Après Le prix de mon père, voici donc le second roman publié en France de l’espagnol (basque) Willy Uribe. Avec Nous avons aimé, il nous fait voyager de Bilbao au sud du Maroc.
Eder est riche, Sergio est pauvre. Les deux sont jeunes, surfeurs, les deux sont de Bilbao. Leur relation est malsaine dès le départ : Sa richesse permet à Eder d’avoir systématiquement le dessus et de décider de tout. C’est donc lui, un beau matin du début des années 80, qui décide de partir pour le Maroc et les vagues mythifiées du grand sud. Comme toujours Sergio va suivre, même s’il se doute qu’il ne sera pas uniquement question de surf, et qu’il est parti pour être le dindon de la farce. Et le voyage dégénère …
Je ne vais pas crier au chef-d’œuvre de l’année, mais je ne vais pas non plus bouder mon plaisir. Si les références à Thompson et Goodis m’avaient semblée un peu écrasantes pour le précédent roman, je trouve plus d’accents Thompsoniens dans celui-ci, même si on n’atteint pas non plus la puissance et la noirceur de ce grand ancien.
N’empêche qu’il est fort bien mené ce roman qui arrive à instiller petit à petit des zones d’ombre et des drames en préparation dans un récit de ce qui pourrait être le récit picaresque et détendu de la virée sérieusement alcoolisée et enfumée de deux potes surfeurs.
La tension monte, inexorablement, jusqu’à une première explosion, et le regard du lecteur sur les personnages, et en particulier sur le narrateur va changer, sans qu’il s’en rende compte, jusqu’à un final étonnant. Un narrateur qui se révèle alors fort Thompsonien … Mais je n’en dirai pas plus.
Si un peu plus quand même … Sans discours, sans démonstration et sans prêche, l’auteur démonte le mécanisme de perversion de deux jeunes, au départ pas forcément plus méchants que d’autres, qui finissent par tuer juste par lâcheté, par manque de valeurs et de repères moraux, par individualisme, égoïsme …
Bref une dérive géographique et morale fort bien orchestrée.
Willy Uribe / Nous avons aimé (Los que hemos amado, 2011), Rivages/Noir (2013), traduit de l’espagnol par Claude Bleton.