Vous ne pouvez pas savoir le plaisir que j’ai éprouvé à ouvrir Signé Mountain de Peter Corris. Parce que comme le suggère le titre fort littéraire de ma chronique, Peter Corris et son Cliff Hardy ont été parmi les premiers à l’accueillir dans le monde merveilleux du polar. Ni les meilleurs, ni les plus originaux, mais avec Hillerman, Ellroy, Montalban et un ou deux autres, un des premiers que j’ai lus et appréciés.
Comme son auteur Cliff Hardy est australien, de Sydney. Il est privé, un vrai, un hard-boiled pur et dur, dans la grande tradition Bogart. Il picole, sait se battre, raconte à la première personne, a le sens de la formule, plait au femmes mais vit seul … Un vrai vous dis-je.
Tout commence quand un de ses amis, loueur de voitures, l’embauche pour démasquer l’équipe qui lui a déjà volé 4 voitures. Or parmi les voleurs déguisés et maquillés qui ont loué un véhicule sous un faux nom, Cliff reconnaît une de ses connaissances de bar : Bill Mountain, écrivain raté, alcoolique accompli, qui gagne (fort bien) sa vie en écrivant des merdes pour la télé. La suite ne sera qu’une longue poursuite, derrière un looser qui plonge toujours plus loin dans la folie.
Essayons d’être objectif … pas grand-chose d’original, rien de révolutionnaire dans ce roman. Le plus grand dépaysement vient du lieu, Sydney, où le privé est quand même plus rare qu’à Los Angeles, New York ou Paris. Sinon sur une intrigue somme toute assez classique, proche (pour le point de départ) de celle du dernier baiser de l’immense James Crumley (un privé court après un écrivain en panne d’inspiration), et une histoire qui fonctionne, avec un personnage comme les aiment les amateurs de polar, des rebondissements, de la castagne … et le plaisir de retrouver un personnage perdu de vue depuis longtemps, de se couler dans cette histoire comme dans des pantoufles certes un peu usées, mais ô combien confortables.
Parce qu’on ne peut pas ne lire que du David Peace, que du génial, que du qui secoue, et qu’un bon polar des familles, avec un privé dur à cuire dans la tradition, écrit par un bon écrivain qui maîtrise parfaitement son sujet, ça fait aussi du bien de temps en temps.
Allez, quelques réflexions de Cliff, qui font partie du charme de l’ensemble :
« On a échangé une poignée de main, si longue que j’ai bien cru qu’il voulait me léguer la sienne »
« avec des cheveux plus sel que poivre, et une calvitie si galopante que c’était à se demander si son dernier cheveu aurait le temps de blanchir avant de tomber. »
C’était donc ma madeleine à moi. Une de mes madeleines.
Peter Corris / Signé Mountain (Deal me out, 1986), Rivages/Noir (2010), traduit de l’australien par Catherine Cheval.