Marcus Malte est un grand. Un très grand. Ceux qui ont lu Intérieur Nord savent déjà qu’il est aussi à l’aise dans le format novella (ces longues nouvelles ou courts romans) que dans celui du roman classique. Avec Cannisses il le confirme de façon éclatante.
Dans un de ces lotissements ou toutes les maisons se ressemblent, un homme souffre. Il vient de perdre sa femme, cancer, et se retrouve seul à élever deux jeunes enfants. En face, de l’autre côté de la rue, il observe à travers les cannisses une autre famille, heureuse. L’autre a toujours sa femme, la gamine a toujours sa mère. Pourquoi ? Pourquoi le malheur s’est-il abattu sur lui et pas sur eux ? Quelle justice en a décidé ainsi ? Est-ce qu’ils ne lui ont pas volé quelque chose ?
Dès le premier chapitre Marcus Malte vous prend aux tripes pour ne plus vous lâcher. Certaines religions, certains moralistes essaient de nous faire croire que la douleur peut rendre meilleur, plus compatissant ou plus fort. Conneries. La douleur rend méchant, la douleur rend égare, la douleur rend fou. Et les victimes ont vite fait de se transformer en bourreaux.
C’est ce glissement vers la folie auquel on assiste ici. On sent bien le début de la fêlure dès les premiers mots de la narration à la première personne. Et on la voit s’élargir, devenir fissure puis crevasse. Avec une apparence de normalité, une écriture « plate », sans grande envolée rageuse ou hystérique, une écriture qui colle parfaitement à cette apparence de normalité.
Un texte à la fois bouleversant et glaçant.
Marcus Malte / Cannisses, In8/Novella (2012).