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21 mars 2008 5 21 /03 /mars /2008 14:45

« L'après-midi où il plut des grenouilles, des perches et des vairons, Sunset découvrit qu'elle pouvait se prendre une raclée digne de celle de Jack Trois-Doigts.» Un roman qui débute comme ça ne peut que sortir du lot. Ou décevoir. Une fois de plus Joe R. Lansdale, un des auteurs les plus singuliers du polar américain (bien moins formaté que ses détracteurs veulent bien le dire), nous offre avec Du sang dans la sciure un mélange très réussi de sang, de sueur et d’humour.

Nous sommes, comme toujours chez Lansdale, dans l’est du Texas. Dans les années 30, en pleine dépression, lalansdale.jpg situation n’y est tendre ni pour les noirs, ni pour les femmes. A vrai dire, elle est dure pour tout le monde. Pete Jones, constable brutal de la petite ville de Tyler, se croit tout permis, tout particulièrement avec sa femme. Il la bat une fois de trop et Sunset, qui ne supporte plus sa violence et ses viols, l’abat. Etrangement, sa belle mère, principale actionnaire de la scierie qui fait vivre la ville, prend sa défense, et lui confie le poste de Constable. Quelques jours plus tard, elle découvre dans le champ du seul propriétaire noir de la région le cadavre d’une femme. Il va alors lui falloir s’imposer, envers et contre tous ceux qui trouvent anormal qu’une femme porte une arme et leur fasse respecter la loi. Une affaire d’autant plus difficile qu’elle va bientôt s’apercevoir que de gros intérêts sont en jeu.

Du sang dans la sciure étant un polar de Lansdale se déroulant dans les années 30 au Texas, on compare forcément à son chef-d’œuvre, Les marécages. Et oui, ce n’est pas aussi génial. Mais c’est tout de même un très très bon polar, et un grand Lansdale.

Sunset est un personnage magnifique, belle, rebelle, indépendante, mais également faible parfois, doutant à par moment. Aussi flamboyante que son nom. Les seconds rôles sont tout aussi réussis, de la belle-mère, une maîtresse femme, au séducteur inquiétant, en passant par le père sur le retour qui réserve quelques surprises, le colosse noir grande gueule, et surtout, surtout, chez les méchants, un croquemitaine délicieusement effrayant. Avec de tels personnages et le talent de Lansdale pour tricoter une histoire, faire fuser les dialogues, et mettre en scène des castagnes homériques, le bouquin est déjà un vrai bonheur.

Comme s’y ajoute la description humaniste et émouvante de ces épouvantables années 30, avec leur cortège de misères, de préjugés, de violence acceptée vis-à-vis des pauvres, des noirs, des femmes … Et la mise en scène spectaculaire et très a propos de phénomènes naturels impressionnants qui viennent souligner et ponctuer l’histoire, on a là un excellent roman noir, très sombre, rehaussé de quelques traits d’humour propres à l’auteur.

Seule restriction, le travail trop rapide de l’éditeur qui laissé passer de très nombreuses fautes de typo et de ponctuation (espaces en trop, ponctuations de dialogues manquantes …).

Joe R. Lansdale / Du sang dans la sciure (Editions du Rocher / Thriller, 2008)

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21 février 2008 4 21 /02 /février /2008 19:05

« Il existe deux choses dont le peuple américain ne veut pas : un autre Cuba sur les territoires d’Amérique centrale, et un autre Vietnam » Ronald Reagan.

Cette phrases, mise en exergue du chapitre 5, résume la thématique centrale de La griffe du chien de Don Winslow. Car même si l’’intrigue romanesque tourne autour du trafic de drogue entre le Mexique et les USA, c’est bien de cela qu’il s’agit en premier lieu.

winslow.jpgArt Keller, ancien de la CIA, est entré à la DEA au retour du Vietnam, et a commencé sa carrière au Mexique. Il y a fait connaissance avec Miguel Angel Barrera, Tio, et ses deux neveux, Adan et Raoul. Tio est flic et l’aide à faire tomber le parrain local de la drogue. Peu de temps après une arrestation qui tourne au massacre, Art s’aperçoit que tout n’a été qu’une manœuvre des Barrera pour prendre en main, non pas la production de drogue, mais le transport de tout ce que produisent les cartels colombiens. Tio et ses neveux visionnaires se sont en effet rendu compte que ce qu’ils avaient de plus précieux à vendre est une frontière immense avec le premier acheteur de drogue du monde. Entre Art Keller et les Barrera, une guerre sans merci s’engage. Une guerre bien plus vaste que celle de la drogue. Une guerre qui fera de très nombreuses victimes, et aura, parmi ses protagonistes Nora, call girl de luxe, Callan, tueur à gage irlandais, la mafia, la CIA, les milices d’extrême droite d’Amérique centrale, l’église …

Ce roman est un vrai monument. Presque huit cent pages pour disséquer le rôle des gouvernements américains successifs dans la répression sanglante des mouvements pro communistes en Amérique centrale dans les années 70 et surtout 80. Pour relier cette action avec le trafic de drogue à la frontière américano-mexicaine. Pour mettre en lumière la corruption de l’état mexicain, et la façon dont les narcos sont devenus plus puissants que l’état lui-même, capables en deux semaines de faire plier l’économie du pays, pour ensuite négocier leur aide. Pour disséquer l’influence de tout cela sur la signature du fameux accord de l’ALENA, qui allait permettre la libre circulation des marchandises et des capitaux entre les deux pays. Et celle de ces conflits sur une autre guerre, beaucoup plus feutrée mais néanmoins sans pitié, celle que se livrent, en Amérique latine, les tenants de la théologie de la libération et l’Opus Dei, très bien vu par le Vatican de Jean-Paul II.

Ce n’est pas pour autant un essai, ou une étude. C’est une véritable œuvre romanesque, avec des personnages extraordinaires, hors normes, du souffle, beaucoup de violence (on s’en douterait), mais jamais gratuite, et une construction impeccable. Une œuvre romanesque qui sait prendre son temps pour décrire les odeurs dans un jardin mexicain ou l’épouvantable tremblement de terre de Mexico de septembre 85.

Une œuvre magistrale, époustouflante, dure, qui prouve, une fois de plus, que les américains savent révéler leurs pires turpitudes avec un talent exceptionnel. Les révéler et les analyser, car Don Winslow ne s’arrête pas à la dénonciation des horreurs perpétrées en Amérique centrale. Il fait également le rapprochement entre ce que coute la guerre contre la production de drogue (qui cache en réalité une guerre contre la révolte de populations exsangues), et ce que couteraient les solutions visant à faire chuter drastiquement la demande aux USA. Il s’arrête là, laissant le lecteur tirer ses propres conclusions … Des conclusions affolantes si on les résume ainsi : mieux vaut des pauvres drogués qui s’entretuent entre gangs, que des pauvres organisés et revendicatifs.

Il nous manque peut-être, en France, quelques écrivains de ce calibre, pour nous mettre sous les yeux certaines vérités désagréables. Nos gouvernants n’ont-ils pas intérêt à avoir dans nos banlieues des pauvres qui brûlent leurs propres voitures, et tiennent des discours islamistes qui ne peuvent que leur aliéner le reste de la population, plutôt que des pauvres organisés avec des revendications qui risqueraient de leur attirer les sympathies d’une bonne partie de la société ?

Mais ceci est une autre histoire non ? Toujours est-il que Don Winslow, déjà excellent auteur de polar avec sa série consacré au privé Neal Carrey passe là à une dimension supérieure et produit un véritable chef-d’œuvre.

 

 

Don Winslow / La griffe du chien (Fayard/noir, 2007).

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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 14:40

Coucou ... Le monde moderne est quand même incroyable : Je suis à des milliers de km de chez moi, je suis passé de l’hiver à l’été, il fait une chaleur à crever ... mais je peux continuer à alimenter mon blog depuis un kiosque internet. Il faut juste que je fqsse gqffe q ce putqin de clqvier qwerty !!!

Après le Chainas, un peu de divertissement était le bienvenu. Coup de chance, Rivages publient d’un seul coup d’un seul trois romans (ou rééditions) d’Elmore Leonard, vieux routier du polar yanqui, impeccable tricoteur d’histoires. Un auteur avec lequel on est sûr, au minimum, de passer un excellent moment. D’autant plus que son dernier, Le kid de l’Oklahoma est un excellent cru.

Leonard-kid.jpg1921, Oklahoma. Carlos Webster, 15 ans, croise pour la première fois la route d’Emmett Long, qui vient braquer un drugstore. La même année, Carlos descend un voleur qui s’en est pris à son bétail. Six ans plus tard, il est devenu Carl Webster, un marshal qui commence à faire parler de lui, quand il descend Emmett Long. La scène a eu un témoin, qui s’empresse d’enjoliver le récit pour la presse. La légende de Carl Webster est née. Elle ne fera que grandir, embellir, et attirer les cinglés, au nombre desquels Jack Belmont, fils d’un millionnaire du pétrole, qui s’est mis en tête de devenir l’ennemi public numéro 1.

Avec ce roman noir Elmore Leonard fait la synthèse entre ses premiers westerns et ses polars.

Il se situe à une époque intermédiaire, dans les années 20-30, où les figures mythiques du crime sont des gangsters en voiture mais avec une légende, et une histoire proche de celles de frères James où d’un Sundance Kid. Bonnie et Clyde, Dillinger, autant de noms qui évoquent des images sépia, légendaires, plus proches de l’imaginaire du far west que des chefs de gang trafiquants de drogue. Webster lui-même, est plus shérif style Lancaster, champion pour dégainer, que flic ou privé à la Bogart.

Le ton noir, social, est celui de ses westerns (dont il me faudra reparler ici, car j’en suis un grand fan) plus que celui de ses polars, habituellement plus humoristiques. L’époque choisie, elle, est la grande époque du roman noir américain. D’un autre côté, on retrouve une thématique présente dans ses westerns : le rôle d’une presse naissante dans la création des mythes modernes.

Tout cela avec la fluidité d’Elmore Leonard, ce métier, cet art qui donne l’impression, comme chez McBain, qu’il doit être très facile d’écrire de telles histoires. Grave erreur !! Très grave erreur !! C’est du grand art, de cet art poussé au point de laisser une impression de facilité.

Elmore Leonard / Le kid de l’Oklahoma (Rivages/thriller, 2008).
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9 février 2008 6 09 /02 /février /2008 15:45

Hasard ! A peine refermé La Rousse de l’incontournable Ed McBain, je découvre, parmi les sorties de chez Rivages, Le paradis des ratés, du même Ed McBain. Et que m’apprend la quatrième de couverture ? Que le héros de ce roman récent, avocat résidant en Floride, va y rencontrer … Carella. Inutile de dire que je me suis précipité sur le bouquin.

 

Matthew est avocat en Floride. Il est contacté par une jeune femme qui n’a plus de nouvelles de son mari, partiMcBain-Paradis.jpg dans le nord quelques mois plus tôt. Elle veut absolument le retrouver pour pouvoir divorcer. Quelques jours plus tard, le cadavre du mari est retrouvé sur la plage. Mais surprise, ce n’est pas lui, mais un inconnu qui a ses papiers en poche. Matthew appelle alors la police d’Isola, où le mari fugueur a été vu pour la dernière fois. Il tombe sur un certain Steve Carella qui accepte de lui donner un coup de main …

 

Que du bonheur. L’art inimitable de McBain pour les dialogues, son humour, son sens du rythme. Avec en prime un hommage souriant à un autre maître, Elmore Leonard. C’est vrai que, la Floride, les personnages de petits truands, le côté décontracté font parfois penser à Leonard. Puis, vers la fin, McBain le cite ouvertement, petit clin d’œil au collègue.

 

Le résultat est impressionnant de facilité, de fluidité, tout semble absolument évident. A commencer par la construction, faite d’aller-retour entre passé et présent tellement bien amenés qu’on n’a jamais l’impression qu’il y a eu un travail de construction, et qu’il ne viendrait jamais à l’idée de dire que c’est un travail de virtuose. On aurait presque l’impression que c’est très facile d’écrire comme ça. Que ça vient tout seul. Qu’il suffit de se mettre devant la page pour que ça sorte. Jusqu’au moment où on essaie …

 

Un petit extrait, le clin d’œil à Elmore Leonard.

 

-          D’accord le coup du chapeau fit-elle. Si dans une même partie de cricket, de hockey sur glace, de football ou d’un jeu du même genre un seul joueur marque trois buts, c’est ça le coup du chapeau. […]

-          Comment se fait-il que tu connaisses le coup du chapeau ?

-          J’ai lu un roman d’Elmore Leonard.

-          Elmore Leonard écrit sur le cricket ?

-          Non il faisait référence au sexe. Un type qui se tapait trois femmes différentes dans la même nuit.

-          Ca me fait penser …commença-t-il.

-          Au cricket ? demanda-t-elle.

-          Au sexe.

 

A propos, Rivages sort actuellement 3 romans de Leonard. Une réédition de nouvelles western (youpi, j’adore ses westerns), un nouveau polar et la réédition d’un polar/aventure des années 80. On en reparle.

 

Ed McBain / Le paradis des ratés (Rivages/noir, 2008).

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6 février 2008 3 06 /02 /février /2008 10:23

Bunker001.jpg« De tous les mecs qu’on peut un jour croiser sur sa route, Eddie Stark n’était pas, et de loin, le plus gentil. ». Ainsi commence Stark, d’Edward Bunker.

Nous sommes à Los Angeles, vers la fin des années 60. Eddie Stark est un petit arnaqueur, en train de devenir accro à l’héroïne. Sa dépendance lui coûte de plus en plus cher. Comble de malchance, il s’est fait épingler par un flic des stups et a dû accepter de devenir une balance pour ne pas retourner en prison. Entre son envie de devenir un maillon essentiel de la distribution de drogue, et sa nécessité de satisfaire la police, Eddie va tenter de louvoyer sur le fil du rasoir, quitte à lâcher à la première occasion ceux qui croient être ses amis.

Les lecteurs d’Edward Bunker le savent déjà, chez lui pas de mythologie de la pègre. Une pègre qu’il a bien connue, de l’intérieur, dès son adolescence. Les truands de Bunker ne sont pas glamour, ils n’ont pas de code d’honneur, ne sont pas des génies du crime, ni des redresseurs de torts. Ce sont des individus moyennement intelligents, égoïstes, sans scrupules ni morale, souvent méchants, essentiellement préoccupés par leur petite personne et l’envie de gagner, vite, le magot qui les mettra à l’abri d’un retour en cabane.

Eddie Stark ne fait pas exception à la règle. La première phrase du roman le définit parfaitement. La suite de ce roman de jeunesse de Bunker est à l’avenant, et annonce bien ses chef-d’oeuvres à venir. On y trouve déjà le ton et le style qui le caractérise : sec, noir, sans effets de manche, sans concession et sans pitié.

Edward Bunker / Stark (Rivages/Thriller, 2008)

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30 janvier 2008 3 30 /01 /janvier /2008 21:46

Après les aventures enthousiasmantes du gang de la clé à molettes, Gallmeister publie Le feu sur la montagne, un roman antérieur d’Edward Abbey, où il fait déjà preuve de la même combativité, et du même refus de ce que tous, pourtant, présentent comme inéluctable.

 

abbey-feu.jpgJohn Vogelin est vieux, rude et très têtu. Le désert et les montagnes qui entourent son ranch au cœur du Nouveau-Mexique sont toute sa vie. Son grand-père et son père l’ont défendu, les armes à la main, contre les apaches, les banques et les compagnies de chemin de fer. Aussi l’armée américaine tombe-t-elle sur un os le jour où elle vient l’exproprier pour agrandir son champ de tir de missiles. Aucun argument, qu’il soit financier, juridique ou patriotique ne fera bouger John de sa terre. Quant aux menaces, elles ne font que rendre encore plus granitique son refus de tout compromis.

 

Prévoyez d’avoir à portée de main un grand verre d’eau glacée et une paire de lunette de soleil. Le simple fait d’ouvrir ce roman va faire souffler chez vous un vent chaud et sec, va faire plisser vos yeux, va vous assécher les papilles. Le désert est palpable à la lecture de ces pages, les couleurs éclatantes, la luminosité aveuglante,  la chaleur accablante.

 

Et que dire de John Vogelin, rude, minéral et inébranlable comme sa terre ? Quel personnage ! Capable de fixer des limites, et de s’y tenir, préférant avoir raison seul que tord avec une bande de cons. En ces temps de consensus mou, de politiquement correct, et d’acceptation de tout et de son contraire, au nom de la force des choses, Edward Abbey et son personnages affirment et confirment qu’un homme doit se dresser, jusqu’au bout, contre ce qu’il considère comme inacceptable. En ces temps où le bonimenteur au sourire de publicité est un héros, où l’apparence et l’argent sont les seules choses qui comptent, où nos politiques prétendent ne rien pouvoir faire parce que la mondialisation, l’Europe, le marché, l’économie … John Vogelin oppose un NON indéracinable, indiscutable, non négociable.

 

Quand on lui oppose l’argument définitif de la sécurité nationale, mise en danger par l’ours soviétique voilà ce qu’il répond :

 

« D’accord […] il y a plus de sécurité nulle part. Je ne veux pas de sécurité. Je veux mourir dans le ranch de mon père. »

 

Même si l’on ne partage pas forcément le combat du vieux couguar, on ne peut qu’admirer son courage. Et peut-être s’en inspirer un tout petit peu.

 

Edward Abbey / Le feu sur la montagne (Gallmeister/Noire, 2008)

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28 décembre 2007 5 28 /12 /décembre /2007 11:16

Voilà un curieux roman que j’ai été plusieurs fois à deux doigts d’abandonner pour cause de lenteurs, et que j’ai lu jusqu’au bout parce qu’il a trop piqué ma curiosité pour que je l’abandonne. Qui donnait parfois envie de sauter des passages, sans que je le fasse, car l’intrigue très subtile se cache là où on ne l’attend pas...

 

Mysteres.gifSunshine, petite ville canadienne qui tente d'attirer le tourisme. Cam Husher, propriétaire d’un parc animalier crée la polémique en édifiant un cercle de pierres sur les lieux d'un cimetière indien revendiqué par les Nations Premières (c’est comme ça, visiblement, qu’on appelle les indiens au Canada). Le soir de l'inauguration, Alice Pederson, dentiste de la ville disparaît. Alice, originaire de Sunshine mais mariée avec un noir, père au foyer. Alice dont les infidélités étaient commentées par toute la ville. Alice qui a pris une part importante à l’édification du cercle de pierres. Avec l'enquête, ce sont tous les petits secrets que les uns et les autres voudraient bien garder pour eux qui remontent à la surface. Son corps ne sera découvert que deux ans plus tard, relançant les soupçons des uns et des autres.

 

Chaque chapitre donne la parole à un nouveau protagoniste du drame, et retrace, par petites touches, la vie de cette petite ville provinciale étouffante durant les deux ans qui s'écoulent entre l'édification du cercle de pierres et la réouverture de l'enquête. Cette variété fait la richesse du roman, et maintient un mystère (ou plutôt, comme le suggère le titre, des mystères), révélant peu à peu des turpitudes connues de tous, mais que tout le monde fait semblant d'ignorer. Pédophilie que tout le monde soupçonne mais que personne ne veut vraiment voir, racisme et homophobie latents bien que jamais ouvertement déclarés, méfiance envers les indiens dans leur réserve … C’est tout cela qui forme, peu à peu, le tableau de l’enfer ordinaire de cette petite ville.

 

La construction, parfois artificiellement complexe, est également à l'origine des faiblesses du roman qui parfois trop mou et lent, arrive à ennuyer le lecteur, le perd inutilement, avant de capter de nouveau son attention. On ferme le roman avec l'impression d'être passé assez prêt d'un très bon livre, malgré des détours et lenteurs qui donnent, à certains moment, envie de l'abandonner.

 

Robert McGill / Mystères (The mysteries), Série Noire (2007)

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12 décembre 2007 3 12 /12 /décembre /2007 20:54

Voici donc, à cette heure, le dernier polar des grands espaces édité par Gallmeister. C’est celui qui me laisse l’impression la plus mitigée. On ne sait visiblement pas grand-chose de son auteur Trevanian. Si vous recherchez sur le web, vous lirez, à peu près partout le même petit paragraphe, disant qu’on ne sait pas grand-chose de lui, et qu’il a vécu dans les Pyrénées basques. La sanction, publiée en 1972 a semble-t-il été porté à l’écran par le grand Clint, je n’avais jamais entendu parler de ce film.

 

trevanian.jpgJonathan Hemlock a plus d’une corde à son arc : Professeur d’histoire de l’art, collectionneur, alpiniste de renommée internationale, il est également tueur indépendant pour le compte du CII, une officine de renseignement américaine. Les importantes sommes qu’il gagne en abattant ceux qui s’en sont pris à des agents du CII lui servent à acheter, au marché noir, les toiles qu’il collectionne. Sa prochaine mission s’avère particulièrement dangereuse : la cible de la sanction est un des trois alpinistes qu’il va devoir accompagner lors de l’une des courses les plus risquées au monde : la face nord de l’Eiger. Il lui faudra découvrir la personne à abattre, accomplir sa mission, et survivre à l’ascension.

 

Comme certains vins, ce roman m’a laissé une impression contrastée. 

 

Au premier abord (le nez et l’attaque en bouche) tout va bien. L’auteur ne manque pas d’humour, il a un vrai talent pour décrire les beautés d’une nature sauvage et particulièrement impressionnante, et sait parfaitement happer le lecteur dans un suspense sans faille. On comprend bien que Clint Eastwood ait tiré un film de ce roman, dont le final, dans la paroi de l’Eiger, est époustouflant et particulièrement cinématographique.

 

Mais une fois le bouquin fermé, et l’excitation de l’intrigue passée, il laisse un arrière goût assez désagréable. Trevanian (et son personnage) n’aiment personne (ou si peu) et regardent la pauvre humanité qui les entoure avec mépris et morgue. Cela pourrait être nécessaire à la cohérence du personnage qui n’est pas particulièrement sympathique, si l’auteur ne se laissait pas aller de temps à autre à des schématisations plus que limite (les allemands sont ceci, les suisses cela …). A sa décharge, il faut reconnaître que sa misanthropie est complète, et que ni ses compatriotes américains, ni son gouvernement n’échappent pas à son dédain et à ses critiques.

 

Une sanction prenante, cynique, intelligente, misanthrope et glaciale comme l’ascension de la face nord de l’Eiger !

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3 décembre 2007 1 03 /12 /décembre /2007 20:47

Voici le nouveau roman de Jerry Stahl, qui avait fait des débuts remarqués en France avec un polar complètement déjanté et survolté, A poil et en civil.

 

Ceux qui s’attendent à lire un nouvel OVNI dans la tonalité du premier vont être surpris. Surpris, mais pas du tout déçus. Moi, Fatty, dans un genre totalement différent, est, à mon avis, encore meilleur que le précédent.

 

Moi-Fatty.jpgFatty c’est Roscoe Arbuckle un gamin du Kansas obèse martyrisé par un père ivrogne. Dès qu’il peut, il s’enfuit avec une troupe de théâtre et se retrouve à Los Angeles. Là il a la chance de rencontrer le cinéma naissant, et commence à tourner des bobines chez Mack Sennett. Sa silhouette et son talent comique sont reconnus, et il signe des contrats en or qui font de lui un millionniare. C’est le grand boom du démarrage d’Hollywood, ses amis s’appellent Keaton, Chaplin, Fairbank … Au moment où l’Amérique se rigidifie et vote la prohibition, ils mènent une vie de nababs et passent de fêtes en fêtes. Jusqu’au jour où Fatty se fait piéger et se retrouve entre les griffes d’un procureur ambitieux sous l’inculpation de viol et de meurtre. Il a beau être innocent, les ligues de vertu veulent du sang, les studios doivent se racheter une virginité, il plongera. Après la gloire et l’adulation, viennent l’enfer et la haine.

 

Difficile de classer ce roman dans une de nos chères catégories. Il parait certes dans une collection de polars, et c’est vrai qu’il est noir. Mais il aurait très bien pu être publié ailleurs. Pas de meurtre à élucider, de flic ou de privé, mais un roman en deux parties. 

 

La première est passionnante pour tout cinéphile, même ayant une culture aussi limitée que la mienne sur le cinéma muet et le burlesque (je n’avais par exemple jamais entendu parler de Fatty). Voir le démarrage des grands studios, la façon de travailler de légendes comme Buster Keaton, ou Charlie Chaplin, observer l’émergence d’un art au début méprisé par les gens de spectacle … Le tout fort bien conté. Rien que pour cela, le roman de Jerry Stahl vaut la peine.

 

La deuxième partie, la mise à mort médiatique de Fatty, est bouleversante et atterrante. Bouleversante car le roman est véritablement habité par son sujet, et le lecteur ressent la détresse, le désespoir d’un homme qui s’est cru aimé par les gens et voit à quelle vitesse ils se mettent à le haïr. Un homme qui a cru sortir de l’enfer de son enfance, et s’y retrouve plongé d’un coup, sans avoir rien vu venir. Atterrante pour sa description du poids d’une morale rigide et de la saloperie de média charognards prêt à tuer un homme pour vendre leur soupe, pour sa peinture du comportement de la foule, prête à lyncher celui qu’on désigne à sa vindicte. Difficile quand on lit cela de ne pas penser au retour des fondamentalistes, difficile de ne pas penser à quelques lynchages médiatiques récents, difficile de croire que c’est un hasard si Jerry Stahl écrit ce roman aujourd’hui … Un excellent roman qui nous dit, aujourd’hui, de garder les yeux très grands ouverts.

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19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 21:58

Il est des gens qui agacent. Kris Nelscott, alias Kristine Grayson, alias Kristine Kathryn Rush de son vrai nom est de ceux-là.

 

Sous son vrai nom, elle publie et écrit de la SF et de la fantasy, avec un certain succès puisqu’elle a réussi à recevoir le prix Hugo en tant d’auteur et en tant qu’éditeur.

 

Sous le pseudo de Kris Nelscott elle a reçu le prix Ellery Queen, et a créé le privé noir Smokey Dalton, témoin privilégié des bouleversements de la société américaine dans les années qui suivent immédiatement l’assassinat de Martin Luther King. Smokey a recueilli Jimmy, un orphelin d’une dizaine d’années qui a vu l’assassin de Luther King. Or le meurtrier n’est pas celui que la police a « trouvé » et le FBI est sur les traces de Jimmy pour l’éliminer. Smokey et Jimmy ont fuit Memphis pour se cacher à Chicago, sous un faux nom.

 

Kris-Nelscott.jpgLes faiseurs d’anges, publié chez l’Aube noire, est le quatrième volume de la saga. 1969, Chicago. Smokey Dalton rentre chez lui avec son amie quand il entend du bruit dans l’appartement d’en face. Ils poussent la porte et trouvent une jeune femme qu’il ne connait pas en train de se vider de son sang. Ils réussissent à l’amener aux urgences de l’hôpital le plus proche où le médecin de garde ne veut pas s’en occuper avant qu’elle ne lui dise si elle est victime d’une fausse couche ou d’une avortement clandestin. Smokey est noir, la victime également, mais l’amie de Smokey est blanche et très riche ; elle fait plier le toubib. A la demande de sa voisine, qui est la cousine de la jeune femme, Smokey va se lancer à la recherche du boucher qui l’a ainsi massacrée, ainsi que de l’homme qui l’avait violée. Une enquête difficile, dans des rues de plus en plus dangereuses, où les gangs et la police se livrent une guerre sans pitié.

 

Kris Nelscott poursuit sa chronique du racisme ordinaire aux lendemains de l’assassinat de Martin Luther King. Comme dans le précédent, misère, racisme, main mise de plus en plus forte des gangs sur les rues du ghetto, et violences policières forment la toile de fond de ce nouveau polar. L’accent est ici mis sur la situation des femmes, comme beaucoup trop souvent victimes à la fois de la violence masculine et de l’hypocrisie d’une société rigide et religieuse. Une société qui ne les défend pas quand elles sont violées, puis les criminalise quand elles veulent avorter. A déconseiller aux amateurs d’intrigues serrées, Kris Nelscott prend son temps, ne craint pas les digressions pour décrire un quartier, ou s’intéresser au sort d’une gamine que l’on ne verra plus, avant d’accélérer le rythme dans le final. Chaudement recommandé à tous ceux qui aiment les personnages fouillés, et qui apprécient de sentir une atmosphère, un lieu, et un moment historique particulier.

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Présentation

  • : Le blog de Jean-Marc Laherrère
  • : Il sera essentiellement question de polars, mais pas seulement. Cinéma, BD, musique et coups de gueule pourront s'inviter. Jean-Marc Laherrère
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