De Claude Bathany j’avais déjà aimé Last exit to Brest, polar fort bien ficelé se déroulant dans le milieu du rock à … Brest. Avec Country Blues, il quitte la ville pour la campagne. Mais pas la campagne verte et riante. Non, la campagne boueuse, glauque, avec les vieilles carcasses de tracteurs dans les cours de ferme, la crasse, le vide, et tout le blues qui va avec. Attachez vos ceintures … C’est parti.
Ca se passe en Bretagne. Ca pourrait se passer dans n’importe quel coin de campagne, à condition qu’il soit paumé. Irrémédiablement. Dans la ferme, les Argol : la mère, qui perd la tête et la mémoire, et les quatre enfants : Dany, le play-boy de cambrouse ; Cécile, lesbienne passionnée d’armes ; Jean-Bruno, qui a fait un peu de boxe ; et Lucas, totalement perdu qui ne communique avec le monde extérieur que par l’intermédiaire de sa poupée ventriloque. Ils se détestent, mais vivent ensemble, parce qu’ils ne s’imaginent pas ailleurs.
Plus deux fantômes : celui de la sœur jumelle de Lucas, assassinée quand elle était enfant, et celui du père honnis, Etienne, ancien chanteur à succès avant son suicide. Tous pataugent dans la boue, dans leurs haines, leur folies, leurs cauchemars … Jusqu’à ce que Flora, une zonarde venue de nulle part, fasse tout voler en éclat.
Waouw ! Noir c’est noir !! Quelle clique, quelle claque, quelle famille, quel village !!! On aurait pu croire ce genre de roman réservé aux américains, ceux qui nous décrivent des coins perdus et glauques au fin fond du Texas, des Appalaches ou du Nebraska. Ben maintenant on a ça aussi chez nous, en Bretagne, grâce (grâce ?) à Claude Bathany.
Une construction impeccable, qui donne successivement la parole aux différents acteurs du drame, présent et passé (le lecteur habitué se doutant bien que les fantômes vont s’inviter à la fête) ; une intrigue qui se met en place, petit à petit ; une galerie de personnages époustouflante ; une ambiance glauque et boueuse à filer le bourdon à une troupe de bonne sœurs en route pour Lourdes …
On sent, la folie, l’ennui, la crasse, l’isolement, les rancœurs. Tout cela est palpable. On patauge dedans, littéralement. Vrai de vrai, on pense aux cousins américains, style Crews, Offut, et même osons la comparaison, Thompson. Voilà, c’est dit. Et c’est un petit français bien de chez nous. Alors, si vous ne craignez pas le noir, chaussez vos bottes, et allez vous vautrer dans la fange de Country Blues.
Claude Bathany / Country Blues, Métailié/Noir (2010).