Quand j’ai vu annoncé dans les programmes des éditions Métailié un roman d’un certain Liam McIlvnney, j’ai fait un bond (un petit bond, mais un bond). Et je me suis précipité sur internet pour voir s’il avait un lien de parenté avec le grand (et trop méconnu) William McIlvanney. Il en a un, c’est son fils. C’est alors avec impatience que j’ai attendu Les couleurs de la ville, son premier roman traduit. Vous allez voir que, si le fils, à mon avis, ne vaut pas encore le père, ses débuts sont très prometteurs.
Gerry Conway est responsable de la rubrique politique au Tribune on Sunday, le journal de référence à Glasgow. Depuis quelques années il a misé sur Peter Lyons, jeune homme prometteur, déjà ministre de la justice et sur le point de devenir premier ministre. Mis quand un anonyme lui révèle des liens entre Lyons et les mouvements terroristes protestants d'Ulster, Gerry Conway voit l'occasion de marquer un grand coup et d'assurer son poste dans un journal en pleine restructuration. Son enquête va le mener jusqu'à Belfast, où même après des années de cesser le feu, la guerre est présente dans tous les esprits. Entre Glasgow et Belfast bien des surprises et bien des déconvenues attendent Gerry.
Débuts très prometteurs donc, même si j’ai une petite réserve. D’ailleurs commençons par là.
Je ne sais pas vraiment dire pourquoi, mais j'ai ressenti une certaine insatisfaction durant les deux premiers tiers du roman. Le genre de gêne difficile à décrire mais qui fait qu’on n’est pas forcément pressé de se remettre à la lecture, et qu’on se trouve, au moment d’ouvrir le bouquin, tout un tas de petites choses à faire (choses qu’on ignore complètement si, par exemple, on est plongé dans le dernier Deon Meyer, ou Antoine Chainas …). Peut-être un manque de profondeur des personnages secondaires, une certaine indifférence à ce qui leur arrive, une difficulté, parfois, à s'y retrouver dans leurs rôles à chacun, un certain flou dans la direction de l’histoire …
Fin de la réserve. Parce qu’à part cela, ce roman est très prometteur, comme annoncé plus haut.
Le fond est passionnant, surtout pour quelqu'un comme moi (et sans doute la plupart des lecteurs français) qui ne savais rien, ou pas grand-chose, des liens entre l'Ecosse et l'Irlande du nord, et des répercussions dans le vie politique écossaise de la guerre entre l'IRA et les paramilitaires unionistes. Le roman est bien construit, les informations arrivent de façon naturelle, sans que jamais l'auteur ne donne l'impression de faire un exposé, et sans jamais non plus perdre un lecteur peu au fait de cette histoire récente. On découvre tout un monde d’intolérance, de rancœurs, de guerres sourdes par procuration. On découvre qu’à Glasgow aussi il y a des querelles (pour ne pas dire plus) entre catholiques et protestants, que comme il y avait des circuits de trafic d’armes des US vers l’IRA il y en avait du Canada et d’Ecosse vers les unionistes …
Outre cette découverte, les séquelles physiques et psychologiques de la guerre d’Irlande du Nord sont palpables, comme dans certains romans de Ken Bruen et surtout d’Adrian McKinty, ce qui donne une vraie épaisseur au récit.
Pour les personnages, si certains, secondaires, sont peut-être un peu « bâchés », le personnage principal est bien campé et on sent que l’auteur connaît bien le fonctionnement des journaux, et en particulier de leur rubrique politique.
Dernier point positif, et non des moindres, la fin fait oublier les réserves et emporte tout dans une superbe succession de coups de théâtre (comme par hasard, je l’ai terminé d’un trait, sans pouvoir le refermer).
Un bon roman donc, très intéressant, auquel il manque peu de choses pour être une réussite totale.
Liam McIlvanney / Les couleurs de la ville (All the colours of the town, 2009), Métailié (2010), Traduit de l’anglais (Ecosse) par David Fauquemberg.