Un nouvel espagnol, préfacé par Carlos Salem, ça ne se refuse pas. D’autant plus qu’avec Willy Uribe et Le prix de mon père on quitte la Catalogne, berceau du polar espagnol pour Bilbao et le pays Basque, beaucoup moins représentés à ce jour.
Ismael Ochoa n’est pas ce qu’on pourrait appeler un gagnant. La quarantaine, sans le sou, il a été rejeté par son père basque basquisant après s’être engagé dans la légion. Depuis, il a conduit des camions, traficoté ici et là. Il vient de passer quatre ans au Maroc quand il est obligé de revenir à Bilbao pour cause de différents avec les autorités locales …
Là, avec la complicité de son ex femme, il décide de faire chanter Julen Jauregui, un ami d’enfance qui a pas mal magouillé pour arriver à la position confortable qui est la sienne. Malheureusement, maître chanteur, comme le reste, ça ne s’improvise pas, et Ismael est mauvais en tout.
Voilà un roman avec lequel j’aurais été sans doute moins sévère si la quatrième de couverture n’en appelait pas à David Goodis, et la préface à Jim Thompson.
Parce qu’on est quand même loin du désespoir poétique de Goodis, ou de la noirceur parfaite de Thompson. Comme si derrière l’apparente simplicité de ces deux auteurs, il n’y avait pas un travail d’écriture, de construction de l’intrigue, de cohérence. Il ne suffit pas de mettre en scène des loosers plus ou moins attachants, plus ou moins cyniques, plus ou moins désespérés pour être Goodis ou Thompson. Et si le personnage principal est bien dans cette lignée, il y a (à mon goût) bien trop d’approximations dans l’intrigue et de manque de chair dans les personnages secondaires pour que la comparaison ne soit pas cruelle.
Ce qui est bien dommage car, à côté de cela, ce court roman a de belles qualités. A commencer par le personnage d’Ismael et un final inattendu et bien amené. Et surtout si certains personnages sont un peu bâclés, la ville de Bilbao elle est très bien décrite. Son évolution, son ambiance, les laisser pour compte de sa métamorphose : Bilbao est passée de ville industrielle, à ville sinistrée par l’arrêt de l’industrie lourde, puis le renouveau, pour certain, comme ville touristique et artistique).
Dommage donc d’invoquer des parrainages écrasants …
Je ne saurai trop vous conseiller, si vous décidez de tenter l’aventure, de ne lire la quatrième et la préface qu’après vous être fait une opinion sur le roman.
Willy Uribe / Le prix de mon père (Sé que mi padre decía, 2007), Rivages/Noir (2012), traduit de l’espagnol par Claude Bleton.