Décidément le catalogue des éditions Asphalte est ambitieux, exigeant et éclectique … et en même temps cohérent. Cette fois Asphalte est allé nous dénicher une chronique de Lima par un nouvel auteur péruvien, Martín Mucha. Cela s’appelle Tes yeux dans une ville grise.
Résumer ce roman (ou cette chronique) est à la fois difficile et facile. Difficile car il n’y a guère de progression. Facile si l’on accepte de faire très court : Jeremias a grandi dans les quartiers pauvres de Lima, séparés des zones riches par un grand mur. Aujourd’hui, toujours pauvre, il a quand même réussi à aller à l’université. Tous les jours il traverse la ville en bus, et observe …
Normalement je n’aime pas trop ce genre de bouquins. Succession de tranches de vie sans lien apparent les unes avec les autres, succession de petits riens, pas de fil narratif, encore moins de tension …
Et pourtant là ça marche. Mystère de l’écriture ? De la construction ? Il est vrai que l’épilogue, a posteriori, redonne une véritable signification à ce qui se déroule sous nos yeux pendant tout le bouquin. Il est vrai également qu’à l’arrivée on s’aperçoit qu’on a un tableau d’ensemble d’une ville (Lima) et de sa société.
Une société et des individus qui semblent étonnamment dépourvus de repères, de valeurs, une génération tellement différente de celle des années 70 qui, partout en Amérique Latine se battait, armes à la main, contre les régimes militaires soutenus par l’ogre yanqui. Mais les années 90 sont passées par là, avec leur mirage de la consommation pour tous et leur entreprise de lavage de cerveau médiatique …
Cela donne un grand vide en même temps qu’une grande frustration et un désespoir qui ne sait pas vraiment comment s’exprimer et s’incarner. Et du coup une forme de violence difficile, voire impossible à combattre.
A la réflexion, un petit roman qui en dit plus qu’il n’y parait.
Martín Mucha / Tes yeux dans une ville grise (Tus ojos en una ciudad gris, 2011), Asphalte (2013), traduit de l’espagnol (Pérou) par Antonia Garcia Castro.