Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
Ya pas qu’un cheveu sur la tête à Mathieu, ya pas qu’un flic dans la police de Reykjavik … Erlendur (il est où d’ailleurs celui-là ?) est rejoint par l’équipe de flics de Stefán dans Anges noirs sous la plume de Ævar Örn Jósepsson.
Voici Stefán et son équipe. Ils ont été réquisitionnés pour enquêter sur la disparition de Brigitta informaticienne géniale. Ce qui est étrange c’est que quelqu’un très haut placé les a alerté avant même que sa disparition ne soit signalée par son ex mari auprès de qui elle devait récupérer ses enfants, et qu’on leur a fourni immédiatement un dossier très fournie sur la jeune femme. Encore plus étrange, impossible de savoir vraiment de qui émane la demande d’investigation. Malgré ces irrégularités, Stefán et son équipe entendent faire leur travail de mieux possible, quitte à déranger quelques personnages qui se croient intouchables.
Commençons par tordre le cou à deux modes qui m’agacent.
La première est celle qui consiste, pour tous les éditeurs de polars, à traduire à tour de bras le premier auteur scandinave venu dans l’espoir de rééditer le coup marketing de Millenium (parce qu’en plus, à mon humble avis, Millenium c’est pas bon, c’est même pas loin d’être catastrophique par moments). Et sa conséquence, la manie de certains libraires (qui ne méritent pas ce magnifique nom), mais également de certains lecteurs, de s’extasier devant tout ce qui vient du nord.
La deuxième est conséquence de la première … C’est l’attitude qui consiste à cracher sur tout ce qui vient des pays scandinaves, sous prétexte de la première mode.
Tout ça pour énoncer une lapalissade qui vaut son pesant de café du commerce : des auteurs scandinaves, comme des auteurs italiens, américains, latinos, anglais, irlandais … et même français, y en a des très bons, des très mauvais, et toutes les nuances entre les deux.
Voilà. Ævar Örn Jósepsson justement est, à mon avis, entre les deux, mais plutôt dans la catégorie recommandable. Pas génial, pas révolutionnaire, pas indigne non plus. Recommandable.
C’est un roman dans la plus pure tradition du roman procédural. Comme ceux de la série Erlendur, Wallander, Beck ou même du 87° district pour remonter aux créateurs originaux.
On y retrouve une intrigue soignée centrée sur la description du travail de la police, une attention particulière portée à la vie personnelle de quelques flics, et la description d’une ville, d’une société, d’une époque. Ici l’Islande du boom (de la bulle ?) économique, quand les managers soit disant géniaux gagnaient des fortunes en brassant du vent, juste avant que tout ne s’effondre.
Un roman moins poignant et émouvant que ceux d’Indridason, mais qui apporte une touche d’humour souvent absente des procéduraux nordiques. La vie hors commissariat des flics est particulièrement soignée et les « mésaventures » du jeune Arni sont plutôt cocasses et bien racontées.
Bref, sans être génial ça se lit bien et j’attends de pied ferme la suite pour voir si l’auteur prend de l’ampleur ou si c’était un coup isolé.
Ævar Örn Jósepsson / Anges noirs(Svartir englar, 2003), Série Noire (2012), traduit de l’islandais par Séverine Daucourt-Fridriksson.