Les amateurs de polar, et en particulier de polar social commencent à connaître Larry Fondation. Il s’est fait connaître ici avec deux recueils de textes très courts, Sur les nerfs et Criminels ordinaires. Je me demandais dans ma chronique sur ce dernier, ce que donnerait cet auteur en passant à un format plus long. Dans la dèche à Los Angeles répond en partie à cette question.
Fish, Soap et Bonds sont potes. Ils vivent dans la rue à Los Angeles. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Avant, Bonds avait un restaurant qui a mis la clé sous la porte quand sa clientèle (des ouvriers de General Motors) s’est retrouvée au chômage. Soap a été mariée trois fois, avant un dernier divorce qui l’a mise à la rue. Fish on ne sait pas trop. Les trois sont copains, partagent le mauvais alcool, les squats, les rares chambres d’hôtel, quelques bons plans, beaucoup de galères. Quoiqu’il arrive, ils ne se séparent jamais.
Dans la dèche à Los Angeles répond donc en partie à cette question.
Il y répond parce qu’il a un fil conducteur et que l’auteur nous fais suivre ces trois personnages tout au long du roman. En partie parce qu’il se présente comme une succession de scènes très courtes, comme autant de fragments de vie. C’est, pour ce qu’on peut en juger en France, la façon qu’a choisi Larry Fondation pour « faire long ».
Mais finalement est-ce si important ? Ce qui compte c’est qu’une fois de plus Larry Fondation fait mouche, et qu’il va même sans doute accrocher avec ce livre des lecteurs qui auraient pu être un peu largués par les deux précédents recueils qui, il faut l’avouer, n’étaient pas toujours d’un abord très aimable et facile.
Comme dit la grande Tina dans sa version de Proud Mary, « we never do nothing nice and easy, so we will do it nice and ROUGH ».
En suivant ces trois paumés auxquels on s’attache immédiatement, Larry Fondation offre au lecteur un point d’accroche qu’il lui refusait dans ses précédents textes. Il est très facile, ici, de se sentir proche de Fish, Soap et Bonds, qui ont été « comme nous », qui aspirent finalement aux mêmes choses que nous (un toit, un peu de plaisir et de bonheur, un coup à boire avec les potes, un peu d’amour et d’amitié, quelqu’un à qui parler …) et pour qui c’est juste plus dur parce qu’un hasard de la vie les a jetés à la rue.
C’est d’autant plus facile que, comme dans ses textes précédents, Larry Fondation ne fait pas dans le larmoyant. Pas de pathos, pas de pitié mal placée, mais une grande humanité, de la clairvoyance, de la tendresse, de l’humour et une capacité impressionnante à donner une voix à ces personnages.
On les entend, on les voit, ça sonne juste, c’est drôle, révoltant, émouvant, rageant … c’est beau.
Larry Fondation / Dans la dèche à Los Angeles (Fish, Soap and Bonds, 2007), Fayard (2014), traduit de l’américain par Alexandre Thiltges.