Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
J’ai plusieurs fois écrit ici même que les polars irlandais étaient en général sauvé du désespoir par l’humour. C’est souvent vrai. Pas toujours. Malgré le titre, peu d’espoir, et pas d’humour pour éclairer Redemption factory de l’irlandais du nord Sam Millar, dont j’avais déjà beaucoup aimé Poussière tu seras.
Paul Goodman a besoin d’argent. Pour vivre (ou survivre ?) et pour s’entraîner au snooker. C’est pourquoi il se présente aux abattoirs, prêt à accepter n’importe quel boulot. Et il faut du cœur au ventre pour bosser dans cet enfer de sang et de tripes, mené d’une main de fer par Shank, le patron, une brute épaisse à la réputation sinistre et ses deux filles, complètement cinglées. Shank qui, si l’on en croit les rumeurs, n’a pas abattu que des vaches et des moutons dans sa vie …
Bienvenue en enfer, un enfer à la Jérôme Bosh (le peintre, pas le personnage de Connelly). Car c’est bien dans un tel univers que Paul Goodman met les pieds. Un univers où l’on teste les nouveaux en les plongeant dans un bain de sang (littéralement), un univers de difformités physiques et psychiques, un univers de violence et d’anormalité …
Ajoutez à cela un passé qui pèse encore son poids, un passé très présent même si le cesser le feu est effectif depuis quelques années, un passé de violence, de trahisons, de vengeances, de secrets, de non dits … Vous l’aurez compris, on ne rentre pas dans la Redemption Factory pour rigoler.
Et pourtant, l’ensemble n’est jamais complètement désespérant, parce qu’il reste une forme de solidarité, une humanité, des amitiés, et même la naissance d’amours pourtant difficiles. Il y a le plaisir d’une bonne Guiness, celui du jeu, le goût des belles choses.
Autant de détails qui, alliés à une très belle écriture font que ce tableau rouge sombre est plus émouvant que déprimant, plus chaleureux que glaçant. Bref une nouvelle réussite de Sam Millar.
Sam Millar / Redemption factory (The redemption factory, 2005), Fayard/Noir (2010), traduit de l’anglais (Irlande) par Patrick Raynal.