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16 février 2009 1 16 /02 /février /2009 19:27

Après 1946 et 1956, nous voici avec 36, boulevard Yalta d’Olen Steinhauer en 1966.


On l’avait connu ombre inquiétante de la brigade criminelle de la Capitale ; depuis Brano Sev a parcouru du chemin. Pour le compte du 36 boulevard Yalta il a voyagé, et se trouve aujourd'hui à Vienne, chargé de découvrir qui parmi leurs agents vend aux autrichiens les renseignements qui leur ont permis de décimer leur réseau. Il découvre la taupe, mais à partir de là tout va mal. L'homme est tué, mais pas par lui, et il échappe de justesse à la police autrichienne avant d'être accusé par ses supérieurs d'avoir saboté son travail.


Il est alors envoyé en usine comme un simple ouvrier, avant que son mentor et ami, le colonel Cerny, ne lui offre une seconde chance. Il doit retourner dans son village natal et découvrir ce que va faire un ancien ingénieur soupçonné de vouloir passer à l'ouest. L'affaire se révèle beaucoup plus complexe que prévu, et Brano va s'apercevoir qu'il n'est qu'un pion dans une lutte qui le dépasse totalement.


Olen Steinhauer prend vraiment tous les risques. Il écrit une série qui se passe de l’autre côté du Mur, en pleine guerre froide, et met en scène des être humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs idéaux et leurs doutes, des corrompus et des honnêtes, des courageux et des lâches ... Des hommes et des femmes très proches de nous, et bien loin des clichés, ni bolcheviks enragés le couteau entre les dents, ni constructeurs enthousiastes et infaillibles d’un avenir rayonnant et solidaire.


A peine le lecteur est-il habitué à un personnage qu’il en change. Pire il va jusqu’à prendre comme personnage central un des plus antipathiques des épisodes précédents. Pour finir, alors qu’il avait commencé par deux polars classiques dans leur structure, il change totalement de ton dans le troisième pour écrire un roman d’espionnage. Il voudrait perdre des lecteurs qui n’aiment pas être secoués qu’il ne s’y prendrait pas autrement.


Après deux polars donc, il écrit ici un magnifique thriller d'espionnage digne des plus grands. Ce faisant il complète superbement les portraits d'enquêteurs commencé avec Cher Camarade et Niet Camarade, réussissant à humaniser totalement un personnage qui, jusque là, n'était qu'une inquiétante silhouette monolithique et dogmatique. Le dangereux Brano Sev, dont tous à la brigade se méfiaient, devient un homme complexe, idéaliste, pris dans une guerre qui l'enfonce dans la solitude et la méfiance. Ne serait-ce que pour ce personnage, extrêmement émouvant alors même qu’il s’interdit toute émotion, ce roman vaut la peine d’être découvert.


Et il complète aussi le portrait d’une époque. Il s’éloigne de la Capitale pour décrire d’un côté des campagnes où les mentalités ont peu changé après vingt ans de communisme, où le poids de la religion et des traditions les plus arriérées se fait encore sentir ; d’un autre le milieu des exilés, déracinés à jamais, qui de jours en jour s’enferment d’avantage dans un fantasme qui les éloigne de la réalité.


En bref, une réussite totale, peut-être le roman le plus abouti de la série.


Olen Steinhauer / 36, boulevard Yalta (36 Yalta boulevard, 2005), Folio policier (2009), traduit de l’anglais par William Oliver Desmond.

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29 janvier 2009 4 29 /01 /janvier /2009 15:33

Lors de sa sortie en grand format, en 2007, j’étais passé à côté de Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous de Laurie Lynn Drummond. Les critiques étaient excellentes, tout le monde en disait du bien, mais je n’avais pas eu l’occasion de le lire. Je me rattrape aujourd’hui avec sa sortie en poche.

Katherine, Liz, Mona, Cathy, Sarah. Cinq femmes flics en tenue à Baton Rouge. Dix histoires qui disent le stress, l’horreur, l’adrénaline, le contact avec la mort, l’alcool pour faire passer, les difficultés, voire l’impossibilité  à vivre une vie de famille quand on rentre à la maison … Dix histoires rudes, au raz du bitume, les pieds et les mains dans la fange.


Laurie Liz Drummond a été flic, à Baton Rouge. Elle sait de quoi elle parle, elle a très probablement vécu ce qu’elle décrit.


Ici, pas de super flic, pas d’enquête poussées, pas de traque, pas de jeu subtil et pervers entre un tueur et son poursuivant, pas de profilers. Rien que la découverte du cadavre, le choc, encore et toujours, la trouille sur une scène de crime, l’inattention fatale lors d’un contrôle anodin, l’adrénaline, l’excitation … et la bavure. Le quotidien d’un flic de terrain, confronté quotidiennement à la misère, au mépris et à la paperasse. Rien de glamour donc, rien que le boulot de ceux (et ici celles), qui pataugent quotidiennement dans tout ce que nos sociétés modernes, en apparence civilisées, mais toujours aussi violentes, ne veulent pas voir.


Pas d’analyse sociologique, pas de tentative d’excuser les uns, de montrer les autres du doigt, juste un constat sans fard, la description la plus objective possible d’un boulot pas tout à fait comme les autres. Avec ses risques, ses joies (il y en a), ses fiertés, ses doutes et ses dérives. Mais là encore, Laurie Lynn Drummond n’explique pas, n’excuse pas. Elle décrit. Des faits, des émotions ressenties, rien d’autre. Des faits et des émotions que le lecteur prend en pleine poire. Parce que l’écriture est parfaitement adaptée, sans pathos, sans cris, sans effets spectaculaires, sans larmes … En pleine poire donc.


Ajoutez à cela la particularité d’être une femme dans un métier qui reste, encore, plutôt masculin, et face à une violence qui frappe majoritairement des femmes … On en ressort poisseux, secoué, et touché.


Dans ses remerciements, l’auteur dit avoir mis douze ans à écrire ce livre. Cela valait la peine d’attendre. Elle ne sera peut-être l’auteur que d’un bouquin, un bouquin très personnel, très proche de son vécu. Si elle en publie un autre, on le lira attentivement. Mais même si elle en reste là, sa contribution à la littérature noire aura déjà été primordiale.


Laurie Lynn Drummond / Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous (Anything you say can and will be used against you, 2004), Rivages/Noir (2009), traduit de l’américain par Isabelle Reinharez.

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 22:16

Sur la jetée de San Diego tout le monde aime bien Frankie Machianno, l’homme qui vend des appâts, organise des concours de pêche, a toujours un mot gentil et un conseil pour les clients. Quand il n’est pas dans sa boutique, Frankie vend du poisson, s’occupe du linge de table des restaurants ou loue des appartements. Il faut dire que Frankie a une ex femme, une fille qui va démarrer des études chères, et une maîtresse superbe mais habituée à un certain luxe.


Alors Frankie bosse. Jusqu’au jour où deux petites frappes viennent le voir, et lui proposent un petit boulot, pour 50 000 dollars. Frankie veut dire non, mais l’un des truands est le fils du boss de LA. Alors Frankie redevient Frankie Machine, une légende parmi les mafieux de la côte ouest. Un des tueurs les plus craints. Et bien entendu, ça dérape. Frankie est obligé de renoncer à sa vie tranquille, de se planquer, et d’enquêter pour comprendre qui, après tant d’années, peut bien vouloir sa peau.


« Il faut prendre son  temps, n’utiliser que la bonne dose d’épices requises, savourer chacune d’elles puis monter doucement le feu jusqu’à ébullition », déclare Frankie, homme méticuleux, soucieux du détail, aimant le travail bien fait. Cela pourrait s’appliquer à Don Winslow et à cet Hiver de Frankie Machine.


Autant le dire tout de suite, ce roman  n’a pas l’ampleur, l’ambition et la puissance de La griffe du chien. C’est « juste » un thriller parfaitement huilé, au style incisif, à l’action réglée au millimètre. Plutôt dans l’esprit de Mort et vie de Bobby Z.


« Juste », mais c’est déjà beaucoup. Parce que les pages tournent toutes seules, parce qu’on prend un immense plaisir à le lire, parce qu’on ne peut plus le lâcher une fois qu’on l’a ouvert. Ce qu’on ne peut certainement pas dire de tous les livres publiés à longueur d’année ! Les personnages sont justes, les va-et-vient entre présent et passé parfaitement dosés et agencés, les dialogues claquent, les scènes d’action sont impeccables, et la description du milieu mafieux, bien loin de tout folklore, est sans pitié.

De la belle ouvrage, parfaitement efficace. Pour un pur plaisir de lecture.

Don Winslow / L’hiver de Frankie Machine (The winter of Frankie Machine, 2006), Le Masque (2009), traduit de l’américain par Frank Reichert.

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16 janvier 2009 5 16 /01 /janvier /2009 22:58

Comme je le disais dans mon billet (assez ancien) sur le dernier roman de Pelecanos, seuls ceux dont on attend beaucoup peuvent nous décevoir. Et j’attends beaucoup de Dennis Lehane ….


Mais ce n’est pas encore cette fois qu’il va me décevoir ! Magistral, monumental, magnifique, époustouflant … Les adjectifs manquent pour qualifier Un pays à l’aube.


1919. L’Amérique se remet difficilement de la guerre. Les soldats de retour d’Europe ont du mal à retrouver du boulot. La guerre a coûté cher. Les noirs commencent, doucement, à revendiquer des droits. Loin à l’est, la révolution russe …

A Boston, les conditions de vie sont de plus en plus dures. Les policiers survivent dans des conditions déplorables, les ouvriers s’organisent un peu partout, les anarchistes font sauter quelques bombes … Les politiques profitent de la peur pour qualifier tout mouvement social de bolchevick, à la solde de Moscou.

Danny Coughlin est irlandais, policier, fils d’une des légendes du Boston Police Department. Son implication dans les revendications de ses collègues va le mener, peu à peu, à la rupture avec sa famille. Luther Laurence est un jeune ouvrier noir obligé de fuir Tulsa qui se retrouve à Boston au service de la famille Coughlin. Les destins de Danny et Luther vont se mêler en cette année qui les mènera tous au chaos. Quand à Babe Ruth, il est en train de forger sa légende, sans vraiment se rendre compte de ce qu’il se passe autour de lui.


Par quoi commencer ? Par le plus évident, et le plus important, puisqu’on parle de littérature : On a là un roman exceptionnel par son ampleur, son souffle épique, sa qualité d’écriture et de construction. On est happé dès les premières pages, où Lehane réussit quand même l’exploit de nous intéresser à un match de base-ball (ce qui n’est pas évident pour un non yanqui !) et on le suit avec délices pendant plus de 750 pages, sans un seul moment de faiblesse.


Ensuite on retrouve toutes les qualités de Dennis Lehane. Son sens de la progression dramatique, la justesse, la complexité, la vraisemblance de ses personnages avec, encore, un magnifique personnage féminin. Ses dialogues, tellement vrais, tellement justes, qu’on les entend plus qu’on ne les lit. Cette capacité à faire ressentir une émotion, à décrire sans aucun pathos, sans mièvrerie des scènes bouleversantes. Sa façon de vous construire un décor, un environnement, une époque. On y est, on le sent, on le voit, on l’entend, on le touche.


S’il réussit parfaitement les scènes intimistes que dire des scènes à grand spectacle ! Magistrales (je sais je l’ai déjà dit plus haut, mais les adjectifs me manquent). On sent la chaleur des incendies, on entend les hurlements, les balles qui sifflent, les os qui craquent, on est gagné par l’exaltation, la panique … On y est en plein. Seul un très grand écrivain peut mêler de façon aussi fusionnelle l’Histoire et les histoires. Ce qui m’amène à la suite …


La suite c’est, en plus de l’intense plaisir l’on a à la lecture de ce roman, tout ce que l’on y apprend, tout ce qu’il nous dit sur cette période historique, et sur la nôtre. Ce n’est certainement pas un hasard si, après Shutter Island, Dennis Lehane écrit un nouveau roman sur la paranoïa, sur l’instrumentalisation des peurs, réelles ou fantasmée par le pouvoir politique.


Ce n’est certainement pas un hasard si, aujourd’hui, il écrit un roman où l’étranger qui fait peur, le terroriste potentiel, le pauvre qui dégoûte est italien, irlandais ou russe. S’il montre que tout ce qui se dit sur les musulmans, les latinos, les … a déjà été dit, à l’époque, sur les catholiques, les russes …


Ce n’est certainement pas un hasard si, au moment où les droits du travail sont attaqués partout aux USA et en Europe, il décrit un moment important des luttes syndicales. S’il montre la violence terrible de ces luttes, la violence des discours de la classe dirigeante.


Voilà de bons rappels, à ceux qui croient que ce que nous avons-nous a été offert, gentiment, gracieusement. A ceux qui pensent que lutter ne sert à rien, est archaïque …


Petit clin d’œil : Il est amusant de lire ce roman, d’y voir décrite la situation des noirs en 1919, au moment même om un noir devient président des USA. Un peu de chemin a quand même été parcouru.


J’arrête, mais je pourrai continuer ainsi longtemps. Il y a encore autant, si non plus, de raison de lire ce chef-d’œuvre. Donc, si vous ne deviez casser votre tirelire qu’une fois cette année … Sinon, tannez votre bibliothécaire préféré(e) pour qu’il(elle) en achète deux ou trois exemplaires.


Une dernière remarque. Certains reprocheront sans doute à Dennis Lehane son classicisme. Ils auront en partie raison. Comme Eastwood au cinéma, Lehane est classique. Il raconte une histoire puissante, avec du souffle, sans effets de manches, sans se regarder écrire, sans chercher l’esbroufe. Son écriture est au service de son histoire et de ses personnages, au point qu’elle se fait presque oublier. Cela paraît peut-être moins impressionnant. Ce n’est certainement pas moins talentueux.


Comme moi, Jeanjean de moisson noire est admiratif et enthousiaste.

Dennis Lehane / Un pays à l’aube (The given day, 2008), Rivages/Thriller (2009), traduit de l’américain par Isabelle Maillet.

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3 janvier 2009 6 03 /01 /janvier /2009 00:03

Ce fut vraiment un sale, très sale nouvelle. Il n’avait que 75 ans. Au vu de la quantité de romans qu’il a écrit, il aurait pu en avoir mille … Et ses lecteurs auraient voulu qu’il vive mille ans de plus. Parce qu’on a plus que jamais besoin de lui.

Impossible de résumer les bonheurs de lectures que je lui dois.

De la science fiction comme Trop humains, sa version de la fin du monde qui n’a, de mon point de vue, qu’une rivale, la version délirante de deux autres humoristes, j’ai nommé le génial De bons présages de Neil Gaiman et Terry Pratchett.

Du noir, très noir, comme Le couperet, cette implacable et inattaquable illustration du capitalisme, de la loi du plus fort, et de la ce vieil adage populaire que l’on nous ressert tant : la fin justifie les moyens. Noir aussi comme Kahawa, roman d’aventure et d’aventuriers, presque plus leonardiens que westlakiens, mais aussi, en toile de fond, dénonciation, à la Donald Westlake, c'est-à-dire sans avoir l’air d’y toucher, de la dictature d’Amin Dada.

C’est bien entendu l’écriture au rasoir de Richard Stark, et de son implacable Parker. Des romans d’action pure, sans un mot de trop, sans une phrase qui ne décrive une action, sans l’ombre d’une justification psychologique ou d’une émotion. Seulement de l’action, à l’efficacité totale, comme la prose.

Mais surtout, surtout, c’est l’auteur qui m’a fait éclater de rire si souvent.

Avec sa critique des média comme dans Moi Mentir. Avec sa variation absolument géniale sur le thème de l’homme invisible, dans Smoke, qui prend tout son sel quand on sait que le boulot de cet homme est de soulager ses semblables des biens qui les encombrent. Un roman hilarant, ponctué de scènes d’anthologie, dont celle, qui restera gravée dans mon souvenir, qui voit Freddie, le petit voleur devenu invisible, profiter de son avantage pour imposer des choix de programme télé assez … personnels, dans la salle commune d’un Bed and Breakfast.

Et il y a le génial Aztèques dansants qui, en plus de m’avoir fait plusieurs fois éclater de rire, offre de mon point de vue, la plus originale, la plus subjective, la plus délirante, mais aussi la plus juste des descriptions de New York que je n’ai jamais lue. Si vous avez ce bouquin sous la main relisez les deux premières pages, vous verrez si j’ai raison.

Et puis il y a le monument John Dortmunder. John et sa bande, que l’on a vu grandir, que l’on a appris à connaître, à aimer, à attendre … Un nouveau Dortmunder annoncé, c’était des jours de bonheur. Celui de savoir qu’on allait le retrouver, celui de voir enfin de livre, de le toucher, de lire le résumé, de le tenir, en réserve, aussi longtemps qu’on pouvait patienter. Et puis, enfin, de l’ouvrir, et de découvrir, émerveillé, ce que ce sacré Westlake allait bien pouvoir inventer cette fois comme défi irréalisable, comme casse génial, et comme grain de sable et coup du sort pour que, malgré tout son talent, John se retrouve encore et toujours couillonné.

C’était de la joie pure, de la jubilation, de l’excitation. C’était l’optimisme forcé et les voitures de médecin d’Andy, les habitués bourré du bar où la bande préparait ses casses, la force, pas toujours tranquille de Tiny, les itinéraires de délestage de Stan et de sa mère, c’était la morosité permanente de John, ses plans géniaux, sa mafre légendaire, son refus des gadgets modernes … C’était des personnages que l’on connaissait tellement bien que Westlake pouvait élaguer, épurer, certain que le lecteur comprendrait à demi-mot. Et quoi de plus gratifiant pour un lecteur que de sentir que l’auteur lui fait confiance ?

Je ne me risquerai pas à tenter un semblant de bibliographie. Elle serait beaucoup trop incomplète. Fouillez votre bibliothèque, allez chez votre libraire, dans votre bibliothèque préférée, piochez au hasard, ce sera bon.

Seule consolation, bien maigre, rivages a l’air de rééditer tous les anciens Westlake qui n’étaient plus trouvables que chez les bouquinistes ou dans les meilleures bibliothèques. Maigre consolation, vraiment, mais consolation quand même.

Je terminerai par ceci, qui conclut la débâcle des sentiers du désastre :

« Vous savez quoi, dit Dortmunder. Je commence à comprendre ce qu’il y a de pire dans tout ça.

Kelp semblait intéressé, mais inquiet.

- Il y a un truc pire qu’un autre ?

- Si on ne fait pas le casse ce soir, dit Dortmunder, vous savez ce qu’on aura fait pendant trois jours ? On aura travaillé ! »

Un dernier mot, quand même. Sur le site de Sarah Weinman, l’hommage à Donald Westlake s’étoffe d’heure en heure. C’est en anglais, et cela montre ce que diable d’homme représentait là-bas aussi.

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2 décembre 2008 2 02 /12 /décembre /2008 23:25

Si comme moi vous sentez la nausée qui commence à vous gagner, à force de lire qu’un dangereux journaliste soupçonné de délit de diffamation a été menotté devant ses mômes, foutu à poil et fouillé au corps ; que des gendarmes, à la demande d’un proviseur quelque part dans le Gers, ont procédé à la fouille poussée de tous les adolescents d’une classe forcément suspects, puisqu’ils sont jeunes, et que Marciac, connu comme une des plaques tournantes du trafic de drogue en France … Un conseil, lisez Triggerfish twist de Tim Dorsey. Et imaginez que Serge s’occupe personnellement du juge qui a fait mander le journaliste ou du proviseur qui a fait rentrer les gendarmes dans son collège …


C’est fait ? Vous voyez, vous souriez … Certes le problème reste, mais vous avez passé un petit moment agréable non ? Pour quelques temps encore il n’y a pas de délit d’imagination. Profitez-en, cela risque de ne pas durer. Si vous ne connaissez pas Tim Dorsey, lisez ce qui suit …


Jim Davenport est fondamentalement gentil. Prêt à voir le bon côté de son prochain et à lui trouver des circonstances atténuantes. Disposé à bien s’entendre avec la terre entière. Bon père, bon mari, excellent employé, en paix avec l’existence. Jusqu’à son déménagement à Tampa, Floride. Tout se présente pourtant sous les meilleurs auspices. Ciel bleu, végétation luxuriante, maison impeccable, voisins … c’est là que ça se gâte. Parce que Lance Boyle, promoteur (véreux, bien entendu) est en train de racheter tout le quartier, pour le raser, et réaliser une plus value juteuse. Jim ne veut pas vendre ? Qu’à cela ne tienne, Lance installe dans les maisons qu’il possède déjà les pires locataires qu’il puisse recruter. Et y a-t-il pire que l’explosif trio formé par Serge (tueur psychopathe qui sait être charmant et érudit), Coleman (spécialiste mondial de la défonce) et Sharon (prostituée déjantée et totalement incontrôlable) ?


J’avais moyennement apprécié Florida Roadkill, mais là, ça y est, je deviens un accro à Tim Dorsey. On retrouve dans Triggerfish twist toutes les qualités du précédent, à commencer par le trio infernal, déjanté et particulièrement jouissif, l’imagination sans limite, le sens du rythme et l’absence totale d’autocensure qui lui permet de tout oser, et de tout réussir. Et on n’y retrouve pas le défaut de ce précédent roman (du moins, ce que moi j’avais perçu comme un défaut) à savoir cette sensation de ne pas très bien savoir où l’auteur veut aller.


Là c’est clair, il veut faire voler en éclat les fondements de la très policée classe moyenne. Et pour voler en éclats, ils volent en éclats … de rire. C’est absolument féroce, sans pitié, hilarant et génial. Les scènes d’anthologie se succèdent (comme dans Florida Roadkill), le liant en plus. Impossible de toutes les citer ici, il faudrait recopier le bouquin. Une mention spéciale quand même au dîner classe que Serge veut offrir au couple Davenport, et que Sharon fait totalement exploser, et au final apocalyptique.


Pour donner une idée du bouquin, disons qu’à côté du trio infernal les déjantés de Carl Hiaasen font un peu figure de gentils scouts. Décidément, la Floride semble être un état intéressant.


J’oubliais ! Une mention spéciale également aux deux scènes où Serge met toute son imagination et son ingéniosité au service d’une noble cause : débarrasser le monde de deux nuisibles particulièrement visqueux. Jouissif, et totalement inédit. Et qui nous ramène au début de cette chronique.


Bonne lecture, et bon rêve …


Tim Dorsey / Triggerfish twist (Triggerfish twist, 2002), Rivages/Noir (2008), traduit de l’américain par Jean Pêcheux.

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25 novembre 2008 2 25 /11 /novembre /2008 23:17

Chouette, un nouvel auteur et un nouveau personnage chez Rivages ! Sous la plume de David Fulmer, Valentin St. Cyr mène l’enquête dans le quartier chaud de la Nouvelle-Orléans au printemps 1907 dans … Courir après le diable.


La Nouvelle-orléans, 1907, quartier chaud de Storyville. King Bolden est en train d’écrire une page d’histoire en faisant exploser les codes de la musique jouée traditionnellement par les fanfares. Laissant libre cours à son inspiration, son cornet crache le feu et le rythme. Le jazz est en train de naître, et ce n’est pas du goût de tout le monde. Dans le même temps, son ami d’enfance Valentin Saint-Cyr enquête pour le compte du caïd local sur la série de meurtres dont sont victimes des prostituées du quartier. Une enquête qui le ramène systématiquement vers Bolden.


Commençons par rouméguer un peu … La manie qu’ont les auteurs américains d’afficher en exergue des louanges (forcément désintéressées non ?) de leurs collègues est agaçante. Pour une fois, ce n’est pas James Ellroy, Michael Connelly ou Harlan Coben qui s’y collent mais Jeffery Deaver et Nick Tosches. Je cite :


« Un suspense de premier ordre, situé dans un cadre et une à époque chargés de souvenirs poignants. » Jeffery Deaver.

« Si vous avez envie de vous laisser emporter par une histoire bien menée, n’allez pas chercher plus loin. » Nick Tosches.

Lus donc en quatrième de couverture.


C’est d’autant plus agaçant que c’est à côté de la plaque. A se demander si ces deux auteurs ont bien lu le roman avant d’écrire ces lignes.


Donc ne les croyez pas Courir après le diable n’est ni « un suspense de premier ordre », ni « une histoire bien menée » qui vous « emporte ». Ce qui ne veut pas dire que c’est un mauvais polar, loin, très loin de là. Alors quel besoin d’en rajouter ? Mais venons en à nos moutons.


Les amateurs de polars endiablés et trépidants, au mécanisme d’horloge suisse risquent, justement,  d’être déçus pas ce roman à l’intrigue assez relâchée, dont la résolution arrive dans les dernières pages un peu comme d’un coup de baguette magique. Pendant 90 % du roman, ce pauvre Valentin compte les cadavres, ne comprend rien et n’inquiète jamais le tueur. Il comprend tout de façon quasi miraculeuse, à la toute fin, sans qu’une explication totalement convaincante de son coup de génie ne soit donnée.


Mais qu’importe, l’essentiel est ailleurs. Il est dans la façon de prendre le temps d’installer les personnages. Il est surtout dans la magnifique description d’un lieu et d’une époque passionnants. L’atmosphère de ce quartier chaud de la Nouvelle-Orléans au début du XX° siècle est fort bien décrite. Les lieux, les gens, les relations sociales … tout y est.


Les amateurs de jazz seront particulièrement comblés qui auront l’occasion d’assister en spectateurs privilégiés à la naissance de leur musique préférée. Les pages qui la décrivent sont superbes, et viennent rappeler une vérité oubliée depuis : ce jazz dit Nouvelle-Orléans qui fait aujourd’hui figure de musique démodée uniquement appréciée de quelques vieux passéistes fut en son temps une véritable révolution, qui ouvrit la voie à tout ce qui suivit. Le superbe personnage (et réel) de Charles King Bolden donne toute son énergie, sa vitalité, son génie, mais aussi sa folie au roman.


Et Valentin Saint-Cyr est un personnage intéressant et attachant qu’on aura plaisir à retrouver, d’autant plus qu’il a encore gardé quelques zones d’ombre, et que l’on sent bien que son passé pourrait ressurgir … Tout ce qu’il faut pour que l’on s’attache à un personnage récurrent. A lire et à suivre donc.


David Fulmer / Courir après le diable (Chasing the Devil’s tail, 2001), Rivages/Thriller (2008), traduit de l’américain par Frédéric Grellier.

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11 novembre 2008 2 11 /11 /novembre /2008 22:10

« Combien de doigts, pense Broadstreet. Combien de doigts, combien d’orteils, combien de sang dans le béton de la ville ? Combien de corps fossilisés dans les soubassements des tours de béton, dans les piliers des ponts, dans les murs des barrages ? Leurs cris pétrifiés, leurs bras et leurs jambes éternellement pétrifiés. Quand le tremblement de terre se produira, ils seront libérés. Ca fera autant de squelettes protégés par des casques, espérant qu’il s’agit du Jugement dernier. Ce ne sera pas le cas. » Noir Béton, Eric Miles Williamson.

Broadstreet, Rex, Juan, Don Gordo, Root … et quelques autres construisent l'Amérique, jour après jour, en projetant de la gunite, ce mélange de ciment, de sable et d'eau, sur les piliers des ponts, les parois de réservoirs ou les murs d'édifices qu'il faut consolider. La gunite est leur vie, elle les imprègne, pénètre leurs yeux, leur peau, leur sang. Pour tenir, il y a l'alcool, la drogue et la violence. Souvent, l'accident, et c'est la mutilation ou la mort. Les patrons sont sans pitié, les syndicats inexistants. Jour après jour, ils luttent, souffrent, construisent. Jour après jour ils sont fiers de faire un boulot dont personne ne veut, un boulot trop dur pour le commun des mortels.

Après le magnifique Gris-Oakland, paru dans La Noire en 2003, voici Noir Béton. Un béton trempé dans le sang des hommes qui, immanquablement, un jour ou l'autre, finissent par mourir d'épuisement ou d'accident. Là où Gris-Oakland laissait au personnage principal une échappatoire à travers la musique, Noir Béton ne laisse aucun espoir. Apre, dur, violent, le monde sans pitié de ces travailleurs n'est ici éclairé par rien, ou presque. Juste une soirée, encore en musique, où certains fraternisent, par-delà leurs différences. Le reste du temps, rien, pas une lueur. Juste une lente déchéance, l'alcool de plus en plus indispensable pour calmer les douleurs, pour ne pas rêver et pouvoir dormir.

Ce n'est pas un livre aimable, mais c'est un livre beau. Noir, rugueux, âpre, mais beau, paradoxalement. Beau comme la folie qui les prend, beau comme leur fierté absurde de laisser des traces de leur passage sur terre, beau comme quelques notes de trompette volées, beau comme quelques instants de solidarité.

Avec Thomas Kelly, ou le regretté Larry Brown, Eric Miles Williamson fait partie de ces écrivains américains qui donnent une voix à ceux qui travaillent de leur mains. Ni flics, ni truands, ni avocats,  journalistes ou privés, pas davantage putes, macs ou exclus vivant en marge, ils ont un boulot, dur, violent, dont ils sont fiers, et, d’une certaine façon, sont parfaitement intégrés à la société. Noir béton n’est pas un polar, il n’y a pas d’intrigue, d’enquête, même s’il y a des morts, dont le sort est ouvertement accepté par tous, mais c’est un sacré roman noir. Un roman noir héritier du roman social. La France avait Emile Zola, l’Angleterre Charles Dickens, les US ont Williamson, Brown, Kelly … Nous attendons encore notre Zola contemporain …

Eric Miles Williamson / Noir béton (Two-up, 2006), Fayard/Noir (2008), traduit de l’américain par Christophe Mercier.

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30 octobre 2008 4 30 /10 /octobre /2008 21:41

Je suis arrivé au polar dans les années 80 avec deux auteurs de chez rivages : James Ellroy et Tony Hillerman. Là où le premier vous secoue les tripes, le second vous fait respirer l’air des grands espaces, admirer un lever de soleil sur les falaises rouges d’une canyon, et comprendre, peu à peu, les cultures Navajos et Hopi. Le premier contact avec Tony Hillerman, pour moi, ce fut ça :

« D’ici deux ou trois minutes, le bord inférieur du soleil rouge plongerait derrière les couches de nuages à l’ouest, au-dessus de l’Arizona. Ses rayons obliques de fin d’après-midi étaient presque parallèles à la pente de la colline descendant vers le Zuňi Wash. Ils projetaient l’ombre mobile de Ted Isaacs à près de trois cent mètres en contrebas, et à côté d’elle s’étirait l’ombre immobile du lieutenant Joseph Leaphorn. Chaque genévrier, chaque arbuste jaune et chaque saillie de rocher coupait le gris-jaune de l’herbe automnale d’une bande d’ombre d’un bleu foncé. Au-delà du flanc de la colline, au-delà du quadrillage de ficelles qui marquait la fouille d’Isaacs, à trois kilomètres de l’autre côté de la vallée, se dressait la masse imposante de Corn Mountain,  ses falaises déchiquetées soulignées par les rouges et les roses des reflets du soleil et par les noirs des ombres. C’était l’un des moments de beauté resplendissante que, par la force de l’habitude, Joe Leaphorn prenait le temps de contempler et de savourer. » (Là où dansent les morts).

Et également cela :

« Le souvenir lui revint d’un matin neigeux sur le plateau Lukachukai : de son grand-père qui passait du pollen sacré sur le canon de son vieux 30-30 puis entonnait un chant ; de la voix claire du vieil homme qui s’adressait à l’esprit du cerf afin que la chasse à laquelle il allait se livrer pour avoir de la viande pour l’hiver soit bonne et juste et en totale harmonie avec les choses de la nature, conférant ainsi à l’acte à venir la beauté Navajo. » (Là où dansent les morts).

Mais il serait très réducteur de limiter Tony Hillerman à ces deux aspects. La série Navajo, c’est aussi toute une galerie de personnages, dont ses deux flics de la police tribale, construits roman après roman, que l’on voit enquêter, mais aussi changer, évoluer, souffrir, rire, aimer, pleurer, s’indigner … vivre. Jusqu’à ce qu’ils s’incarnent au point de devenir plus réels que bien des pantins que l’on croise tous les jours.

Joe Leaphorn, l’aîné, grand policier, légendaire dans son service, rationnel, logique et méthodique, qui même s’il ne renie pas ses racines a coupé avec les traditions navajos. Et Jim Chee, plus jeune, qui a suivi les cours à l’université mais étudie pour devenir shaman et recherche l’équilibre dans la tradition de ses ancêtres.

Et ce n’est pas tout. Tony Hillerman est un raconteur d’histoires. Il prend son temps, sait musarder, mais cela ne l’empêche pas de tricoter des intrigues précises et bien construites, et de donner envie de tourner les pages AUSSI parce qu’on veut savoir la suite. Pour finir, comme leurs cousins les romans noirs urbains, ses polars s’appuient sur ce superbe talent de Tony Hillerman pour dresser des tableaux, souvent très sombres, de la situation présente, faite de misère, de perte de repères, d’alcoolisme, et d’incompréhension et/ou de mépris entre blancs et indiens.

Voilà c’est tout ça Hillerman. Tout ça qui va nous manquer maintenant. Nous ne saurons pas si Jim Chee arrive à concilier son travail et sa recherche de racines, si son mariage va tenir. Nous ne serons pas comment Joe Leaphorn vit bien sa retraite. Nous ne saurons plus si la pluie arrive enfin sur les mesas hopis … On attendait ses romans tranquillement, sans impatience, mais rassurés de savoir qu’il y en avait un, pas loin, en attente, et que l’on aurait bientôt des nouvelles de ces amis lointains.

C’est fini. Et c’est bien triste.

 

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Tony Hillerman, et qui voudrait se lancer dans cette aventure, voici une bibliographie (non exhaustive, mais les titres essentiels y sont) des aventures de Jim Chee et Joe Leaphorn. Il vaut mieux, si possible, les lire à peu près dans l’ordre. Ce n’est pas indispensable, mais ne peut qu’augmenter le plaisir.

Joe Leaphorn : La voie de l’ennemi / Là où dansent les morts / Femme qui écoute / Le chagrin dans les fils (*)

Jim Chee : Le peuple des ténèbres / Le vent sombre / La voie du fantôme

Joe Leaphorn  et Jim Chee : Porteurs de peau / Le voleur de temps / Dieu qui parle / Coyote attend / Les clowns sacrés / Un homme est tombé / Le premier aigle / Blaireau se cache / Le vent gémit / Le cochon sinistre / L’homme squelette

(*) Dans l’ordre ont été écrits les Joe Leaphorn (sauf Le chagrin entre les fils qui est le dernier roman de Tony Hillerman traduit en France), puis les Jim Chee, et ensuite la série de romans où ils apparaissent tous les deux. Les données bibliographiques sont tirées de l’indispensable Dictionnaire des Littératures Policières de Claude Mesplède.

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29 octobre 2008 3 29 /10 /octobre /2008 22:16

Contrairement aux apparences, Olen Steinhauer n’est ni hongrois, ni roumain, ni même thèque ou bulgare. Il est américain, pur jus, mais a vécu en Europe de l’est. Il vit aujourd’hui à Budapest.

1956, dans la Capitale d’un pays du bloc communiste. En URSS, le congrès du PCUS commence à critiquer ouvertement Staline. En Hongrie et en Pologne, des mouvements de contestation de l’emprise soviétique s’expriment dans la rue. A la Capitale, c’est l’attente, alors que les prisonniers politiques des dernières années sont tous libérés. C’est dans ce contexte incertain que l’inspecteur Kolyeszar est amené à enquêter sur un meurtre particulièrement barbare : le corps calciné d’un homme a été trouvé dans une maison abandonnée. Avant d’être brûlé vif, il avait eu les bras et les jambes attachés, puis brisés. L’enquête avance lentement, d’autant plus que l’inspecteur est sans cesse occupé ailleurs et commence à se poser des questions sur son rôle : réprimer un manifestation de toute évidence initiée par des agitateurs, retrouver la femme d’un membre éminent du parti, ou comprendre ce que fait là le nouvel inspecteur envoyé par Moscou. Kolyeszar va d’autant plus mal que son mariage prend l’eau, et qu’il n’arrive pas à écrire son deuxième roman.

Après Cher camarade, revoici la brigade criminelle de la Capitale, dix ans plus tard. L’originalité d’Olen Steinhauer, outre de situer ses romans en Europe communiste du temps de la guerre froide, est de changer, à chaque roman, de protagoniste principal. Il enrichit ainsi considérablement ses personnages en confrontant, d’un roman à l’autre, la vérité d’un personnage à la vision qu’en ont ses collègues. Le lecteur doit s’attendre, à chaque nouvel épisode, à voir ses certitudes ébranlées et ses jugements remis en question, dans un contexte où les flics de la brigade se connaissent peu ou mal, et se méfient les uns des autres. Ainsi le salaud, le traître du roman précédent peut devenir le personnage central qui se révèle bien différent, et dont on découvre, de l’intérieur, les motivations, les forces et les failles. Une raison suffisante pour lire toute la série.

Mais ce n’est pas tout. Ses romans sont aussi de vrais bons polars, avec une intrigue solide et un bon suspense qui fait tourner les pages. Le rythme et le style rendent palpables l’ambiance d’une époque, les espoirs, les peurs, les pesanteurs et les traumatismes. Des romans qui présentent bien entendu l’intérêt de se situer dans un territoire méconnu, terrain de fantasmes, lieu de toutes les abominations pour les uns, de toutes les réussites pour les autres.

Or, en bons vrais polars, si la description de la réalité politique est la toile de fond incontournable du récit, les ressorts de l’intrigue sont, comme partout, les passions humaines, les incontournables et internationales passions humaines. Le contexte politique ne change que la façon de les assouvir. C’est sans doute là que réside le secret de la réussite de cette série, c’est là qu’elle s’ancre, c’est aussi cela qui fait que c’est une œuvre littéraire à part entière, et pas seulement la description journalistique ou historique d’un lieu et d’une époque.

Les deux ouvrages suivants sont déjà publiés chez Liana Levy.

Olen Steinhauer / Niet Camarade (The confession, 2004), folio policier (2008), traduit de l’américain par Françoise Bouillot.

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