Le début d’année est très riche. Et parmi les livres à ne rater sous aucun prétexte, le dernier Deon Meyer, A la trace, un pavé (plus de 700 pages) qui risque de vous faire passer quelques moments de fébrilité, de ceux où vous essayez vainement de vous débarrasser d’un pote, d’un parent, d’un collègue … qui vous empêchent de vous replonger dans le bouquin en cours. Tout ça pour être désolés quand vous le terminez.
Milla, mère au foyer dans une famille aisée décide de plaquer un mari et un fils qui la méprisent. Elle trouve un travail de rédactrice à l’Agence de Renseignement Présidentielle au moment où celle-ci commence à s’intéresser de très près à l’agitation soudaine d’un groupe d’extrémistes liés à Al-Qaïda.
Lemmer, garde du corps privé de l’agence Body Armour est recruté pour accompagner le transport, soi-disant sans surprise, de deux rhinocéros noirs du Zimbabwe à une réserve privée en Afrique du Sud.
Mat Joubert vient de démissionner de la police du Cap et est entré dans la grosse agence de privés montée par un ex collègue. Sa première mission consiste à retrouver un homme, employé sans histoire de la compagnie de bus municipale, qui a disparu depuis quatre mois sans laisser la moindre trace.
Mais quel est donc le lien entre ces trois histoires ? Et que vient faire Lukas Beker, archéologue, dans cette mélasse ? Cela, seul Deon Meyer le sait …
Plus de 700 pages et pas une baisse de rythme, pas un moment de trop. Deon Meyer au sommet de son art qui convoque ici quelques-uns de ses anciens personnages pour ce thriller impeccable. Et c’est un des grands plaisirs de ce roman que de retrouver Mat Joubert de Jusqu’au dernier, Lemmer de Lemmer l’invisible , et même d’entendre évoquer Griessel du Pic du Diable et de 13 heures. C’est d’ailleurs un bon indicateur de la qualité d’un auteur, cette capacité à créer des personnages qu’on est tellement content de retrouver.
Une histoire excellente et des personnages attachants, voilà une bonne base. Mais comme souvent chez Deon Meyer, son roman offre encore plus. En plus de prendre un plaisir immense à l’intrigue, le lecteur voyage, apprend à connaître un pays contrasté, passe d’une banlieue chic au racisme feutré (pas trop feutré) à un parc en pleine nature, suit une enquête des services secrets après avoir roulé dans la brousse avec deux rhino à l’arrière du camion, lit des rapports de documentalistes pour suivre ensuite une scène d’action millimétrée … Le tout en toute fluidité, sans jamais donner l’impression de forcer le trait ou de faire quelque chose de difficile. Et pourtant, cela doit l’être, difficile, d’amener tout cela de façon en apparence aussi naturelle.
Au final, on a une image sociale, historique, économique, géographique, géopolitique, criminelle et politique du pays, alors qu’on a eu l’impression, tout le temps, de lire un thriller tiré au cordeau. Chapeau l’artiste !
Deon Meyer / A la trace (Spoor, 2010), Seuil/Policiers (2012), traduit de l’afrikaans par Marin Dorst.