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19 décembre 2008 5 19 /12 /décembre /2008 23:21

Certains se souviennent peut-être d’un OVNI qui avait marqué, avec le premier roman de Louis-Ferdinand Despreez, les débuts de Rayon Noir, la collection polar de chez Phébus. Il s’agissait de Déjanté, de l’irlandais Hugo Hamilton. On y faisait connaissance avec un flic de Dublin complètement allumé.


Et bien il revient, dans Triste flic, et il ne s’est pas calmé. Revoilà donc Pat Coyne, flic irlandais de Dublin passablement … énervé. Rien ne va plus pour ce pauvre Pat. Depuis l’incendie où il a failli laisser sa peau, il est en congé maladie, sa femme l’a quitté, son fils déconne à plein tube, et surtout, surtout, les irlandais perdent la tête, tournent le dos à leur identité et se vautrent avec délice dans la consommation mondialisée et médiatisée. Un cauchemar pour Pat qui se sent garant de l’irlanditude de ses compatriotes. Alors Pat va se retrousser les manches, et tenter de redresser tout ça. Vaste programme.


Est-ce vraiment un polar ? Le fait de prendre pour personnage un flic (en arrêt maladie) et de le placer en permanence au bord de la rupture est-il suffisant pour en faire un roman noir ? Je laisse chacun juge de la réponse.


Mais finalement, on s’en fiche parce que c’est le pied. Pat Coyne est complètement cinglé, et absolument magnifique. Il fait tout de travers, ne résout rien, braille à tout va, s’indigne, picole, gesticule … Nous fait rire, et nous donne envie de pleurer. Difficile de dire par quel tour de passe-passe Hugo Hamilton arrive à rendre un tel cinglé aussi sympathique. Parce que, si on n’y regarde pas de très près, il pourrait être très antipathique ce Pat, à vouloir rester absolument comme au bon vieux temps, à vouloir protéger les irlandais des attaques contre l’irlanditude, à sembler refuser tout ce qui change, et tout ce qui vient d’ailleurs …


Mais, mais, mais … ce qui le fait bouillir c’est le bling, bling, la consumérisme effréné, les tics soi-disant identitaires portés comme autant de badges, la perte de valeurs communes hors l’argent, la vulgarité effrayante de l’affichage de la réussite financière … C’est pour cela qu’on l’aime. Et puis il est touchant et drôle, et il crie et fait ce qu’on pense parfois très fort et qu’on n’ose pas crier ou faire. Ce qui donne des scènes d’anthologie.


Alors certes, ne cherchez pas ici une intrigue finement construite. Pat de construit pas, il dynamite, il disperse, il ventile, il éparpille façon puzzle ... Comme père, ami, frère ou voisin, il doit être absolument épuisant. Comme héros, il est jouissif. A lire donc, pour lutter contre la sinistrose.


Hugo Hamilton / Triste flic (Sad bastard, 1998), Phébus (2008), traduit de l’anglais (Irlande) par Katia Holmes.
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20 octobre 2008 1 20 /10 /octobre /2008 21:58

Toute l’Irlande change à toute vitesse, l’argent afflue, les repères se perdent, une nouvelle pauvreté s’installe … Mais tout le monde est choqué par l’assassinat d’un prêtre, retrouvé décapité à Galway. Etrangement, c’est Jack Taylor, qui vient juste de sortir de trois mois dans un asile où il végétait à la suite de la mort de la petite Serena dont il avait la garde, qu’un curé vient chercher pour faire la lumière sur cette affaire. Jack, plus paumé que jamais, se retrouve pris entre une église qui tente désespérément de se dépêtrer de nombreux cas de pédophilie, et des victimes qui se sont, parfois, transformées en bourreaux. Pas de quoi améliorer son moral.

Même si Jack est capable de manier l’humour le plus noir dans les circonstances les plus dramatiques, ne comptez pas sur ce nouveau roman de la série pour vous remonter le moral. C’est à chaque fois la même chose. On croit que Ken Bruen et son personnage ont touché le fond, mais, non, il arrive toujours à l’enfoncer un peu plus. C’est encore le cas dans La main droite du diable. Jack Taylor y est animé, tout le long du roman, d’une rage incontrôlable associée à une dépression sans fond.

Son état d’esprit est en phase avec une nouvelle Irlande totalement perdue, qui garde ses superstitions mais perd tout respect pour une église trop souvent impliquée dans des affaires de pédophilie, qui ne croit plus dans ses religieux mais ne peut sauter le pas de la laïcité. Une Irlande qui perd son identité, sa culture, les valeurs qui la construisaient (pour le meilleur et pour le pire), diluées dans le consumérisme le plus débridé et l’imitation aveugle du modèle américain. Au milieu de tout ça, Jack Taylor, l’homme des livres et des vieux pubs, se sent chaque jour d’avantage un homme du passé perdu dans un monde où il n’a plus sa place. Un homme qui connaît, et aime, bien plus de morts que de vivants.

Et malgré tout, on sent un tel amour pour ses personnages chez Ken Bruen, qu’on en redemande. Il a beau nous faire sombrer un peu plus à chaque roman, il nous tarde déjà de retrouver Jack, avec peut-être le secret espoir qu’un jour, un vrai rayon de soleil brillera aussi pour lui. A moins que le lecteur de polar ne soit masochiste …

Et puis, avant le nouveau Jack Taylor, on aura peut-être droit à un petit R&B pour se détendre ?

Ken Bruen / La main droite du diable (Priest, 2006), série noire (2008), traduit de l’anglais (Irlande) par Pierre Bondil.
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5 août 2008 2 05 /08 /août /2008 17:33

J’avais écrit fin mars, que le premier Adrian McKinty, à savoir A l’automne je serai peut-être mort, allait passer sur le dessus de la pile … Il y est resté un moment mais ça y est, je l’ai lu.

Michael Forsythe, à peine vingt ans, est obligé de quitter Belfast et de travailler pour la pègre irlandaise à New York. Son intelligence, son entraînement dû à un passage houleux dans l'armée anglaise, et son sang froid le font rapidement remarquer. Un peu trop remarquer, même par la maîtresse du boss. C'est comme ça qu'il va se retrouver dans une prison atroce, au fin fond du Mexique. Une prison dont il ne reviendra qu'avec une idée en tête : se venger.

Voici donc la première apparition de Michael Forsythe que l'on retrouvera dans Le fils de la mort. Dès ce premier volume, le personnage est en place : intelligent, intellectuel même, grande gueule, indiscipliné, plein de ressources, et surtout, décidé à survivre, à tout prix. Et comme McKinty prend un malin plaisir à le plonger dans les situations les plus glauques, c'est forcément très sombre. Je ne sais pas comment fait l’auteur pour rendre plausible une telle accumulation de péripéties qui, racontées par un autre, frôleraient le ridicule, mais il est un fait qu'il arrive à rendre crédible des situations les plus rocambolesques.

Cela tient sans doute à son écriture et à son personnage, à la fois cynique, romanesque, poétique, drôle, et parfois lyrique. Pour résumer, irlandais ! Du moins irlandais comme McKinty, Bruen ou Bateman nous font imaginer les irlandais. A posteriori donc, voici une confirmation : Dès son premier roman Adrian McKinty s’affirme comme un grand du roman noir irlandais, qui compte pourtant quelques pointures. Il présente l’originalité de garder son caractère national, tout en faisant voyager ses personnages d’un côté à l’autre de l’Atlantique.

J’ai appris récemment qu’il vit maintenant en Australie. Alors bientôt un irlandais chez les kangourous ?

Adrian McKinty / A l’automne, je serai peut-être mort (Dead I well may be, 2003), Folio policier (2008). Traduction de l’anglais (Irlande) par Isabelle Arteaga.

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23 juin 2008 1 23 /06 /juin /2008 17:07

Je vais commencer par évacuer ce qui m’a agacé dans ce roman, d’autant plus que cela n’a rien à voir avec l’auteur ou le livre, seulement avec l’éditeur, Fayard Noir. Sur la quatrième de couverture, l’éditeur donc, non content de ne citer que les quatre romans de Ken Bruen publiés chez Fayard (en faisant donc l’impasse sur les deux séries Jack Taylor et R&B publiées à la série noire) écrit, en toute modestie,  « Le meilleur roman de Ken Bruen ». J’ai trouvé ça agaçant et mesquin. Problème évacué.

London Boulevard est donc un roman … londonien de Ken Bruen, mais ne fait pas partie de la série R&B. Après trois ans de taule Mitch est libéré. Son copain Norton l'attend. Au programme : braquages, intimidations de mauvais payeurs, tabassages. Le tout au service du caïd local. Mais Mitch ne veut pas retourner en cabane. Alors en parallèle, il tente de trouver un travail légal, et de s'éloigner de son ancien monde. Il se retrouve homme à tout faire chez Lilian Palmer, ancienne star de théâtre, richissime, et complètement allumée. Il devient vite son amant. Le malheur est que ses deux mondes ne peuvent pas cohabiter, et que l'un comme l'autre le veulent tout entier …

Du pur Ken Bruen : style sec, phrases courtes, références littéraires permanentes. Même si Mitch n'est ni privé ni flic dans un quartier chaud, il est sans conteste un cousin de Jack Taylor et de Robert et Brant. Ken Bruen s'attaque à un grand classique du polar : La difficile, pour ne pas dire impossible réinsertion d'un taulard, mais, comme toujours le fait à sa sauce. Il rend  hommage au cinéma noir et en particulier au magnifique Sunset Boulevard de Billy Wilder, ainsi qu'à ses écrivains préférés, de Harry Crews à Robin Cook en passant par James Sallis et George Pelecanos.

En bref, même sans ses personnages fétiches, Ken Bruen reste Ken Bruen , un grand du polar.

Ken Bruen / London Boulevard  (London Boulevard, 2001), Fayard noir (2008). Traduction de l’anglais (Irlande) par Catherine Cheval et Marie Poux.

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19 mai 2008 1 19 /05 /mai /2008 20:05

« Angie James était gravement dérangée. »

Malheureusement pour Roberts et ses collègues, elle s’est associée à deux truands sans envergure et a décidé d’extorquer du fric à leur commissariat. Résultat, des bombes commencent à exploser tout autour, et pour mener l’enquête Roberts a l’embarras du choix : l’agent Falls qui tente d’oublier ses problèmes dans la vodka ; l’inspecteur Porter Nash qui a des problèmes de santé ; l’agent McDonald qui fait toujours preuve d’une bêtise affligeante … Ou il plonge dans l’inconnu, l’imprévisible, avec Brant. Bref, Angie n’a pas finit de faire tourner la police londonienne en bourrique, et forcément, Brant va rentrer dans la danse.

Ceux qui n’aiment pas la série R&B n’aimeront pas, les autres adoreront, c’est du R&B pur jus. Pour ma part, j’ai choisi mon camp, j’adore ça. C’est réjouissant, méchant, allumé et totalement incorrect. On le lit d’une traite, et on ne s’aperçoit qu’à la fin que Ken Bruen accumuler les clichés pour mieux s’en amuser. Jugez plutôt, ne serait-ce que la composition de l’équipe de flics :

Roberts a des problèmes de relations avec un chef obtus. Il y a un homosexuel, une noire (ce qui permet de rassembler en un personnage la femme et le représentant d’une minorité), un imbécile, une nouvelle recrue. Impossible de faire plus cliché. Mais il y a aussi le bâton de dynamite : Brant. Qui déteint sur les autres, et finit par rendre tout le monde complètement cinglé.

Du coup chez Bruen les relations entre la police et les civils sont tout sauf consensuelles. Voilà ce que Falls, qui s’aperçoit avec horreur qu’elle ressemble de plus en plus à Brant, pense de tous ceux qui ne sont pas flics :

« - Ses intentions étaient peut-être bonnes.

-          Il fait partie de la population … Elle n’a jamais de bonnes intentions. »

Et quand ladite population se trouve en contact avec cette équipe de branques, la réaction est la suivante :

« - Si ce sont les bons, puisse Dieu nous venir en aide »

Le lecteur sait, lui, que face à Brant et sa bande, personne ne peut leur venir en aide !

Une fois de plus donc Ken Bruen, tout en respectant à lettre les codes du roman procédural tel que l’a « inventé » le génial Ed McBain, et tel que l’ont ressassé jusqu’à la nausée les copieurs sans talent et les scénaristes de séries télé sans imagination, dynamite le genre (l’expression est particulièrement adapté pour cet opus), pour mieux le prendre à son compte et lui rendre le plus bel hommage qui soit.

Car si les enquêtes sont souvent minces, et ne doivent leur résolution qu’à la bêtise des truands qui, miraculeusement, surpasse celle des policiers, si l’on rit beaucoup, si l’on a l’impression de ne lire qu’une farce, on s’aperçoit, peu à peu que, comme chez son grand inspirateur, les personnages prennent de l’épaisseur, gagnent en humanité et en noirceur et que la tragédie s’invite, l’air de rien, dans cette comédie loufoque.

Ken Bruen est grand, Brant est son prophète.

Ken Bruen / Vixen (Vixen, 2003) série noire (2008). Traduit de l’anglais (Irlande) par Daniel Lemoine.

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30 mars 2008 7 30 /03 /mars /2008 17:47

Je n’ai pas encore lu, A l’automne, je serai peut-être mort, première apparition de Michael Forsythe. Il est dans la pile. Après la lecture du dernier roman d’Adrian McKinty, Le fils de la mort, il est passé sur le dessus.

 

Michael Forsythe est un ancien malfrat, protégé par le FBI après avoir fait tomber de gros bonnets de la mafia irlandaise de New York. Michael Forsythe est aussi un vrai dur à cuire, poursuivi par une poisse phénoménale. C’est comme ça que, pour ses premières vacances en cinq ans hors de la protection du FBI, il se retrouve pris dans une émeute opposant supporters anglais et irlandais à Tenerife. Emprisonné, il est obligé d’accepter la proposition des services secrets anglais d’infiltrer un groupuscule dissident de l’IRA aux US. Un groupuscule que l’on soupçonne de refuser le cesser le feu que Tony Blair est en train de signer avec le mouvement irlandais. Coincé, Michael accepte la mission, sans se douter qu’une fois de plus, sa déveine va le mettre dans une situation intenable.

 

Quel bouquin ! Le fils de la mort démarre sur les chapeaux de roues par une scène apocalyptique, mais finalement assez drôle quand on arrive à prendre un peu de distance (ce que l’auteur fait très bien). Il se conclue sur un final apocalyptique, mais pas drôle du tout. Entre les deux, McKinty installe un faux rythme, tranquille en apparence. Le récit prend le temps de s’installer, tout en distillant, de temps autre, quelques indices des horreurs à venir, histoire de maintenir le lecteur dans d’inquiétude latente. Puis tout s’emballe, se durcit, en un crescendo implacable.

Mais ce n’est pas tout. McKinty n’a pas écrit un simple thriller à l’efficacité redoutable, formaté best-seller. C’est un vrai roman, dense, avec des personnages extraordinaires, complexes, au premier rang desquels, bien sûr, Michael Forsythe, archétype du hard-boiled, suicidaire, tête brûlé, masochiste, increvable, ambigu. Beaucoup trop ambigu pour être un personnage de best-seller. L’immense Clint dans ses plus grands jours. Les seconds rôles aussi sont impeccables, avec des rôles de femme à la fois lumineux et sans pitié, un tueur effrayant à souhait …

L’écriture est à la hauteur, capable de passer du lyrisme poétique à des dialogues incisifs et drôles, toujours en adéquation parfaite avec l’histoire. Pour finir, même s’il est « catalogué » par l’éditeur « auteur américain », McKinty reste très irlandais, dans le choix de ses personnages, dans les thématiques de ses romans, dans son humour noir, surnageant dans les pires situations. Ecriture, personnages et humour irlandais, dans les grands espaces américains. Une synthèse originale, et parfaitement réussie. Un grand roman à ne pas laisser passer.

Adrian McKinty / Le fils de la mort (Série Noire, 2008)

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6 octobre 2007 6 06 /10 /octobre /2007 11:50

La série noire (et folio policier ensuite en poche), éditent deux séries de l’Irlandais Ken Bruen. La première, R&B est noire et très drôle. Elle a pour personnages principaux deux flics londoniens affreux (machistes, limite ripoux, violents, grossiers, racistes … et j’en passe). Le seconde se situe à Galway, et met en scène Jack Taylor, ancien Guarda (police irlandaise) viré pour alcoolisme (ce qui est un exploit), qui s’est reconverti en privé. Elle est noire et … très sombre.

 

Le Dramaturge est le quatrième roman de la série Jack Taylor. Jack est en train de s’acheter une conduite : il ne boit plus, ne se drogue plus, et envisage même d’arrêter de fumer. Heureusement il lui reste la lecture, et l’amitié de Jeff et Cathy. C’est justement Cathy qui va le mettre sur une nouvelle affaire. Elle lui demande d’aller voir son ex dealer en prison. Celui-ci est persuadé que sa sœur, trouvé morte au bas d’un escalier, a été tuée, et demande à Jack de mener une petite enquête. Quelques jours plus tard c’est Jeff qui le supplie d’aider un copain, soupçonné à tord de pédophilie. Il craint par dessus tout une milice de « bons citoyens » qui a commencé à sévir à Galway. Comme toujours, Jack va tout faire à l’envers …

 

Ce roman va encore plus loin dans la noirceur. Et comme Ken Bruen est un grand auteur, ça laisse des traces. Que le lecteur le sache avant de s’y plonger dans un moment de déprime. Tout se ligue pour faire replonger Jack dans son cycle autodestructeur. Une Irlande qui se rue dans la « modernité », perdant toute trace de culture ; des citoyens perdus, qui réagissent, pour certains, de la pire manière ; un contexte international qui ne prête guère à rire, avec Bush fils qui entame sa guerre … Ajoutez là-dessus les enquêtes qui le mettent en contact avec ce que l’humain a de plus sombre, et lui révèlent sa propre part d’ombre. Quelques réflexions acerbes de Jack, ses joies littéraires, une description de pub, un moment de grâce avec une femme, ou une gamine, peuvent par moment, laisser percer une lueur d’espoir. Puis, sèchement, Ken Bruen achève son personnage et son lecteur. Sans pitié. Un grand roman, qui secoue.

 

Je crois que je vais lire quelques bibliothèques roses, le temps de me remettre.

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21 août 2007 2 21 /08 /août /2007 09:04

Le polar anglo-saxon, pour notre plus grand plaisir, est un vivier de sales mioches sans respect, d’iconoclastes, de dézingueurs de mal embouchés, d’administrateurs de coups de pieds qui pourtant se perdent, de pornographes, non du phonographe, mais de l’édition. Juste avant les vacances ont été publiés en série noire trois romans sans pitié pour leurs victimes, mais jouissifs pour le lecteur.

 

Le premier est américain, il s’agit du cinquième volet des aventures de Hap Collins (blanc, hétéro, démocrate et looser de la plus belle eau) et Leonard Pine (noir, homo, républicain et looser de la plus belle eau) les deux amis inséparables de Joe R. Lansdale. Celui-ci  commence par une croisière de rêve, qui tourne très vite au cauchemar et à la distribution de beignes. Comme les romans précédents, Tsunami mexicain est totalement déconseillé à tous ceux qui brandissent chapelet, crucifix et gousse d’ail quand ils lisent des mots comme bite, cul ou couille. C’est un fait, dans cette série Lansdale est gras. Mais, Jésus, Marie, Joseph, qu’il est drôle !! J’ai éclaté de rire au moins une dizaine de fois, à la grande surprise des gens qui se trouvaient autour de moi. Heureusement, aucun ne m’a demandé de lui lire ce qui m’avait fait me bidonner, j’aurais peut-être rougi. A ma connaissance aucun autre auteur n’est capable d’écrire des dialogues aussi grossiers, sans jamais tomber dans la vulgarité (mais je ne demande qu’à découvrir). Est-ce le naturel de son écriture ? Sa façon rendre palpable l’amitié et la complicité entre ses personnages ? Son énergie ? Mystère. Outre la rigolade, Lansdale a un sacré sens du rythme, réussit particulièrement bien les scènes de castagne et, mine de rien, sous son nez de clown, dresse roman après roman, le portrait sans complaisance du Texas qu’il a l’air de très bien connaître.

 

Les deux suivants sont irlandais.

 

De Ken Bruen une nouvelle aventure de son duo de flics londoniens de cauchemar. R et B sont de retour dans Blitz. La première scène du bouquin à elle seule justifie la lecture du roman. La confrontation entre Robert, flic violent, ripoux, raciste, machiste … mais loin d’être con avec le psy qu’on l’oblige à aller voir sous peine de le virer de la police renvoie tous les tâcherons qui mettent en scène des flics forcément rebelles, forcément victimes de harcèlement, forcément maltraités, obligés de voir un psy, à leurs chères études. Pour le reste, Ken Bruen qui se revendique ouvertement de l’héritage de McBain et de son 87° district en est sans le moindre doute l’héritier le plus original et le plus déjanté. Il réussit un numéro d’équilibriste de haute voltige, sans cesse sur le fil du rasoir, en limite de caricature et de pastiche, avec l’air de ne rien prendre au sérieux ; et pourtant il construit un vraie œuvre, donnant de l’épaisseur à ses personnages et les humanisant sans jamais perdre son sens de l’humour.

 

Colin Bateman lui tombe à bras raccourcis, et à gorge déployée sur les religieux fanatiques de tous poils. Turbulences catholiques est le plus sombre des trois romans, le plus angoissant aussi. L’histoire de Dan Starkey, journaliste poivrot qui se retrouve sur une île à enquêter sur une soi-disant nouvelle incarnation du Christ fait froid dans le dos, à la manière d’un Shutter Island. Même sentiment de claustrophobie, même panique d’être enfermé avec des fous dangereux dans un endroit coupé du monde. A la différence du chef-d’œuvre de Dennis Lehane, Colin Bateman désamorce tout cela grâce à l’humour, son personnage ne pouvant résister, même en danger de mort, à l’impulsion de se foutre de la pipe des fanatiques intégristes qu’il a en face de lui. Donc on rit, même si parfois c’est un rire un peu jaune.

 

A noter également dans le rayon collection de déjantés, la réédition en poche d’un roman déjà paru en grand format chez Rivages, A poil et en civil de Jerry Stalh qui met en scène une collection d’allumés encore plus méchants que bêtes (ce qui n’est pas un mince exploit) que ne renieraient pas les frères Cohen. C’est délirant, ça va à fond, on se demande à chaque scène comment l’auteur va réussir à tenir la distance et faire encore plus hénaurme. Et pourtant la fin, d’une insolence absolument réjouissante, réussit encore à étonner le lecteur.

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