Un premier roman passionnant à la série noire, celui d’une jeune auteur américaine Attica Locke, qui, si l’on en croit ce que l’on peut lire sur son site, a déjà remporté un beau succès critique chez elle. Il s’appelle Marée noire.
Houston Texas, au début des années Bush. Jay est noir et avocat. Peu de clients, pas toujours solvables, il a du mal à joindre les deux bouts, et se demande ce qu’il va devenir avec la naissance prochaine de son fils. De son passé d’activiste du mouvement des droits civiques il garde une peur permanente des policiers et de la prison. Ce soir là, pour l’anniversaire de sa femme, il organise une croisière sur le bayou qui traverse la ville. Croisière du pauvre, sur un bateau délabré, sur une eau sale, le long de quartiers déshérités … Jusqu’au moment où ils entendent le cris d’un femme, deux coups de feu, et le bruit d’un corps qui tombe à l’eau. Malgré sa peur, Jay plonge et sauve la vie d’une jeune femme blanche, visiblement terrorisée. Il la dépose devant un commissariat, pensant qu’il n’entendra plus parler d’elle …
Un solide premier roman passionnant à plus d’un titre.
A commencer par la richesse des thématiques brassées : On passe des années 70 et la fin des grands mouvements de contestation raciaux mais aussi sociaux, aux années 80 avec leur prédominance de l’économie et le laminage de la classe ouvrière (en commençant par les plus pauvres, à savoir … les noirs). On passe des manœuvres d’infiltration du FBI dans les mouvements contestataires des années 70 à la collusion du pouvoir politique et de l’aristocratie pétrolière symbolisée par l’arrivée des Bush au pouvoir.
Ces thématiques sont riches, lourdes de sens, et pourraient très facilement plomber le récit et lui donner des allures d’exposé. Il n’en est rien. Les allers retours entre présent et passé sont maîtrisés, naturels, jamais forcé. Les descriptions des mouvements passés et présents sont bien intégrées dans une intrigue parfaitement construite qui joue sur plusieurs niveau de suspense : le premier concerne l’histoire de la femme sauvée des eaux ; il est mêlé à plusieurs tensions secondaires qui viennent enrichir l’intrigue : concernant Jay et son passé, l’avenir de la grève de dockers dans une ville possédée par les grandes compagnies pétrolières ou le rôle de la Maire de la ville …
Des tensions d’autant plus palpables que les personnages sont réellement incarnés et que le lecteur ressent profondément leurs peurs, leurs traumatismes, leurs doutes et leurs attentes.
En bref, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.
Attica Locke / Marée noire (Black water rising, 2009), Série Noire (2011), traduit de l’américain par Clément Baude.