Commençons par enfoncer les portes déjà ouvertes par la quatrième de couverture : Lauren Kelly est Joyce Carol Oates quand elle décide d’écrire des polars. Masque de sang est donc un polar, puisque signé Lauren Kelly (comme quoi, la manie de tout mettre dans des cases ne doit pas être que française …). Rentrons maintenant dans le vif du sujet.
Annemarie, 15 ans, a été recueillie par sa tante Drewe quand ses parents l’ont lâchée (son père arrêté pour escroquerie et sa mère en désintoxication). Elle passe alors d’une petite ville campagnarde étriquée à un vaste manoir et au monde de l’art contemporain underground. Sa tante, belle, provocatrice et richissime, est propriétaire d’une galerie à New York, mécène de jeunes artistes, et fait régulièrement scandale. Jusqu’à cette exposition de bio-art, mettant en avant des sculptures faite avec des fœtus et des cadavres qui déclenche les foudres des religieux fondamentalistes.
Peu de temps après, le manoir est mis à sac, Drewe disparaît et Annemarie n’est retrouvée que quelques jours plus tard, terrorisée et complètement perdue sous l’emprise de drogues qu’on l’a obligée à prendre …
Nous sommes dans le genre suspense psychologique. Qualifié à tord, à mon avis, de thriller par le bandeau du bouquin. Car s’il y a bien une dimension psychologique, on est bien loin d’un thriller. La construction est classique : Un événement traumatisant, une victime, et hop on revient en arrière pour voir comment on en est arrivé là et ce qui s’est réellement passé. Classique et efficace car parfaitement maîtrisé.
A priori le thriller, et encore moins le polar psychologique ne font partie de mes genres préférés. Et pour tout dire le monde de l’art underground new yorkais et les émois d’une jeune femme névrosée mais néanmoins couvée … Et bien malgré toutes ces restrictions, je suis allé au bout, sans jamais m’ennuyer. Parce que c’est très bien écrit, finement analysé et que les personnages sont incarnés.
Alors certes je préfère les romans qui ont d’autres cadres, et plus de « chair », moins fins mais plus charpentés (de même je préfère Buddy Guy à Barbara, et les vins du Languedoc à ceux de Touraine …) néanmoins, même si je n’ai pas été passionné pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le style, l’écriture et la construction resserrée m’ont fait passer un fort bon moment de lecture.
En conclusion, si je ne pense pas lire d’autres romans de cette auteur (parce que c’est un genre blablabla …), pour le peu que je connais de ce registre, cela me semble être le haut du panier. Bien meilleur par exemple que Les visages de Kellerman qui, en partie, relève des mêmes thèmes mais en beaucoup plus (trop ?) long.
Lauren Kelly / Masque de sang (Blood mask, 2006), Albin Michel (2011), traduit de l’américain par Valérie Malfoy.