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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 23:02

J’ai attaqué Les visages, pavé de Jesse Kellerman publié chez Sonatine avec des sentiments contradictoires. D’un côté, impatient et content, parce que la rumeur autour de ce roman est plutôt bonne, et parce que chez Sonatine j’ai aimé Seul le silence et surtout La religion, le chef d’œuvre de Tim Willocks. D’un autre réticent parce que la quatrième de couverture cite un compliment de Harlan Coben (ouaif) et surtout l’annonce au niveau de Mystic River. A la lecture, malheureusement, il s’avère qu’on est loin, très loin, du roman de Lehane.

Ethan Muller, dernier rejeton d’une des plus grosses fortunes de New York est propriétaire d’une galerie kellermand’art moderne. Un jour il met la main sur une série de dessins exceptionnels. Exceptionnels par leur qualité, mais également par l’ampleur inimaginable de l’ensemble de l’œuvre qui croupissait dans des dizaines de cartons. L’auteur, inconnu de tous, a disparu. Quant Ethan commence à révéler l’œuvre au public il reçoit un coup de fil qui va faire basculer sa vie. Sur l’un des dessins, un flic à la retraite a reconnu les portraits de gamins tués des années auparavant, par un tueur en série qui n’a jamais été identifié …

J’avoue qu’il y a des choses que je ne comprends pas. Certes l’auteur sait raconter une histoire. Il est très bon pour les dialogues (comme la plupart des auteurs américains d’ailleurs). Mais c’est bien tout.

Je veux bien croire que la description du milieu de l’art new yorkais, avec toute la futilité et l’exhibition de fric qui va avec, soit fidèle. C’est peut-être pour ça qu’il a plu aux critiques du New York Times. Personnellement, pas de bol, c’est un milieu qui ne m’intéresse pas.

Là où je ne comprends plus rien c’est que, si l’on en croit l’éditeur, ce roman a été élu meilleur thriller de l’année par le New York Times, et par The Guardian ! Meilleur thriller un truc aussi mou, où il y a autant de longueurs ? Où il ne se passe quasiment rien ? Où on subit les états d’âme d’un pauvre enfants de riches (de très riches même) qui ne sait pas quoi faire de sa vie parce que son papa ne l’aime pas ? Il doit y avoir un truc qui m’a échappé …

Je ne suis pas fan de thriller, mais tant qu’à en lire, autant lire du Stephen Hunter ou du John Connolly. Ou les premiers Tim Willocks, ou … Je ne sais pas moi, c’est pas un machin que je lis, mais je suis certains qu’il y en a des dizaines meilleurs que ça !

Ensuite on nous assène la qualité d’écriture. Certes ce n’est pas mal écrit, mais ça ne raconte rien. Le Guardian le trouve obsédant. Ben pour vous dire, au moment où je termine cette chronique je suis presque obligé de relire le début pour me souvenir de quoi il cause. M’a pas obsédé bien longtemps.

Bref, si vous avez aimé, j’aimerais bien que vous m’expliquiez ce que j’ai raté. Si en général vous avez les mêmes goûts que moi, vous pouvez éviter.

Jesse Kellerman / Les visages  (The genius, 2008), Sonatine (2010), Traduit de l’américain par Julie Siboni.

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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 15:23

Comme je disais, retour aux fondamentaux, avec ce Dave Robicheaux. Et pourtant, il faut croire que je suis maudit, il me reste une pointe de frustration à la lecture de Jolie Blon’s Bounce.

Amanda, seize ans, a été violée puis abattue de deux balles. Les soupçons se portent immédiatement sur Tee Burke Jolie BlonBobby Hulin, musicien noir surdoué qui lui tournait autour. Tee, malgré son talent, peine à survivre tant il est ravagé par la drogue. Dave Robicheau l’arrête mais il n'est pas vraiment convaincu de sa culpabilité. Les choses se compliquent quand il s'avère que c'est Perry Lasalle, dernier rejeton de la famille qui fait la pluie et le beau temps à New Iberia depuis des générations, qui défendra Tee. Elles se compliquent encore quand intervient un dénommé Legion, un être sadique et sans morale, ancien contremaître du grand-père de Perry. Puis une prostituée, fille d'un mafieux local est tuée dans des circonstances analogues …

Jusqu'à la toute fin on a un grand James Lee Burke : Histoire parfaitement menée, personnages superbes, complexes, torturés, effrayants ou immédiatement attachants, et toujours la Louisiane, ses bayous, sa musique, les injustices passées et présentes. Une Louisiane que la magnifique écriture de James Lee Burke nous fait sentir de façon charnelle. On ressent la pluie battante, on entend le saut d'un poisson, on sent l'odeur de décomposition du bayou, on voit le coucher de soleil flamboyant. Et on a l'impression de vivre cet endroit, hier et aujourd'hui. On perçoit l’amour doublé d’amertume de Robicheaux (et de son auteur) pour cet endroit qui pourrait être un paradis et que la cupidité et l’ignorance des hommes transforme si souvent en enfer.

Et puis il y a la fin. Alors que s'annonce la confrontation finale, l'auteur l'escamote et nous envoie directement à l'épilogue. On a l'impression qu'il manque un chapitre au bouquin ! On serait chez James Sallis, coutumier de ce genre d’ellipse, on comprendrait, on s’y attendrait . Mais pas chez Burke. Il ne fait pas d’impasse d’habitude. Quelle frustration !

Est-ce que je suis le seul à avoir ressenti ça ?

James Lee Burke / Jolie blon’s bounce  (Jolie blon’s bounce, 2002), Rivages/Noir (2009), Traduit de l’américain par Freddy Michalski.

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23 février 2010 2 23 /02 /février /2010 02:35

En général, les thrillers c’est pas mon truc. Mais bon, disons que là j’avais une occase, alors j’ai essayé. Un auteur dont on lit du bien à droite et à gauche. Le new yorkais Colin Harrison, dont le dernier roman s’intitule (nous y reviendrons) La nuit descend sur Manhattan.

HarrisonUne nuit, sur un parking de Brooklyn, la voiture dans laquelle se trouvaient deux jeunes mexicaines travaillant pour une société de nettoyage est noyée sous la merde, littéralement. Les deux femmes meurent. Mais c'était la troisième personne qui se trouvait avec elles quelques minutes auparavant qui était visée : Jin Li, jeune chinoise, gérante de la société, qui profite de son travail pour envoyer de fort juteuses informations à son frère, un investisseur agressif de Shanghai. Jin Li témoin du meurtre fuit, et se retrouve recherchée par la mafia et la police. Son frère débarque immédiatement à New York et oblige par la menace Ray Grant, ancien amant de la jeune femme, à la retrouver. Ray, fils de flic, pompier survivant du 11 septembre se met alors en chasse.

Rien à redire de particulier, c'est plutôt bien fichu, même si certains passages sont un peu lourdement explicatifs. L'auteur sait raconter une histoire, et ménager un suspense. Il nous balade dans New York. Il y a de l’action, des méchants bien identifiés …

Mais ça ne va guère plus loin. Le fait de remplacer le privé de service, ancien du Vietnam en permanence entre une cuite et une prise de coca par un pompier, rescapé du 11 septembre, puis volontaire humanitaire dans tous les points chauds du globe ne suffit pas à en faire un roman original. D’autant plus que, de mon point de vue, ce personnage « marche » moins bien : L’auteur nous dit qu’il est meurtri, mais le lecteur ne le sent à aucun moment. Le personnage est un peu trop propre sur lui pour être un hard boiled borderline comme on les aime. Et franchement, même s’il est censé être hanté par les horreurs qu’il a vues et vécues, l’auteur n’arrive pas à faire passer les fantômes.

Et puis il y a deux choses qui m’agacent prodigieusement.

Premièrement et surtout, la quatrième de couverture qui reprend un avis du New York Times disant "Harrison est à New York ce que Chandler et Ellroy sont à Los Angeles". Soit l’éditeur français (ou anglais) invente sans scrupule un avis d’ayant jamais été émis, soit le critique polar du New York Times écrive n’importe quoi sans lire les bouquins. Parce que comparer cet honnête polar avec deux monstres qui, chacun à sa façon, ont révolutionné le genre, c’est plus que gonflé ! Nombreux sont les auteurs, dans le monde entier, qui se disent influencés par Chandler ou Ellroy (ou Montalban, ou Taibo, ou Manchette, ou Simenon, ou Camilleri ou …). Je n’en ai encore vu aucun influencé par Harrison. Et à New York il y a quand même quelques pointures, style Himes, Block, Westlake, McBain … Sans parler du monument Necropolis !

La deuxième est un détail, le titre français. Cela n’aura échappé à personne, il n’a rien à voir avec le titre original. Je précise qu’il n’a rien non plus à voir avec le sujet du roman …

Bref tout cela pour dire que s’il vous l’avez sous la main, vous pouvez le lire pour passer un bon moment de lecture, à la plage ou dans le train, vite lu, vite oublié. Sinon, ce n’est peut-être pas la peine de faire le déplacement.

Colin Harrison / La nuit descend sur Manhattan  (The finder, 2008), Belfond (2009), Traduit de l’américain par Renaud Morin.
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22 février 2010 1 22 /02 /février /2010 02:46

Avec La variante Istanbul, Olen Steinhauer poursuit son excellente chronique de la vie du côté du Pacte de Varsovie entre 1946 et la fin des années 70.

 

steinhauer1975. L'avion est parti de la Capitale, en direction d'Istanbul. Quatre arméniens le détournent, pour qu'on reconnaisse enfin le génocide de 1915. Mais les choses ne se passent pas comme prévu et l'un des pirates fait exploser la bombe qui se trouve en soute. A bord se trouvait Libarid, membre de la brigade criminelle de Brano Sev. Dans un contexte de guerre froide exacerbée, de groupuscules d'extrême gauche un peu partout en Europe, de luttes d'influences, cet incident va être le détonateur d'une série d'explosions en chaine dont l'origine se situe sept ans plus tôt, en 1968, à Prague.

 

Nous retrouvons ici Brano Sev, environ dix ans après 36, Boulevard Yalta. Nous retrouvons aussi quelques uns de ses collègues. Mais l'aire de jeu s'est agrandie, la partie est plus que jamais internationale, et les événements du monde entier ont leur importance.

 

Pour autant, Olen Steinhauer ne perd pas son souci du détail, sa capacité à décrire la vie quotidienne de l'autre côté, celui du Pacte de Varsovie. On y découvre des flics finalement pas très différents des nôtres, qui doivent lutter contre des crimes dont les motivations sont, comme de l'autre côté, le pouvoir, le sexe, la jalousie …

 

En outre, ce volume offre un beau portrait d’Istanbul, vu à travers les yeux d’étrangers, étrangers de multiples façons. Etrangers en tant que communistes dans un pays qui ne l’est pas ; étrangers par la culture ; étrangers par la religion ; encore plus étrangère cette policière qui n’a pas l’habitude d’avoir chez elle le même regard envers les femmes …

 

En bref, la digne conclusion d'une série particulièrement originale.

 

Olen Steinhauer / La variante Istanbul  (Liberation movements, 2006), Folio/Policier (2010), Traduit de l’américain par William Olivier Desmond.

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13 février 2010 6 13 /02 /février /2010 15:43

J’avais lu lors de sa sortie le premier roman de Michael Koryta, mettant déjà en scène son privé de Cleveland Lincoln Perry. J’en avais gardé le souvenir d’un roman assez classique, sans grande originalité mais très efficace. La tombe accueillante, qui est, si je ne m’abuse, le troisième de la série, confirme cette impression.

korytaLincoln Perry, après avoir été renvoyé de la police de Cleveland, gagne sa vie comme privé. Une nuit d’octobre, l’homme qu’il hait le plus dans la ville, l’avocat Alex Jefferson est torturé et assassiné. Alex a épousé la fiancée de Lincoln il y a trois ans, et il l’avait alors rossé à la sortie d’une boite de nuit (ce qui lui avait valu son renvoi de la police). Il fait immédiatement partie des suspects, même si l’inspecteur en charge de l’affaire ne pense pas, dans un premier temps, qu’il puisse être coupable. Perry est alors contacté par Karen, son ex fiancée maintenant veuve pour retrouver le fils d’Alex, avec qui il n’a pas eu de contact depuis plus de cinq ans. Parce qu’elle paie bien, Lincoln accepte, sans se douter qu’il met le doigt dans une engrenage infernal qui pourrait bien le mener durablement derrière les barreaux.

Comme le précédent roman que j’avais lu, de la belle ouvrage comme savent si bien en produire les américains. Tout fonctionne bien, tout est parfaitement huilé, on tourne les pages, on ne lâche pas le bouquin jusqu’à la dernière page. Puis on l’oubli presque aussi rapidement qu’on l’a lu …

Parce que, justement, c’est peut-être un peu trop bien fait. La recette est bonne, le chef la suit à la lettre, rien à reprocher. Il y a ce qu’il faut de tension, de suspense, de castagne, la situation du héros va en empirant, de plus en plus inextricable … jusqu’à ce qu’il s’en sorte quand même. Même si Michale Koryta est jeune, il a déjà du métier et mène bien son affaire.

Il manque juste ce petit quelque chose, cette fêlure, cette émotion, cette implication qui fait qu’un bouquin reste dans la mémoire. Un bon roman si on veut passer un moment sans trop se casser la tête. Ce qui n’est déjà pas mal. Mais rien de plus.

Michael Koryta / Une tombe accueillante  (A welcome grave, 2007), Le seuil (2009), Traduit de l’américain par Mireille Vignol.

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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 23:24

Un vaste débat agite sporadiquement le petit monde des lecteurs de polars : jusqu’où peut-on aller dans l’imaginaire quand on pratique une littérature réputée se colleter avec le quotidien, décrire la réalité, dire la vérité. Avec The Blonde, Duane Swierczynski répond : On peut aller jusqu’où on veut, à condition d’être cohérent. Suivez le guide :

 

SwierczynskiTout va mal pour Jack Eisley :

 

1. Il se trouve à l’aéroport de Philadelphie parce qu’il a rendez-vous, le lendemain, avec l’avocat de son ex femme pour régler le divorce.

 

2. La jolie bonde assise à côté de lui au bar vient de lui annoncer qu’elle a mis du poison dans son verre, et que sa seule chance de survivre est de l’inviter dans sa chambre d’hôtel. Jack n’a rien contre la drague féminine, mais il trouve le coup un peu lourd, et plaque là la demoiselle.

 

3. Une heure plus tard il commence à vomir tripes et boyaux …

 

Et vous pensez que ça va mal ?

 

Détrompez-vous, ce n’est rien à côté de ce qui attend Jack au cours de la nuit à venir … car Jack va croiser la route de Mike Kowalski, tueur d’une agence gouvernementale archi secrète qui, à ses moments perdus, fait des cartons sur les mafieux de Philadelphie.

 

Et pour couronner l’affaire, la blonde (qui n’en est pas une) est infestée de nano-machins qui lui feront sauter la cervelle si elle se trouve plus de dix secondes à plus de trois mètres d’un autre être humain.

 

C’est bon, vous suivez ? Alors attachez la ceinture, c’est parti pour une nuit agitée.

 

Revenons à ce que je disais tout en haut, et sur l’importance de la vraisemblance et de la cohérence.

 

Le point de départ (la donzelle est contaminée par les nano machins) est totalement invraisemblable. Si vous refusez absolument de lire quoi que ce soit basé sur un concept aussi farfelu, si vous êtes un fervent partisan du réalisme, si la fantaisie vous semble une perte de temps, passez votre chemin.

 

Pour ceux qui restent, à partir de là, la suite est parfaitement cohérente. L’auteur tire sur la ficelle, et déroule toute la pelote. Et bien entendu, le lecteur suit. Il suit même à toute berzingue, parce que ça va à fond, tout le temps, sans une seconde de répit (ce qui, il est vrai, ne laisse guère de temps mort pour se reposer la question de la vraisemblance).

 

On finit essoufflé et ravi, enchanté par une lecture complètement déjantée et complètement réjouissante. Ce n’est pas le roman de l’année, mais c’est assurément un très bon moment de lecture. Certaines scènes, d’anthologie, resteront dans les mémoires, et on ne peut qu’être admiratif devant cet exercice de haute voltige. Le final, d’une immoralité rafraîchissante, est la parfaite cerise sur ce magnifique gâteau.

 

L’ami Jeanjean aussi a apprécié.

 

Duane Swierczynski / The Blonde  (The blonde, 2006), Rivages/Noir (2010), Traduit de l’américain par Sophie Aslanides.

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16 janvier 2010 6 16 /01 /janvier /2010 23:18

Plus cool que Boone Daniels, c’est pas possible. A côté de Boone le Big Lebowski fait figure de trader Winslowcocaïnomane. Mais attention, faut pas chercher Boone quand il est sur une vague ou avec se potes. Parce qu’il y a deux choses qui comptent pour lui : le surf et La Patrouille de l’aube, à savoir High Tide (samoan dépassant allègrement le quintal de muscle), Hang twelve (un môme), Dave le Dieu de l’amour (héros de San Diego, le Sauveteur et chouchou de ces dames) et Sunny Day (la flamboyante Sunny, qui surfe mieux que les hommes).

Pour assurer le minimum vital, juste le minimum, il est privé. Un bon privé même. Un privé qui fut flic, et démissionna après la disparition de la petite Rain qu’il ne put jamais retrouver. Aujourd’hui, alors que les conditions climatiques promettent La Vague dans moins de 48 heures, le meurtre d’une strip-teaseuse va peut-être lui fournir l’occasion de se racheter à ses propres yeux.

Du Don Winslow pur jus, dans la droite lignée de la série Neal Carey (il devient quoi Neal Carey ?). Pur plaisir donc. Pour une fois, moi qui y suis allergique, je suis bien obligé d’être d’accord avec la quatrième de couverture où Michael Connelly déclare « Don Winslow me fait penser à Elmore Leonard ». Car c’est bien au maître de Detroit qu’on pense ici : Mêmes types de personnages, avec des « héros » d’une coolitude exceptionnelle que l’on ne peut s’empêcher d’aimer instantanément, des malfrats bêtes à manger le foin de leurs bottes, mais très méchants quand même, une belle collection de cinglés, de l’humour, des dialogues qui claquent, et cette impression de facilité déconcertante.

Ajoutons une enquête bien fichue et un découpage dynamique qui ne laisse aucun temps mort, et nous amène, sans en avoir l’air vers un final haletant aux multiples suspenses : Boone va-t-il arrêter les méchants ? Sunny prendre La Vague sans se faire broyer ? La patrouille de l’aube va-t-elle résister aux épreuves ? Tout cela culminant en même temps et mené de main de maître.

Avec en prime un véritable chant d’amour à San Diego, à l’océan, aux vagues. Et un historique de la région qui n’oublie pas de mettre en avant la spéculation immobilière ou l’exploitation des travailleurs clandestins, sans jamais forcer le trait.

En ces époques de « travailler plus pour gagner plus », je ne vois pas de meilleur antidote que la lecture de La patrouille de l’aube dont le slogan évident est Travailler moins pour surfer plus.

Don Winslow / La patrouille de l’aube  (The dawn patrol, 2008), Le Masque (2009), Traduit de l’américain par Frank Reichert.

PS. Je sais, ça n’existe pas « coolitude ». Mais si Ellroy invente des mots, pourquoi pas moi ?

PPS. Je trouve la couverture très belle.

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11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 21:31

J’ai raté Les ombres du passé de Thomas Cook à sa sortie, mais grâce au travail de réédition de folio policier, j’ai pu me rattraper. Je ne le regrette pas.

A dix-huit ans Roy a quitté la petite ville perdue où il a grandi. Il n’y est jamais retourné et a mené pendant Cook ombresvingt ans une vie solitaire de professeur de lettre dans le nord de la Californie. Il revient maintenant veiller sur les derniers jours de son père atteint d’un cancer. Un père rude, qui ne l’a jamais aimé. Ce retour réveille ce qu’il a fui et tenté d’oublier : le suicide de son frère coupable d’un double meurtre, l’oppression d’une petite ville, son amour pour Lila, terminé net le jour de la mort de son frère … Et ce père qui semble toujours lui reprocher quelque chose. Tout cela va remonter à la surface, et certaines questions restées sans réponse vont se trouver ouvertes de nouveau.

Quel beau roman ! Apre, rude, rugueux comme Chris Offut ou du Larry Brown. On y retrouve la même Amérique rurale, coupée de tout, repliée sur elle-même, où la raison du plus fort n’est contrebalancée par rien. On y retrouve ces personnages durs comme le granit, incapable d’exprimer la moindre émotion.

Mais c’est loin d’être monolithique. Car c’est en même temps, comme Les feuilles mortes, extrêmement fin dans l’analyse des personnages, de leurs sentiments, de leurs relations complexes. Et plus particulièrement dans les relations familiales. Entre un père et son fils, entre les deux frères, si différents l’un de l’autre. C’est un roman sur les non-dits, les malentendus qui naissent de ce que la pudeur empêche d’exprimer.

C’est aussi l’histoire d’une vengeance. Celle d’un petit, d’un qui n’avait droit à rien, mais qui n’a jamais accepté de courber la tête, malgré les pressions.

L’intrigue est superbement construite, ne surgissant que peu à peu, à petites touches. Cela commence comme la chronique d’une rencontre entre un père et un fils qui ne se sont jamais compris, et cela devient, insensiblement, la description d’une zone isolée sous la coupe d’un homme brutal et sans scrupule.

Et là encore, Cook construit son histoire de main de maître, laissant persister jusqu’à la toute fin des zones d’ombre, nous menant par le bout du nez, là où il veut, comme il veut … Un vrai grand roman, noir, prenant et très émouvant.

Thomas H. Cook  / Les ombres du passé  (Into the web, 2004), Folio/Policier (2009), Traduit de l’américain par Laetitia Devaux.

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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 14:45

EllroyC’est l’histoire d’un braquage.

C’est l’histoire d’un lot d’émeraudes.

C’est l’histoire d’un gamin qui cherche sa mère.

C’est une histoire de rédemption.

C’est une histoire de mafia.

C’est une histoire de manipulations.

C’est l’histoire d’une vengeance.

C’est une histoire d’amour.

C’est une histoire de corruption et de magouilles.

C’est l’histoire d’une Rouge.

C’est une histoire de flics ripoux, de privés, de barbouzes et de truands.

C’est une histoire de folie.

C’est l’histoire de l’Amérique, d’Haïti et de la République Dominicaine entre 1968 et 1972.

C’est une histoire de sexe, de film porno et de meurtres.

C’est une histoire de femmes fortes et d’hommes qui doutent.

C’est une histoire de transe, de vaudou et de drogues.

C’est l’histoire de la fin du règne de Hoover, patron du FBI.

C’est l’histoire de l’élection de Nixon et de son premier mandat.

C’est tout ça, et c’est beaucoup plus que ça.

Le prologue, qui décrit le braquage, vaut à lui seul l’achat du bouquin. Les 840 pages qui suivent sont à l’avenant. Un conseil : évitez d’attaquer ce pavé si vous n’avez pas un minimum de temps à lui consacrer, au moins au début : Ca commence fort, il y a beaucoup de personnages, c’est dense, et il faut un peu s’accrocher au début. Après, on est emporté par le flot furieux.

 

Difficile d’écrire un papier structuré sur ce monument.

Stylistiquement et rythmiquement c’est impressionnant. Ellroy réussit, littéralement, à « manipuler » votre rythme respiratoire. J’ai eu une sensation d’essoufflement, j’ai eu l’impression d’étouffer, de suffoquer comme le personnage, j’ai eu le sentiment d’urgence qui pousse à lire, de plus en plus vite, à trébucher sur les mots, au diapason avec un personnage qui court contre le temps et la mort. Il « manipule » aussi votre cerveau, vous met, littéralement encore, à l’intérieur de la tête de ses personnages, vous fait suivre leur raisonnement, dans sa logique mais aussi dans ses sauts brusques, dans ses intuitions brutales.

Stylistiquement encore il épouse les délires verbaux de racistes effroyables, pour passer ensuite à l’argot de truands boirs, passe de la sécheresse d’un télex entre barbouzes à un article de journal, puis à la subjectivité d’un journal intime … Et tous sonnent vrais.

Impressionnant. Je ne lis pas Ellroy dans le texte, mais il faut souligner la qualité du travail de Jean-Paul Gratias son traducteur.

Et quels personnages ! Avec, en particulier, trois femmes extraordinaires (je vous les laisse découvrir) et toute la galerie ellroyienne, du flic ripoux et brutal aux privés fouille-merde spécialisés dans les divorces et autres coucheries, des tueurs sans pitié (dont un certain Jean-Philippe Mesplède) aux abrutis haineux d’extrême droite … Tous ces personnages auxquels il sait si bien donner chair et consistance. Pas de chevalier blanc, bien entendu, seulement quelques vrais pourris, et des « gris », avec leurs forces, leurs faiblesses, leur lot de saloperies, et la possibilité, toujours offerte de changer … souvent à cause d’une femme.

Et quelle maestria dans la maîtrise d’une intrigue d’une grande complexité, qui disparaît, semble oubliée, pour ressurgir au moment où on ne l’attend plus, et finir par donner un ensemble totalement cohérent, malgré les mille tours et détours de l’histoire.

Enfin, quel tableau de l’Amérique de ces années 68 / 72 ! Politique intérieure, politique extérieure, mafia, crime, mouvements sociaux, soutien aux pires dictatures dans les caraïbes, écrasement des mouvements pour les droits civiques, évolution lente des mentalités … Tout, tout est dit, et de quelle manière. Point besoin, après ça, d’aller consulter les livres d’histoire.

Un dernier point. Je sais bien qu’il ne faut pas essayer de faire dire aux romans et aux romanciers ce qu’on a envie d’entendre. Et je sais également qu’Ellroy a commencé à travailler sur sa trilogie il y a bien longtemps. N’empêche, cette phrase, que j’ai déjà citée hier :

« Les raids anti-Rouges. Les libertés individuelles suspendues, abrogées, écrasées, prohibées, supprimées. Les droits du Premier  amendement conchiés. Rafles politiquement motivées, emprisonnements sous de faux prétextes, expulsions selon le bon vouloir des autorités. Simultanément, résurgence des groupes anti-immigrants et du Klan. John Edgar Hoover mesura la force de la peur et l’exploita. »

résonne étrangement aujourd’hui non ?

On peut imaginer que ce n’est pas voulu …Quoique j’ai un peu de mal à imaginer qu’un écrivain aussi éblouissant dans sa maîtrise de la langue et de la construction, puisse écrire, sans se rendre compte des étranges parallèles avec l’époque actuelle, une phrase qui semble coller aussi parfaitement à l’Amérique post 11 septembre.

James Ellroy / Underworld USA  (Blood’s a rover, 2009), Rivages/Thriller (2009), Traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias.

PS. Je ne l’ai pas écrit, mais vous aurez compris qu’il faut lire Underworld USA

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7 janvier 2010 4 07 /01 /janvier /2010 21:24

Exceptionnellement, je vais écrire deux billets sur un roman. Il se trouve aussi que c’est un roman exceptionnel. Il s’agit vous l’aurez deviné de Underworld USA de James Ellroy, l’événement de ce début d’année.

Un premier billet donc, pour planter le décor, suite demain, où je rentrerai dans le vif du sujet.

Avant toute chose, un petit résumé de mes « relations mouvementées » avec cet auteur, ou plutôt avec ses livres. Je suis tombé dans le polar avec Rivages, et deux auteurs, très différents, mais très talentueux Tony Hillerman et sa série navajo, et James Ellroy et Brown’s Requiem. Vous imaginez bien le choc. Choc qui ne s’est pas démenti avec la trilogie Lloyd Hopkins, et les premiers du Quatuor de LA.

Puis vint White Jazz, son parti pris stylistique, son écriture très scandée … J’ai eu beaucoup de mal à le terminer, en ai gardé une assez mauvaise impression. Et donc, honte à moi, je n’ai lu ni American tabloid, ni American Death Trip. Et là, je prends Underworld USA de plein fouet, après quelques années de sevrage ! C’est la gifle, l’ouragan dévastateur. Je n’ai pas encore terminé (mais presque), mais je sais une chose, je vais lire les deux premiers, dès que je trouve un peu de temps. Comme l’a fait avec une conscience professionnelle digne d’éloges l’ami Jeanjean.

Revenons à mon titre un rien provocateur. Ellroy facho, réac, raciste, misogyne, homophobe, crypto-facho … Le pauvre s’est vu affublé de tous les noms d’oiseaux. Je dis le pauvre, mais il y a bien contribué. Parce qu’en plus d’être un immense écrivain, c’est un vrai cabot, un showman et un provocateur né. Alors il en rajoute, fait son numéro de gros con réac dès qu’un journaliste pointe son nez. Et comme le journaliste en question, souvent (ou au moins parfois), ne lit pas ses bouquins, il en reste au personnage du clown, et voilà Ellroy étiqueté.

Pourtant … Pourtant. Ses flics sont réacs, racistes, phallocrates, homophobes … Ils sont surtout créés par un écrivain immensément talentueux, qui leur donne une vie, une réalité hors norme. Mais cela veut-il dire qu’il partage leurs valeurs ? Le raccourci est un peu rapide. Dès Brown’s Requiem, on a un personnage d’extrême droite qui n’est pas spécialement décrit comme un « héros ». Bien au contraire. La description de la corruption et de la violence de la police dans le quatuor de LA est sans pitié. Alors Ellroy facho ?

Les journalistes américains ont découvert avec stupéfaction à la sortie du dernier bouquin que le bonhomme était, peut-être, un peu plus complexe qu’ils ne le pensaient. J’en avais déjà parlé il y a quelques temps, à la suite d’un papier de Sarah Weinman. Je cite de nouveau :

« And here's the biggest revelation of all: prepare to forget everything you think you know about James Ellroy's politics. Those ugly facets of the macho persona he writes so well -- the racism, misogyny and homophobia -- might well have led you to believe Ellroy is so right-wing he makes George W. Bush look like a pinko. And that's apparently what he wants us to think; he wilfully plays up to that reputation, describing his own views on his Facebook page as "reactionary". But if a novel can give an insight into a writer's true nature, then BLOOD'S A ROVER belies that public image. In these pages, Ellroy mercilessly examines the cost of fascism to man and society. ».

Sans en dire d’avantage sur le roman (j’y reviens demain), je peux vous dire que ceux qui prennent encore Ellroy pour un affreux d’extrême droite machiste vont avoir un choc ! Sachez seulement que le personnage central de ce dernier roman est une femme,  juive et communiste !

Et voici ce qu’on peut lire : « Les raids anti-Rouges. Les libertés individuelles suspendues, abrogées, écrasées, prohibées, supprimées. Les droits du Premier  amendement conchiés. Rafles politiquement motivées, emprisonnements sous de faux prétextes, expulsions selon le bon vouloir des autorités. Simultanément, résurgence des groupes anti-immigrants et du Klan. John Edgar Hoover mesura la force de la peur et l’exploita. »

Alors, Ellroy Coco ? Ce serait aussi stupide, bien entendu, que d’avoir prétendu, avant, qu’il était facho. Ellroy immense écrivain ? Sans le moindre doute. A demain.

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