Polar ou SF ? SF ou Thriller ? Les deux, et puis, est-ce important ? Toujours est-il que Zone est, le dernier roman de Marin Ledun se passe bien dans un futur pas très éloigné (donc SF), et qu’il a une structure de thriller …
Couloir rhodanien, un jour, quelque part dans le courant du XXI° siècle. La cata depuis longtemps annoncée par les auteurs de SF a fini par arriver. A force de jouer avec les virus et les nanotechnologies les blouses blanches ont foiré. La chose leur a échappé, l’humanité a été en grande partie dévastée. Un Mur a été construit, pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être dans ce coin de ce qui fut la France. Une nouvelle humanité, rongée par les virus y survit, à coups de vaccinations, de greffes d’yeux (les premiers détruits par le virus), de poumons, de foie, de peau, de bras et de jambes … Des greffes qui ont poussé à l’extrême ce qui était en train d’arriver avant la catastrophe : tout le monde est connecté et identifié par une puce, les yeux artificiels permettent de recevoir les informations de position, les nouvelles … les pubs.
Thomas Zigler survit comme chasseur de tête et voleur de données : Il traque ses proies et leur vole quelques minutes à quelques semaines de mémoire, pour qu’ils oublient certaines choses, ou pour le revendre à ses commanditaires. Jusqu’au jour où il trouve dans les souvenirs de l’homme qu’il a rattrapé une image impossible : Une jeune femme, nue, intacte, sans prothèses, avec ses yeux, sans marque du virus. La première qu’il voit depuis trente cinq ans que le mur existe. Impossible, tout le monde est mort à l’extérieur … Il ne sait pas encore que ce qu’il vient de voir va faire voler son monde en éclats, ni qu’il devient l’homme à abattre.
Autant commencer par là, j’ai aimé ce roman, c’est pourquoi je serai un poil critique. Parce que j’ai le sentiment qu’il souffre, malgré ses très grandes qualités, d’un ou deux petits défauts qui auraient pu être évités, et qu’il est passé très près de quelque chose de bien plus grand.
Commençons par un détail, tout bête … Dans certains dialogues (2 ou 3), échanges rapides à deux, j’ai eu un peu de mal à savoir qui était qui. C’est couillon, ça oblige à revenir en arrière ou à aller voir en avant, et ça nuit à la fluidité de la narration.
Ensuite j’ai le sentiment que le roman aurait gagné à être un peu resserré. La sensation qu’il y a trop de choses dedans, et que certaines n’étaient pas forcément indispensables. Difficile d’en faire une liste ici sans déflorer l’intrigue … Et au final je ne suis pas certain que tous les détails des motivations des uns et des autres soient très clairs pour moi.
Mais je le répète ce sont des détails, face à l’excellente qualité de l’ensemble. L’idée de départ est un classique de la littérature d’anticipation (le virus qui échappe aux apprentis sorciers), le traitement est efficace, mais surtout la résolution du drame, et l’idée de fond qu’elle sous-tend (et dont je ne peux absolument pas parler pour des raisons évidentes de suspense) sont très très fortes ! Et très très actuelles ! Voilà, je ne peux en dire plus, vous êtes obligés de me faire confiance … Au point que lorsque le lecteur commence à entrevoir la vérité il est emporté et admiratif devant le coup de théâtre qui pour être surprenant n’en est pas moins totalement crédible et cohérent.
Ce que je peux vous dire par contre c’est qu’au-delà de cette idée centrale, il y a de très nombreuses pistes de réflexion qui feront marcher vos neurones : sur le corps, sur la science, sur le matraquage du marketing et de la pub, sur la place que prennent les nouvelles technologies, sur la révolte ou l’acceptation (thèmes joliment rejoint par l’actualité méditerranéenne) …
Et aussi que les personnages existent pour de vrai, et que les scènes d’action sont particulièrement réussies (et il y en a pas mal). On peut même parler dans ce roman de véritables scènes de bravoure.
Bref, à lire, pour le plaisir, pour réfléchir, et pourquoi pas, pour me dire si vous partagez mes petites critiques ci-dessus ou pour m’engueuler de n’avoir rien compris.
Marin Ledun / Zone est, Fleuve Noir (2011).