Ce fut un excellent moment et, selon la formule galvaudée mais ô combien adaptée à la circonstance, les absents ont vraiment eu tort.
Première constatation, partagée par tous, Craig Johnson est un cow-boy (il en a les bottes et le chapeau) incroyablement sympathique, drôle et intéressant. Et surprenant. Une sorte d’archétype de l’écrivain américain des grands espaces tel qu’on le fantasme chez nous. Jugez plutôt.
Avant de publier son premier roman à 44 ans, l’homme avait travaillé dans la police de New-York, été champion de rodéo, catégories chevaux sauvages et taureaux (!!), a effectué tous les petits boulots imaginables, à logé quelques temps dans son truck, a construit son ranch de ses propres mains dans le comté le moins peuplé du Wyoming, qui est un état grand comme la moitié de la France comptant 500 000 habitants. Il a été éleveur de bétail, et vit maintenant de son travail d’écriture.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser son look très John Wayne, l’homme est loin d’être républicain, connaît très bien la question indienne, ses premiers voisins étant les Cheyennes et les Crows de la réserve voisine (l’un d’eux, son meilleur ami, a inspiré le personnage de Henry Standing Bear), n’a aucune fascination pour les armes, et cite parmi les personnages qui ont inspiré son shérif Walt Longmire, Jean Valjean et Athos ! Il raconte dans un grand éclat de rire comment il est allé, lors des trois jours passés à Paris avant de rejoindre Toulouse, au Panthéon toucher la pierre derrière laquelle se trouvent les cendres de Dumas en espérant recueillir quelques vibrations positives.
Si vous le voyez, il vous racontera la nature sauvage du Wyoming, la beauté de ses ciels, la rudesse (pour ne pas dire plus) de ses hivers. Il vous parlera de l’humour des indiens (très présent dès son premier roman), des notices nécrologiques que lui envoyait sa mère et comment il s’en est servi dans ses romans, ou de sa chute vertigineuse lors d’une randonnée dans la Caucase, qui le laissa en état de choc, obligé de revenir seul au camp de base, soutenu par des hallucinations, sous la forme de vision de silhouettes de gens qui lui parlaient … Une scène que l’on retrouve dans Little Bird.
Il se considère comme un écrivain col bleu, sans état d’âme parce que, comme il le dit, il n’a jamais vu un terrassier, le matin, commencer à dire que non, aujourd’hui il ne se sent pas en communion avec sa pelle et qu’il ne peut pas creuser le fossé du jour.
Il vous racontera comment Walt Longmire et ses amis et collègues qui ne devaient exister que le temps d’un roman sont devenus des personnages récurrents, juste parce qu’il s’était tellement attaché à eux, et au comté (imaginaire) où ils vivent qu’ils n’a pu se résoudre à les abandonner (il y a déjà 5 romans publiés, et un sixième prêt à sortir, tous seront repris par son éditeur français).
Surtout, il vous dira tout cela beaucoup mieux que moi car c’est un formidable conteur. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, il était à Ombres Blanches accompagné de son excellentissime éditeur, Oliver Gallmeister qui a assuré la traduction de ses propos, exercice de haute voltige tant l’homme est bavard.
Une dernière chose, si vous avez la chance d’inviter Craig Jonhson, ne vous embêtez pas à prévoir un micro, il une voix faite pour les grands espaces, elle porte sans aucune aide !