C’est la rentrée aussi chez Gallmeister. Avec une nouveauté, un nouvel auteur de nature writing. Génial. Je me suis donc précipité sur Animaux solitaires de Bruce Holbert que j’aurais vraiment voulu adorer. Mais non, à mon grand regret.
Nous sommes dans les années trente, quelque part dans le nord-ouest des US. Russel Strawl qui a été policier pour le compte de l’armée est retraité dans son ranch, et il s’ennuie ferme. C’est pourquoi il accepte de reprendre du service quand un shérif vient lui demander de trouver un tueur qui sème des cadavres soigneusement mutilés. Une traque s’engage, mais Russel sait qu’il est à la fois chasseur et gibier. Gibier car son passé de violences au service de l’armée fait de lui un suspect potentiel. Gibier car, comme il le dit lui-même, quand on part à la chasse à l’ours, il faut parfois être prêt à ce que l’ours aussi soit en chasse.
Voilà, j’ai attaqué ce roman tout à fait disposé à être emballé. Et ça a failli être le cas. Mais dans l’ensemble je suis plutôt perplexe.
Tout d’abord parce que du début à la fin je n’ai pas réussi à comprendre les motivations et les ressorts des personnages. Je suis peut-être bouché, ou c’est voulu, mais je ne vois aucune cohérence dans leurs actions. Et j’avoue que les quelques pages concernant leurs philosophies de vie m’ont parues assez fumeuses.
Ensuite j’ai trouvé qu’il y avait un manque de lien entre les différentes scènes du roman. Ce qui est fort dommage car grand nombre d’entre elles sont impressionnantes (j’y reviendrai). Mais j’avoue avoir eu du mal à relier un morceau de bravoure à l’autre.
Pour finir, je sais que les auteurs américains sont les champions du dialogue à double sens, à sens caché, à ellipse … Mais là c’est trop, j’ai souvent été complètement largué au point de sauter certains échanges, ce qui est un comble, car, comme le disait le grand Elmore Leonard, on n’a jamais vu personne sauter les dialogues dans un roman.
Et je regrette car l’écriture a une grande force, certains personnages, à commencer par Strawl sont particulièrement marquants, et surtout il y a des scènes inoubliables. Comme celle où il lâche un taureau fou de rage dans le bureau de la police tribale, ou le lever de soleil contemplé depuis un banc en haut d’un arbre. Des scènes qui révèlent une puissance d’imagination et d’écriture remarquable. A se demander si l’auteur n’aurait pas mieux fait d’écrire un recueil de nouvelles.
Bref, je suis dépité d’être déçu, et très désireux de voir ce que vous en avez pensé, et de lire comment vous le défendez ou faites part d’une perplexité semblable à la mienne.
Bruce Holbert / Animaux solitaires (Lonesome animals, 2012), Gallmeister (2013), traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias.