Encore une lecture sur les bons conseils de l’incontournable Kti Martin. Encore un grand moment de lecture. Cap la Germanie, aux confins de l’empire roman avec Furor de Fabien Clavel.
Le légionnaire Longinus, le centurion Marcus, le tribun Caius Ponius, et Flavia la germaine prisonnière du bordel qui suit l’armée s’enfoncent, avec trois légions dans les forêts de Germanie. Menée par Varus cette expédition va se révéler un désastre. Trois légions anéanties par les tribus Chérusques, la pluie, le froid, et l’étrangeté de la grande forêt du nord. Parmi les survivants, les quatre narrateurs croient que leur seule possibilité de survie est de retrouver cette étrange pyramide noire entraperçue par certains quelques jours avant la bataille. Une pyramide autour de laquelle vivent les Oxiones, des gens calmes, pacifiques et étrangement distordus …
On a l’habitude des récits terrifiants de la grande guerre, des vétérans du Vietnam … On en oublierait presque que de tout temps la guerre a été une saloperie sans nom, une boucherie, une machine à faire souffrir au delà de l’imaginable.
Fabien Clavel nous montre que la guerre et la souffrance remontent à la plus haute antiquité (suivant la formule bien connue de je ne sais plus quel humoriste, Alexandre Vialatte, Pierre Dac ou Bernard-Henri Levy).
La première partie du récit qui nous fait suivre des légionnaires aveuglés par la pluie, apeurés par une forêt qu’ils ne comprennent pas, harcelés par des attaques incessantes, est d’une puissance d’évocation impressionnante. On se sent couvert de boue, épuisé, terrifié avec les narrateurs. De petites touches d’étrangeté viennent parsemer le récit. Et l’auteur a l’habileté et l’intelligence de mettre cette pointe de SF au même niveau que les différentes croyances des soldats romains. Très bien construit et écrit !
La deuxième partie, qui quitte le roman historique pur est là aussi d’une grande puissance d’évocation, très originale et suffisamment cohérente pour ne pas laisser un lecteur frustré de ne pas avoir de semblant d’explication. On sait ce qu’affrontent les personnages, on tremble pour eux, mais on ne saura jamais comment c’est arrivé là. Et cela n’est pas gênant.
Je me doute que vous ne comprenez pas forcément tout ce que je raconte, mais je ne peux pas en dire plus sans trop en révéler. Donc il ne vous reste plus qu’à lire ce roman envoutant et étonnant, à la fois érudit et imaginatif.
Fabien Clavel / Furor, J’ai Lu/SF (2013).