Si vous êtes un habitué de ce lieu, vous avez déjà entendu parler de Sonchaï Jitpleecheep, le flic de Bangkok imaginé par l’anglais John Burdett. Et vous savez que je suis fan. Il revient dans Le pic du vautour, et c’est toujours aussi bon.
Sonchaï continue à marcher sur une corde raide : difficile de conserver détachement bouddhiste et probité quand on est flic dans une des villes les plus corrompues de la planète. Encore plus difficile quand on a pour chef le colonel Vikorn, pourri jusqu’à la moelle, chef du 8° district, un des hommes les plus puissants de la ville, en guerre perpétuelle contre le Général Vinna, son grand rival militaire.
C’était déjà dur. Cela devient une véritable gageure quand Vikorn décide de briguer le poste de gouverneur et, sous l’impulsion de conseillers américains, place la lutte contre le trafic d’organes au centre de sa campagne. Voici donc Sonchaï en guerre contre les trafiquants, dont deux sœurs chinoises diaboliques. C’est à ce moment que dans le lotissement très sélect du Pic du vautour apparaissent trois cadavres dépecés de façon particulièrement experte …
Corruption, trafic d’organe, meurtre, dépeçage … le roman devrait être éprouvant, démoralisant, désespérant, voire dégoutant. La magie du couple Sonchaï / Burdett fait qu’une fois de plus, sans rien édulcorer, sans minimiser l’horreur et le sordide, on ressort de là avec la pêche. C’est proprement incompréhensible, c’est totalement ahurissant. Quand on pense un peu ce qu’on vient de lire, on se dit qu’on devrait être horrifié. Et de fait on est souvent scandalisé … mais avec le sourire.
Peut-être aussi cela marche-t-il parce que l’auteur est très équitable dans la distribution des coups de griffes (voire des coups de pied au fondement), loi du marché toute puissant, européens qui croient tout savoir, rivalités, conflits et incompréhensions entre chinois continentaux et de Hong-Kong, corruption thaïlandaise, morgue américaine … ne poussez pas, il y en a pour tout le monde.
Et puis il faut dire que le mélange d’humour très british et regard thaï sur le monde fait merveille. Ajoutez à cela, une énergie et, malgré toutes les difficultés, un plaisir de vivre communicatif et vous avez un livre qui vous laisse une impression de bonheur. Vraiment une réussite, une fois de plus, et un mélange absolument unique.
John Burdett / Le pic du vautour (Vulture Peak, 2011), Presses de la cité (2013), traduit de l’anglais par Thierry Piélat.