Après Charlie Resnick et Frank Elder, John Harvey crée deux nouveaux personnages qu’il met en scène dans le premier roman de ce qui devrait devenir une nouvelle série : Traquer les ombres.
Cambridge. Stephen Bryan, jeune professeur homosexuel est retrouvé mort, sauvagement tabassé dans sa salle de bain. Les deux enquêteurs, Will Grayson et Helen Walker, suivent deux pistes : Soit un cambriolage qui a mal tourné, soit un ex amant qui n’a pas accepté la rupture imposée par Stephen. Sur l’insistance de Lesley, la sœur du défunt, il sont également amenés à se poser des questions sur le livre qu’il écrivait avant sa mort : Il s’agissait de la biographie d’une obscure actrice anglaise morte tragiquement bien des années plus tôt. Rien de dérangeant a priori, même si elle était apparentée à un des industriels les plus puissants de la région. A moins que Stephen n’ait découvert de vilains secrets …
« Et à chaque fois, je suis épaté par la finesse de son propos, la fluidité de la narration, l'élégance simple de sa prose. Voilà du John Harvey pur jus, du "classique" sans le convenu. » écrit l’ami Jeanjean dans son billet sur Moisson Noire. Pareil pour moi.
John Harvey, c’est la Rolls du polar anglais. Intrigue impeccable, sans effets mais sans la moindre faille ; attention portée à tous les personnages ; description de la société anglaise ; écriture limpide … C’est tellement évident qu’on oublie complètement que c’est écrit. Un peu comme Elmore Leonard, mais dans un autre genre. Ah, s’il était à la portée du premier venu d’être aussi classique sans être cliché, aussi apparemment simple sans être ennuyeux …
Pour en revenir à Traquer les ombres et à Will Grayson et Helen Walker, on est ici davantage dans la lignée Resnick que Elder. On retrouve le regard posé sur les dérèglements de la société anglaise, et en particulier sur la violence imbécile d’une partie de la classe ouvrière, paupérisée, déboussolée, à laquelle on a enlevé tout espoir et en même temps tout repère ; un regard qui explique, mais qui n’excuse pas la bêtise, la recherche d’un bouc émissaire facile, étranger, homosexuel, supporter de l’autre club. Une violence qui a son pendant, et son explication dans l’arrogance de la classe dominante, à l’abri de tout, y compris de la justice …
On retrouve également sa façon de mêler les enquêtes et les intrigues, quitte à les détricoter ensuite. On retrouve enfin et surtout son art de s’intéresser et de nous intéresser à la vie de tous les personnages.
John Harvey adresse en prime un clin d’œil à ses fans : au détour d’une visite à Nottingham, Will rencontre une certaine Lynn Kellogg, bien connue des lecteurs de la série Charlie Resnick.
Si le cœur vous en dit, vous pouvez poursuivre avec cette interview sur bibliosurf où l’on apprend que l’on retrouvera Will et Helen.
John Harvey / Traquer les ombres, (Gone to ground, 2007) Rivages/thriller (2009), traduit de l’anglais par Mathilde Martin.