Après Cocktail molotov, Jean-Paul Nozière poursuit sa peinture de la France des petites villes et des campagnes frappée de plein fouet par la crise économique avec Dernier tour de manège.
Quelque part dans l’est de la France, une petite ville et une campagne en pleine crise (je sais je l’ai déjà dit). Un taré s’amuse à éventrer des juments dans les prés. La gendarmerie … s’en désintéresse. Après tout ce ne sont que des bestiaux. Jusqu’au jour où la belle et pulpeuse Louise et son amant, Sakun dit le Viet, ancien mercenaire reconverti dans la récupération musclée des impayés, tombent sur une jeune femme attachée et bâillonnée dans une ferme éloignée. Un inconnu cagoulé l’a laissée dans cet état toute la nuit avant de trucider sa jument.
La gendarmerie se voit alors obligée de prendre l’affaire au sérieux, et Louise et Sakun, soupçonnés, se sentent obligés d’enquêter de leur côté pour se disculper. Ils vont découvrir que les trois vallées sont un véritable repère d’allumés, mystiques en peau de lapin, crédules de tous poils, faux voyants américains … et que si la plupart sont totalement inoffensifs, il traine aussi quelques véritables fous dangereux.
J’avais beaucoup aimé Cocktail molotov. On retrouve ici bon nombre de ses thématiques : à commencer par l’impact de la crise et de la pauvreté grandissante dans les provinces dont on ne parle jamais : ni banlieues médiatisées, ni grandes villes à la misère visible. Dans ces coins décrits par l’auteur la misère est cachée, honteuse, le désespoir n’en est que plus grand.
De retour aussi le thème de la folie et des personnages au bord de la rupture. Et l’on retrouve, comme dans le roman précédent, des figures originales, hors norme, insolites et attachantes.
Il m’a cependant semblé que l’intrigue est moins réussie. Les motivations du croquemitaine ne sont pas toujours claires, la cohérence (à l’intérieur de sa folie bien entendu) de ses actions pas toujours évidente …
Ceci dit, même en tenant compte de cette faiblesse, grâce aux qualités cités plus haut, l’ensemble est fort recommandable et ce défaut est heureusement rattrapé par un final saisissant et une belle conclusion.
Et puis, j’ai bien aimé cette forme d’hommage à Tonton Alfred. Phrase énigmatique qui ne trouvera son explication que si vous lisez le roman … A moins que je ne me sois complètement planté sur une des sources d’inspiration de l’auteur, ce qui n’est pas à exclure.
Jean-Paul Nozière / Dernier tour de manège, Rivages/Noir (2011).