Avec un peu de retard à l’allumage, une note sur un premier roman, Moi comme les chiens, de Sophie Di Ricci. Du retard, ce qui fait que Jeanjean en a déjà parlé, ainsi que Patrick Galmel sur Pol’Art- noir, et Bernard a interviewé l’auteur pour bibliosurf.
Le jour où ses parents décident d'acheter un camping car, Willy se barre. Il a seize ans et part seul, avec son baladeur rejoindre la grande ville. Quatre ans plus tard il se lie d'amitiés avec Mickey et Bouboule, deux paumés qui font des passes sur le boulevard pour se payer leur dose. Avec ses quelques euros de plus, ses fringues et sa musique, Willy, qui s'appelle maintenant Alan leur en met plein la vue. C'est en les accompagnant sur le muret, quelque part à la limite de la ville où ils racolent qu'il fait connaissance avec Hibou, un homme mystérieux, à la réputation de dur. Une rencontre qui ne fera que freiner la lente et inéluctable descente aux enfers.
Pas de doute, dès son premier roman Sophie Di Ricci fait preuve d'une belle maîtrise. Ce qu'elle décrit est dur, glauque et elle aurait très bien pu sombrer dans le voyeurisme, l’angélisme ou le misérabilisme. Rien de tout cela ici. Le roman est âpre, sans concession, explicite mais jamais gratuit. La violence, le sexe, la dépendance, la misère y sont présents, crus, jamais édulcorés, mais jamais non plus exploités pour tirer les larmes ou provoquer le dégout. On suit les personnages dans leurs trajectoires dont, dès le départ, l'arrivée ne fait pas de doute. Un roman fort donc. Mais …
Mais ceci est la « critique » la plus objective possible (si tenté soit que l’objectivité existe en littérature) du roman. Vient ensuite le ressenti, le goût du lecteur, et là, j'avoue que malgré le talent de l'auteur, j'ai du mal à m'intéresser aux personnages très (trop ?) marginaux, très (trop ?) individualistes, sans aucune illusion collective (sinon celle d'une équipe de foot …). C'est une réalité qui existe, elle est superbement saisie. Mais je n’arrive pas à m’y intéresser vraiment.
J’aime les perdants flamboyants d'Argemi ou de Taibo II, le désespoir lyrique et caustique de Jack Taylor, les pourritures sans concession d’Evangelisti et de Carlotto, les allumés de Hiaasen, Dorsey ou Haskell Smith. Je n’arrive pas à m’intéresser aux paumés individualistes sans culture, sans valeurs, sans références, sans avenir, sans rêves, sans … que l’on croise dans nos rues et que Sophie Di Ricci a su parfaitement écrire.
Je sais, c’est mal, j’en suis désolé, mais c’est comme ça.
Sophie Di Ricci / Moi comme les chiens, Moisson rouge (2010).