Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
Quand j’ai appris, en musardant sur les blogs, qu’il y avait un nouveau Tim Willocks chez Sonatine, je me suis précipité. Il s’avère qu’il s’agit de Green River, le premier roman de l’anglais givré. Un coup d’essai, et déjà un « presque » coup de maître.
Ray Klein, ancien médecin condamné pour un viol qu'il n'a pas commis se retrouve à purger sa peine à Green River, prison de haute sécurité au Texas. Le directeur, John Hobbes, certain qu'il a une mission, sombre peu à peu dans la démence et finit par déclencher une émeute raciale la veille de la libération de Klein. Alors que ce dernier n'a qu'une idée en tête, rester le plus possible à l'écart des événements, il ne peut s'empêcher de se trouver entièrement impliqué quand une partie des émeutiers s'en prend à l'infirmerie où se trouvent les malades qu'il a traité durant sa captivité, et Juliette Devlin, médecin psychiatre dont il est tombé amoureux. Qu'il le veuille ou non Ray va devoir plonger dans la mêlée, au cœur même de l'enfer.
Le principe du roman est simple, il relève de la thermodynamique la plus élémentaire : prenez un gaz, confinez le dans un récipient hermétique et rigide, élevez la température, la pression augmente. Prenez donc une population à fort pourcentage de psychopathes, enfermez-les, augmentez la température en exaspérant les antagonismes et, tout simplement, en coupant la clim … La pression augmente, jusqu’à l’explosion. Simple et imparable.
Si je n’avais encore rien lu de Tim Willocks j’aurais sans aucun doute été totalement enthousiaste. Mais ce n’est pas le cas. Et lire, après Bad city blues, Les rois écarlates et La religion ce premier roman montre tout le chemin parcouru, même si ces débuts étaient déjà très impressionnants.
On y trouve déjà les thèmes que l’on retrouvera par la suite : folie, violence extrême, relation à Dieu (pour le prier ou le nier), manipulation … Ils sont déjà là et bien là. Déjà l’auteur arrive à manipuler la dynamite sans qu’elle lui explose à la figure, à savoir nous plonger au cœur d’une violence éprouvante sans jamais faire de la surenchère gratuite ni nous donner l’impression d’être des voyeurs. Tout est justifié, à sa place, nécessaire au propos et à la structure narrative. Et ça secoue.
Sa seule faiblesse par rapport aux romans à venir réside dans quelques temps morts sous la forme de digressions un poil trop explicatives qui viennent (très légèrement, vraiment très légèrement) faire retomber le soufflet par moment. Encore une fois, venant d’un autre, je n’aurais aucune restriction. Mais j’attends maintenant beaucoup, énormément de Tim Willocks, et il est presque rassurant de vérifier qu’il n’a pas été immédiatement, dès son premier roman, totalement niveau des monuments à venir.
Ceci dit, ils sont nombreux ceux qui tueraient pour écrire un premier roman ayant une telle puissance.
Tim Willocks / Green river (Green river rising, 1994), Sonatine (2010), Traduit de l’anglais par Pierre Grandjouan.