Un texte de Jean-Bernard Pouy, ça ne se refuse pas. Jamais. Ce Calibre 16 mm est donc le bienvenu.
Vincent Cortal est retraité de l’éducation nationale, veuf, et père d’un fils qu’il ne voit jamais. Pas de quoi écrire un roman. Ben si. Car un jour Vincent Cortal hérite d’une très ancienne connaissance, du temps de sa jeunesse cinéphile, quand il écumait les séances de projection de cinéma expérimental dans les années 60-70. Rien de palpitant, sauf que la personne qui lui fait ce cadeau est morte victime d’un tabassage, et qu’il se trouve à son tour dans la ligne de mire d’une équipe de gros bras. Tout ça pour une collection de films underground qui n’ont été vus que par une poignée de fans ?
Débarrassons-nous tout de suite d’une considération bassement terre à terre, mais qui ne peut manquer de venir sur le tapis : 11 euros pour 60 pages, même si l’objet est beau et la prose pouytesque à la hauteur, je comprends que cela en rebute certains. Mais je ne connais pas les contraintes de la très modeste (en taille) maison In8, et j’imagine qu’ils n’ont pas le choix.
Ceci dit, c’est du pur JB Pouy, et donc du pur plaisir. On se régale dès les premières lignes et tout au long des soixante et quelques pages (ce qui finalement ramène le prix du mot juste au bon endroit à un tarif bien plus intéressant que la plupart des thrillers formatés de plus de 500 pages … mais c’est un autre débat).
Du pur Pouy, cela veut dire qu’on se prend en pleine poire une érudition et une culture impressionnantes, mais que ce n’est jamais chiant ni pédant, mais au contraire toujours joyeux et enthousiaste. Cela veut dire aussi que l’intrigue est habilement troussée. Et cela veut surtout dire que l’écriture mêle de façon inextricable et absolument réjouissante les niveaux de langage, du plus poétique au plus trivial, le tout dans la même phrase. Comme elle mêle la culture la plus élitiste et la plus populaire dans le même paragraphe.
Exemples :
« Cela dit, elle ressemblait autant à Angelina Joly que moi à Brav typ ».
« C’était maintenant certain, je n’étais pas fait pour la campagne, pour la province, ou pour, comme on dit maintenant pour ne pas vexer la plouquerie dominante, les « régions ». […]
Ici, dans la campagne montargoise, il y avait un silence si épais qu’il m’empêchait de dormir. J’entendais tout, même le blaireau qui, en pleine nuit, pétait dans la forêt. »
Comme le coup d’œil et de griffe et l’analyse de nos sociétés et de nos comportements sont aussi justes et acérés que l’écriture, c’est un vrai régal. A déguster, lire et relire (tient, du coup, si vous relisez, ça fait pas loin de 130 pages …)
Jean-Bernard Pouy / Calibre 16 mm, In8/Polaroid (2013).