillir une amie de Louise Michel … et affronter un certain Moriarty. Entre autres choses.


C’est bien la suite des aventures de Sandokan, dans la lignée Salgari : rebondissements, combats, paysages exotiques, fureur de Sandokan, pièges, jungles mystérieuses, animaux féroces (qui ici, au lieu de se battre ont une activité plus … taiboesque). Mais c’est aussi et surtout du Taibo II. Parce que chez Salgari, Sandokan ne parle pas comme ça :


« Les religions rendent les hommes stupides, et quand elles se prétendent universelles c’est pire, elles les rendent universellement stupides, dit Sandokan »


Que les Tigres ont une philosophie de vie très PIT, celui qui ne se rend jamais et déclare qu’il aime les perdants flamboyants :


« Mais quelles que fussent leurs formes de croyance, tous les membres de l’équipage de La Mentirosa étaient adeptes d’une religion supérieure, la religion des Tigres de Malaisie, qui n’acceptait ni compromis ni négociations, un code d’honneur sur la façon de vivre et surtout sur la façon de mourir, qui ne souffrait pas d’exceptions. »


Et surtout, on n’imagine par ceci chez Salgari : Yañez, le Tigre blanc : « les gros mots n’existent pas. Seulement les mots. Les mots servent à nommer les choses, à exprimer les émotions. Et parfois, ils doivent être forts. Si les Espagnols sont si friands de l’expression « con ! », qui dénote la plus grande surprise, cela n’a rien à voir avec le réceptacle féminin que nous sommes quelques-uns à adorer, mon cher Germain puritain. Mais c’est par contre un gros mot de mal utiliser le mot liberté en le prostituant et en l’associant à « commerce » quand cela signifie en réalité spoliation, abus, pillage. Toutes choses pour lesquelles l’expression « merde de singe » est beaucoup plus adaptée. »


Double plaisir donc : Retrouver des personnages mythiques, retrouver l’exubérance, le baroque des aventures kitch, le pur plaisir de mômes. Et en même temps, avoir l’écriture de Paco Taibo, son énergie, son humour, son engagement déclaré et porté comme un étendard.


Jouissif de la première à la dernière ligne


Paco Ignacio Taibo II / Le retour des Tigres de Malaisie, plus anti-impérialistes que jamais (El retorno de los Tigres de Malasia, 2010), Métailié (2012), traduit du mexicain par René Solis.

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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 20:51

Deadwood de Pete Dexter, Lonesome Dove de Larry McMurtry, les rééditions d’Elmore Leonard … Il semblerait que les éditeurs français se soient décidés à nous faire découvrir un genre assez proche du polar : le western. Une nouvelle pierre incontournable est apportée à cet édifice avec la réédition chez rivages noir de Warlock de Oakley Hall.


HallWarlock, petite ville proche de la frontière mexicaine. En cette fin de XIX° siècle la ville est livrée aux exactions des cowboys de McQuown. Les shérifs ne durent guère. Soit ils fuient, soit ils se font descendre. Exaspérés, les citoyens « respectables » décident de se grouper en comité et de se cotiser pour embaucher un pistolero connu pour faire respecter l’ordre. Ce sera Clay Blaisedell, qui a déjà fait le ménage dans une ville proche. En même temps, dans la mine d’argent voisine, la tension monte entre des mineurs qui voudraient s’organiser pour faire respecter un minimum de droits et l’administrateur de la compagnie qui ne veut rien lâcher et les traite comme du bétail.


Roman choral, roman complet, roman grandiose, western en même temps que roman noir social, chronique de la fin d’un mythe et d’une époque, roman de transition, roman d’apprentissage, et bien d’autres choses encore.


Une histoire superbement racontée, avec des péripéties, des duels au petit matin, des chevauchées, un héros plus grand que nature mais en même temps fragile, tous les personnages que l’on attend quand on aime les westerns (le juge alcoolique, le marshal champion pour dégainer, la jeune ingénue dont il tombe amoureux, le joueur, l’ancienne prostituée, les affreux …).


Un hommage au classiquissime Règlement de compte à OK Corral, mais en étant beaucoup plus riche et beaucoup plus complexe et complet.


La description des conflits sociaux, comme un avant goût des grands romans noirs de la période des années vingt-trente, le début des syndicats américains, et en parallèle le début des milices de briseurs de grève (et de grévistes) comme le seront les Pinkerton.


J’y reviens, des personnages inoubliables, tous inoubliables. Morgan le joueur, Clay le héros, Kate l’ex prostituée, Miss Jennie, terrifiante dans son rôle d’ingénue dévastatrice, le vieux et abominable Dad McQuown sont des archétypes maintes fois vus et revus (en particulier au cinéma) mais en même temps de vrais personnages complètement incarnés, complexes, humains. Ils illustrent bien la force incroyable du cliché quand un auteur talentueux sait se l’approprier.


Le récit de multiples luttes : entre les cow-boys et les citadins ; entre la loi de la jungle de l’ouest des débuts et l’ordre et la loi imposés par la « civilisation » ; entre le héros mythique, la figure hors norme et la force du nombre et l’organisation des gens « normaux » (et on rejoint là les thématiques de L’homme qui tua Liberty Valence) ; entre donc aussi les mineurs et le propriétaire (lutte des classes donc) …


Des scènes d’anthologie comme les nombreux duels, la bataille de Acme Corral, les scènes de foule (et en particulier les tentatives de lynchage), les scènes avec le général dégénéré, quelques assemblées de mineurs, et le final, magistral.


Il y a tout cela, et bien plus encore, dans Warlock.


« Le rôle de la fiction n’est pas d’exposer les faits, mais la vérité » lit-on à la fin du prologue. Et tout amateur de western sait déjà que : « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende. » Avec Warlock, Oakley Hall écrit la légende de l’ouest, qui devient vérité.


Oakley Hall / Warlock (Warlock, 1958), Rivages/Noir (2010), traduit de l’américain par David Boratav.

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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 22:22

Vive le western ! J’aime les films, et j’adore les romans, en particulier ceux qui ont démystifié l’iconographie hollywoodienne tout en lui rendant hommage. Après Deadwood de Pete Dexter, après les westerns d’Elmore Leonard, après Lonesome Dove, voici Incident à Twenty-Mile de Trevanian.

 

Trevanian1898, quelque part dans le Wyoming, la bourgade de Twenty-Mile se meurt doucement. Créée au moment où un filon d’argent a été trouvé dans les montagnes environnantes, elle a commencé à dépérir quand le filon c’est révélé moins riche que prévu. Maintenant elle ne s’anime que le samedi soir, quand une soixantaine de mineurs descendent claquer leur paye avant de repartir une semaine sous terre.

 

Un magasin général, une auberge, un bordel, un barbier, un maréchal-ferrant … Et c’est à peu près tout. C’est là que débarque Matthew, gamin paumé, fan des aventures de Ringo Kid, un peu menteur, un peu arnaqueur, qui va en peu de jours se rendre indispensable et tenter de gagner le respect des habitants. Pas de quoi faire une histoire … Jusqu’à l’arrivée d’un trio de tueurs menés par un psychopathe échappé de la prison de Laramie, qui va prendre le village en otage.

 

Je ne fais pas partie des admirateurs absolus de Trevanian. La sanction, déjà publié chez Gallmeister m’avait laissé une impression mitigée. La même que Shibumi lu il y a bien, bien longtemps … Pour faire court, si j’apprécie l’écriture et le talent de conteur de l’auteur, je trouve sa misanthropie dérangeante. Je n’ai rien contre les auteurs qui n’aiment personne. Ce qui me gène dans les deux romans cités c’est ce sentiment diffus que Trevanian se sent, lui, bien au dessus de la mêlée et de la vaine populace …

 

Bref tout ça pour dire que cette fois il m’a complètement conquis.

 

Parce que j’aime les westerns et qu’il y a ici tous les ingrédients : Village isolé avec son joueur malade et finissant, ses putes au grand cœur, ses lâches et ses hommes courageux, sa jeune première, son Kid qui arrive et la bande d’affreux qui vient dynamiter l’intrigue … Jusqu’à l’affrontement final.

 

Ingrédients que Trevanian utilise avec un grand respect pour le genre (ce n’est pas un pastiche), mais en les reprenant entièrement à son compte. Du coup, c’est quand même nettement plus sombre que chez John Wayne, les motivations des uns et des autres ne sont pas toujours pures, la méchanceté, le cynisme, l’hypocrisie règnent et la folie n’est jamais très loin.

 

La narration est, comme à l’accoutumée, parfaitement maîtrisée, en un crescendo implacable qui voit la tension monter peu à peu jusqu’à l’affrontement tant attendu. Une montée et un affrontement qui malgré leur apparent classicisme recèlent quelques belles surprises.

 

Et pour finir, contrairement aux romans précédents cités ci-dessus, si Trevanian sait se montrer sans pitié avec quelques personnages qu’il n’épargne pas, il fait également preuve d’une tendresse étonnante pour les brisés, les cassés de l’existence qui, au final, peuvent révéler une vraie force. Tendresse bien évidemment totalement dépourvue de sensiblerie ou de bons sentiments culcul, Trevanian reste Trevanian quand même !

 

Bref, j’ai adoré.

 

Trevanian / Incident à Twenty-Mile (Incident at Twenty-Mile, 1998), Gallmeister (2011), traduit de l’américain par Jacques Mailhos.

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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 19:52

Après les pirates, les cowboys et les indiens. J’ai fait durer le plaisir et retardé de quelques semaines la lecture de la suite de Lonesome Dove le western de Larry McMurtry. Les vacances, la plage … Quoi de mieux pour attaquer ce pavé ?

 

McMurtry 2

La fin du premier épisode a vu les différents protagonistes un peu éparpillés : Lorena, beauté fatale de Lonesome Dove enlevée par un indien renégat ; Augustus McCrae l’ex Texas ranger sur leurs traces ; le shérif July Johnson, son beau-fils et son adjoint sur les traces de sa femme Elmira … Pendant ce temps, Woodrow Call (lui aussi ex Texas ranger) et ses cowboys continuent leur route vers le Montana, terre encore vierge, à la tête de trois mille têtes de bétail. Et les choses vont commencer à sérieusement se gâter …

 

Autant le premier épisode prenait le temps d'installer un rythme, une atmosphère, autant le second démarre sur les chapeaux de roues. Les rounds d'observation sont terminés et la castagne commence pour de bon. Alors attention, ça tombe dru. C'est qu'il est rude et sans pitié l'ouest de Larry McMurtry. Les indiens n'y sont pas gentils, les blancs non plus. Les uns sont la plupart du temps misérables et crèvent de faim, ce qui les rend d'autant plus teigneux quand ils ont une arme à la main. Les autres sont impitoyables, la loi du talion règne et la place des femmes n'est pas toujours enviable.

 

Ce sont pourtant bien elles les personnages forts et lucides du roman, face à des hommes qui fuient leurs responsabilités et leurs erreurs dans l'action, la guerre et la recherche, permanente, d'une nouvelle frontière. Une fuite en avant qui ne peut se terminer que par un drame. N’imaginez pas pour autant que la vie des femmes est faite de miel et de roses. Ce sont elles qui assument les tragédies, les morts, les vicissitudes du climat, et qui payent souvent de leur vie le moindre moment de faiblesse.

 

C’est un monde sans folklore, sans clichés, sans angélisme (c’est particulièrement flagrant dans la description des indiens ; pas de gentil indigène en communion avec la nature ici, la misère et les mauvais traitements rendent méchant ou apathique, et la victime n’attend qu’une occasion pour se transformer en bourreau), un monde à un tournant, celui qui voit arriver la fin des légendes et l’arrivée des gestionnaires, dans ouest plus proche de celui de Deadwood ou des Portes du paradis que de celui des John Wayne, James Stewart et Gary Cooper …

 

La force de McMurtry étant de montrer à la fois la grandeur et les limites de ces légendes (comme Augutus et Woodrow) et de laisser entrevoir les bienfaits et … les limites de l’arrivée des gestionnaires. Bref une magnifique réussite, qui fait souffler le vent des grands espaces, sentir le blizzard et la chaleur écrasante, ressentir le désarroi des hommes, la force des femmes et toute la grandeur d’un pays en pleine mutation.

 

Larry McMurtry / Lonesome Dove épisode II (Lonesome Dove, 1985), Gallmeister (2011), traduit de l’américain par Richard Crevier.

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24 juillet 2011 7 24 /07 /juillet /2011 20:58

Me revoilà donc comme promis avec quelques chroniques dans me bagages. Et comme c’est les vacances, une récréation avec ce roman de pirates écrit par le touche à tout de génie qu’est Valerio Evangelisti. Ouvrez Tortuga, hissez les voiles sentez les embruns … le sang et les tripes.

 

Tortuga1685, après le roi d'Angleterre, c'est au tour de Louis XIV de faire une trêve avec l'Espagne et de retirer du même coup son soutien aux pirates de l'île de Tortuga. C'est pourtant à ce moment là que Rogerio de Campos, ancien jésuite devenu marin, n'a d'autre choix que de s'embarquer avec le Chevalier de Grammont, un des pirates les plus craints des Caraïbes. D'abord réticent, il prend vite goût aux batailles, aux massacres et aux pillages, dans ce qui semble bien être le chant du cygne des frères de la Côte. A moins qu'il ne fasse semblant, pour essayer, par la ruse et la traîtrise, de s'emparer d'une belle esclave dont il est tombé amoureux.

 

Oubliez Errol Flynn et Tyrone Power. Les pirates d'Evangelisti, tout comme les cowboys de Deadwood sont sales, puants, amochés, cruels, racistes, sans pitié … L'or leur importe moins que le pillage, la richesse moins que l'abordage, et ils préfèrent l'odeur du sang à celle des roses. Mais ils ne manquent ni de bravoure, ni de panache et, finalement, sont moins hypocrites que tous ceux qui, à l'époque (et encore maintenant), tuent, pillent et torturent sous divers prétextes (religion, civilisation … démocratie ?). Non les pirates de Tortuga savent ce qu'ils veulent : s'emparer de ce qui leur fait envie en écharpant celui qui le possède.

 

Pas de gentil pirate au grand cœur donc. Pas même le personnage principal, qui au départ peut apparaître comme une victime, mais ceux qui connaissent le grand Valerio et son goût pour les héros troubles et ambigus, quand ils ne sont pas de purs salauds (pensez à Eymerich ou à Eddie Florio l’immonde de Nous ne sommes rien soyons tout !) ne seront pas surpris.

 

Résultat, un roman plein de bruit, de fureur et de larmes, de sang et de tripes, mais un roman qui, assurément, ne manque pas de souffle et qui remet en tête les romans de Salgari (Grammont n’est pas sans évoquer son Corsaire Noir) et les grands noms que l’on croise au fil des romans et des films comme Henry Morgan, l’Olonnais ou Michel le Basque.

 

Valerio Evangelisti / Tortuga (Tortuga, 2008), Rivages (2011), traduit de l’italien par Sophie Bajard.

 

A noter pour les toulousains que Valerio Evangelisti vient de confirmer sa présence lors du festival d’octobre, et qu’il pourra parler de pirates avec Paco Taibo qui vient de publier sa version de la suite des aventures de Sandokan … encore l’influence de Salgari.

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30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 23:37

Parfois (souvent ?) on lit aussi un livre parce qu’il est publié chez un éditeur donné. Dans le cas qui nous intéresse (ou du moins qui m’intéresse) aujourd’hui c’est clairement le cas. Aurais-je ouvert Lonesome Dove (épisode 1) de Larry McMurtry s’il n’était pas publié chez Gallmeister ? Non. Aurais-je eu tord ? Oui.

 

McMurtry 01

Lonesome Dove, Texas, au bord du Rio Bravo (ou Grande suivant de quel côté on se place). En cette fin de XIX° il semble que l’ère des héros soit passée. Augustus McCrae et Woodrow Call ont été des héros, des personnages bigger than life. Rangers ils ont participé aux guerres contre les Comanches et à la lutte contre les bandits Mexicains. Maintenant ils végètent à Lonesome Dove, trou paumé écrasé de chaleur, où rien ne se passe. Alors quand Jake, lui aussi ancien ranger, vient leur promettre le Paradis pour les éleveurs de bétail dans le Montana, ils décident de repartir. Le temps de voler au Mexique quelques chevaux et un beau troupeau, et de recruter une équipe et les voilà en route. Une route qui se révèlera pleine de danger. Car en cette année 1880, le territoire est loin d’être entièrement pacifié et civilisé.

 

Avertissement au lecteur : Il faut accepter de prendre le temps de rentrer dans ce roman. Il faut accepter le rythme lent de l’auteur. Il faut dire qu’il ne se passe rien à Lonesome Dove, et que la chaleur écrasante n’incite pas à un dynamisme effréné … C’est le prix à payer pour rentrer dans l’ambiance, faire connaissance avec les personnages, s’imprégner de l’atmosphère, sentir les rapports entre les gens, commencer à apprécier l’humour de l’auteur … Et une fois qu’on est bien installé, ça démarre. Lentement, puis de plus en plus fort.

 

Au point que lorsqu’on arrive à la fin de ce premier épisode on est complètement accro. D’autant plus que l’auteur nous laisse en suspend, avec tous ses personnages (ou presque) suspendus du bout des doigts au bord de la falaise, et le méchant qui approche pour leur écraser la main …

 

Et puis quelle description d’un Ouest (ou d’un Sud) loin, bien loin des clichés et des images hollywoodiennes (que j’adore par ailleurs). Rude, crade, rustre, sans foi ni loi (ou du moins avec très peu de loi, et encore moins de foi), sans éducation, plus proche de Deadwood (de Pete Dexter) ou du True Grit des frères Coen que de la classe de James Stewart ou de Gary Cooper … Un monde que le roman dépeint dans toute sa dureté, dans l’âpreté de ses rapports de force, ce qui en fait, en plus d’un western, un véritable roman noir historique.

 

Larry McMurtry / Lonesome dove épisode 1 (Lonesome Dove, 1985), Gallmeister (2011), traduit de l’américain par Richard Crevier.

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24 octobre 2009 6 24 /10 /octobre /2009 22:47

J’ai déjà dit tout le bien que je pensais des nouvelles westerns d’Elmore Leonard et . L’homme au bas de fer vient clore en beauté ce magnifique et indispensable travail d’édition.

 

Je pourrais réécrire ici ce que j’ai déjà écrit dans les deux précédents articles. Dialogues impeccables, sens de la narration, personnages magnifiquement croqués en quelques phrases, contenu social très proche des meilleurs romans noirs … On retrouve son empathie pour les victimes, sachant que dans cet ouest sauvage, toute personne présentant une faiblesse, réelle ou supposée (enfants femmes, métis, mexicains, pauvres …), est considéré comme une victime potentielle. On retrouve aussi sa façon très jouissive d’en faire des victimes qui, loin d’être consentantes, finissent souvent par botter le cul des bourreaux.

 

Mais tout cela je l’ai déjà dit. Il est étonnant de constater à quel point il maîtrisait parfaitement son écriture dès ses premières œuvres (puisqu’on apprend dans une préface fort intéressante qu’Elmore Leonard a commencé à écrire avec ces nouvelles). Intéressant aussi de noter qu’il lui était reproché à l’époque d’écrire des textes trop sombres : « Ils trouvaient mes nouvelles trop dures, trop tendues, il leur manquait des moments plus légers ou plus comiques ». Ses westerns ont continué dans cette veine, et c’est en passant au polar qu’il a trouvé son ton comique …

 

Toutes les nouvelles de ce recueil sont réussies. Petite curiosité, on y trouve celle qui sera ensuite à l’origine de ce qui reste peut-être son western le plus connu : Valdez arrive !


Conclusion, à lire, comme les deux recueils précédents.

 

Elmore Leonard / L’homme au bras de fer, (The complete western stories of Elmore Leonard, 2004) Rivages/Noir (2009), traduit de m’américain par Robert Nicoud.

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23 janvier 2009 5 23 /01 /janvier /2009 21:28

Valerio Evangelisti, une fois de plus, là où on ne l’attend pas. On le connaissait auteur reconnu de science fiction avec sa série Nicolas Eymerich, versant dans le polar à coloration fantastique avec Pantera, héritier revendiqué du grand roman noir des origines avec Nous ne sommes rien soyons tout ! Le voilà historien, toujours noir et toujours social avec cette Coulée de feu, mexicaine.


16 septembre 1859, Brownsville, Texas - Mai 1890, Mexico. Telles sont les limites temporelles de ce nouveau roman. 30 ans d’histoire mexicaine au travers des destins d’une multitude de personnages. Marion Gillespie, veuve texane à l’ambition maladive, Margarita Magon, paysanne qui deviendra guerillera, Big Bill Henry, soldat sudiste de Robert Lee, âme damnée du futur président Porfirio Diaz, soldats français de l’empereur Maximilien, militants socialistes et anarchistes, chefs de bandes devenus caciques ou révolutionnaires, anciens rangers texans voyant dans le Mexique un terre où exercer leur violence, paysans, un gavroche mexicain, généraux, présidents, hommes d’affaire, ouvriers … Tous se croisent, s’aiment et se combattent, alors que le Mexique passe de mains en mains, de l’influence de l’Europe à celle des USA.


Commençons par un avertissement. Il vaut mieux n’attaquer ce roman que lorsque l’on est en forme, l’esprit vif et éveillé, avec un peu de temps devant soit. Parce qu’on se trouve face à plus de 400 pages à passer d’un lieu à un autre, d’un personnage à un autre, à avancer dans l’histoire par bonds de quelques mois, sans avertissement. Une fois qu’on a compris le principe, on suit, au début cela peut être déroutant.

Déroutant donc, mais ample et riche. Valerio Evangelisti, une fois de plus, se renouvelle, surprend, change de style et de cap. C’est à une immense et ambitieuse fresque historique qu’il nous invite. Une fresque pleine de fureur, de tripes, de bruit, de sang et de douleur.


Avec des personnages atroces, comme il sait si bien les mettre en scène. Dignes de Eymerich ou d’Eddie Florio. Mais également quelques figures exaltantes (qui ne seront pas épargnées pour autant). Car à l’image de ce que furent ces trente ans de violences, le roman est un immense casse-pipe.


C’est érudit, passionnant, plein de souffle et d’ampleur. C’est sanglant, noir, et plein d’énergie.  Evangelisti est aussi à l’aise dans la description à grand spectacle d’une bataille, ou de la prise d’une mine par des révolutionnaires que dans des scènes intimes entre mère et fille (intimes, mais pas forcément moins féroce). Il donne la parole aussi bien aux politiciens qu’aux paysans illettrés, aux pires racistes comme aux militants les plus éclairés, avec la même vérité.


Bref, c’est passionnant et brillant. Une petite suggestion quand même. Une liste des personnages en début de roman, et, en tête de chaque chapitre, une mention du lieu et de la date aurait facilité la lecture du roman.


En guise de clin d’œil, à deux reprises dans le roman des personnages parlent d’un certain Pantera. Et une dernière chose, impossible de classer le bouquin, à la fois western, roman historique, roman d'aventure, roman noir ... Un vrai Evangelisti.


Valerio Evangelisti La coulée de feu (Il collare di fuoco, 2005), Métailié (2009), traduit de l’italien par Serge Quadruppani.

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Présentation

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