Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
Cette année le Marathon des mots invite Buenos Aires et ses auteurs. Dont les auteurs de polars. Il y aura donc une lecture éprouvante, celle d’une partie d’un roman d’Enrique Medina, Les chiens de la nuit. Comme j’aurai l’honneur de présenter cette lecture, je m’y suis replongé.
Mercedes, 15 ans et Mingo 18 vivent dans un bidonville de Buenos Aires. Elle est plutôt moche, il est plutôt fainéant, autant dire que leur avenir est bouché. Mercedes travaille comme bonne, et Mingo vole à la tire. Jusqu’à ce qu’il se fasse arrêter et connaisse l’horreur de la prison. A sa sortie il décide que leur seule façon de s’en tirer est que sa sœur se prostitue. Le mirage d’une vie meilleure (au moins pour lui), le début d’une descente de plus en plus bas, en enfer.
On est loin ici des Raul Argemi, Rolo Diez et autres Ernesto Mallo. Enrique Medina n’a pas eu, à ma connaissance, d’engagement à l’extrême gauche, il n’a pas pris les armes avec les guérilleros, s’il parle si bien de la prison et de la misère, c’est qu’il a passé de nombreuses années, dans les années 40-50, dans un centre où se côtoyaient enfants abandonnés et petits délinquants.
Ici pas d’intellectuel, de journaliste ou de psy, personne ne prend les armes ou la plume contre un régime ou pour défendre des idées, on est plongé, la tête la première dans l’enfer du sous-prolétariat argentin. Et ce n’est pas particulièrement rose. D’autant moins que l’auteur ne nous laisse pas respirer un seconde. De pire en pire, c’est l’impression que l’on a au début, et qui se confirme sur un peu moins de 200 pages. Pas besoin de faire plus long. C’est déprimant, désespérant, glauque, sombre à en pleurer. Comme dans un marécage, tout mouvement pour essayer de s’en sortir ne fait qu’enfoncer un peu plus Mercedes et Mingo. Et pourtant, très fugacement, on trouve quelques étincelles de « bonheur ». Toutes petites, et dont le faible éclat ne fait que renforcer les ténèbres qui suivent.
Un texte qui laisse une impression durable. Je ne sais pas si je dois vous le conseiller … Et je suis curieux de voir (ou d’entendre), ce que cela donnera à la lecture. Rendez-vous fin juin à Toulouse pour le Marathon des mots.
Enrique Medina / Les chiens de la nuit (Perros de la noche, 1984), L’atalante/ (2013), traduit de l’argentin par Claudine Carbon.