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16 mai 2013 4 16 /05 /mai /2013 22:24

J’aime beaucoup tous les romans de Dominique Manotti. Sans exception. Alors forcément, quand j’en vois un nouveau, je me réjouis. Quand en plus il parle des réfugiés italiens, des années de plomb, on qu’on sent planer l’ombre de Cesare Battisti (même si en fait l’histoire n’a rien, ou presque, à voir avec lui) je me réjouis doublement. A la lecture de L’évasion, je me dis que j’ai bien eu raison de me réjouir.

Manotti

1987, Filippo Zuliani, jeune délinquant romain s’évade par hasard avec Carlo, un ancien dirigeant des Brigades Rouges avec qui il partageait la cellule. Ils se séparent au bout de quelques heures, et Filippo marche seul dans la montagne jusqu’à Bologne où il apprend en lisant les journaux que Carlo a été abattu lors d’un hold-up à Milan. Il se rend alors à une adresse à Paris, donnée par celui qui était devenu son ami, et rencontre Lisa Biaggi, qui attendait Carlo, son amour et son camarade de lutte. En France il est très mal accueilli par les réfugiés italiens qui voient en lui, au mieux un petit truand méprisable, au pire un infiltré. Pour vaincre ce mépris, il décide d’écrire son histoire, sans se douter qu’il va se trouver pris dans une lutte sans merci entre les différents groupes d’extrême gauche et les services secrets italiens.


Quand j’ai lu, un peu rapidement, le résumé, j’ai immédiatement pensé à Cesare Battisti. Puis je me suis aperçu que le roman n’avait rien à voir avec lui. Sinon le contexte politique. Pas grave, dès le premier chapitre j’étais harponné et j’ai lu L’évasion en un temps record. Il faut dire que le roman est court, et que Dominique Manotti a un style qui me convient parfaitement. Concis, d’une efficacité redoutable et, à l’image des plus grands, d’une fluidité et d’une apparente évidence et simplicité qui donnent une impression de facilité. Son récit coule, entraîne le lecteur d’une phrase à l’autre, d’une page à l’autre.


A ce style habituel elle ajoute ici une construction très habile qui, après les premiers chapitres, quand Zuliani se met à écrire et que tout le monde devient de plus en plus paranoïaque, amène le lecteur à douter lui aussi, à se demander où est la réalité. Qui dit vrai ? Le récit de l’évasion des premiers chapitres raconté à la troisième personne, ou Zuliani quand il le raconte à sa façon ? Quelle part de vérité y a-t-il dans le roman dans le roman ? Une des forces du roman étant d’ailleurs de ne pas éclairer toutes les zones d’ombre, de laisser à chacun le choix d’ajuster les détails à sa façon, à l’aune de sa propre paranoïa. Une autre est de ne jamais poser de façon explicite ces questions (ce qui alourdirait le récit) mais de faire confiance au lecteur pour se les poser tout seul.


Ce qui n’empêche pas le roman, comme toujours chez Manotti, d’être extrêmement bien documenté, et de mettre en lumière les saloperies des services secrets italiens (sans tomber dans la théorie du complot, il vaut mieux se méfier, car comme disait le grand Pierre, ce n’est pas parce que je suis parano qu’ils ne sont pas tous après moi), les divisions et les rancœurs entre différents groupes d’extrême gauche italiens, leur mépris envers Filippo, homme du peuple s’il en est, au nom duquel ils sont censés s’être battus, les rouages très médiatiques et très mercantiles du milieu de l’édition … Tout cela sans jamais juger et sans enlever à personne son humanité.


La conclusion du roman, fort peu optimiste est particulièrement forte, et on croirait y entendre l’auteur elle-même qui, après des années de luttes politiques et syndicales a décidé de passer à la fiction : « Oui, j’abandonne. Ce combat-là est perdu. Si je veux essayer de sauver notre passé, il ne me reste plus qu’une chose à faire. Ecrire des romans. » dit Lisa Biaggi, et sans doute aussi Dominique Manotti.


Dominique Manotti / L’évasion, Série Noire (2013).

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13 avril 2013 6 13 /04 /avril /2013 22:27

Je vous ai déjà causé, ici, de la collection « Quelqu’un a dit ..  » chez In8. Un écrivain, une phrase célèbre, une novella. Cette fois c’est l’incroyable « Justice est faite » prononcée par Obama pour annoncer la mort de Ben Laden. Et c’est Christian Roux qui s’y colle.

 

Roux Justice

La délinquance a explosé et les prisons sont surchargées. Heureusement les élites éclairées ne sont jamais à court d’idées. Elles ont donc inventé une nouvelle façon de punir les contrevenants, tout en satisfaisant les victimes, ces fameuses victimes que la droite (et parfois malheureusement la gauche) présente toujours comme les maltraitées du système judiciaire. Une fois le méchant reconnu coupable, il a le droit de choisir entre une peine de prison (souvent très lourde) et une compensation fixée par la victime, en accord avec un nouveau type de fonctionnaires de la République : le justicier.


La victime perd l’usage d’une jambe ? Elle peut exiger que l’on coupe la jambe du coupable. Sous contrôle du justicier et donc de l’état bien entendu. Et dans des conditions d’hygiène irréprochables ! Le tout couvert par la sécu. Etienne est justicier. Pas que ça l’amuse, mais il faut bien manger. Et c’est un boulot comme un autre. Jusqu’à ce que Zelda, toujours aussi belle, entre dans son bureau …


Après le très exigeant La nuit, un peu de rythme, et un texte court faisait du bien. Surtout quand il est aussi fort. Le texte est très noir, mais cela n’étonnera pas les lecteurs de Christian Roux, il ne fait pas dans le rose d’habitude. Mais cela n’empêche pas l’humour …


Résumé, un excellent texte, glaçant, sinistrement drôle, terriblement angoissant en même temps. Certes on n’en est pas là, certes, la loi du talion mise en texte n’est pas encore de mise. Mais, mais … en est-on si loin ? Est-on si loin quand le président de la plus grande démocratie du monde (c’est du moins ce qu’il dit) confond devant le monde entier justice et vengeance ?


Pour mettre en garde contre les dérives démagogiques qui prétendent mettre la victime au centre du système judiciaire, on peut écrire des analyses très savantes, des réquisitoires rageurs … Ou un peut imaginer ce que cela donnerait si on faisait juste un petit pas de plus. C’est ce que fait Christian Roux, et avec quel talent ! Un petit texte impeccable, humour noir, justesse de ton … Efficacité maximum, de quoi vous dégoûter pendant un bon moment de toutes ces dérives.


Christian Roux / Justice est faite, In8 (2013).

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11 avril 2013 4 11 /04 /avril /2013 21:26

Voilà, j’étais donc englué dans la lecture de La nuit de Frédéric Jaccaud, sorti à la série noire. Je ne sais pas si c’est un polar, ce n’est certainement pas ce que le public qualifie de « thriller » même si c’est ce qu’il y a écrit en quatrième de couverture. Ce qui est certain par contre, c’est que c’est totalement cohérent avec les choix d’Aurélien Masson depuis qu’il est à la tête de cette maison. Une maison qui, avec les Chainas, Stokoe et maintenant Jaccaud nous a offert ce que le « polar » offre de plus original et de plus crépusculaire ces dernières années … A défaut d’être le plus aimable et le plus accessible …

 

Jaccaud

Tromso, quelque part très au nord de l’Europe. L’hiver, propice à toutes les déprimes. Le froid, la nuit perpétuelle, un monde futur (proche) au bord de l’abîme (sans qu’on sache trop quel abîme). Des destins vont se croiser dans ce monde où les animaux de compagnie ont remplacé les enfants, et au moment où ces animaux, justement, semblent mourir en proportion inquiétante.


Karl, vétérinaire urgentiste dépressif, alcoolique et auteur d’un ouvrage désespéré qu’il n’a jamais fait lire à personne ; Maze et Dix, deux gros bras d’une entreprise qui traquent ceux qu’on leur dit de traquer ; Cherry, pute africaine ; Aleksy, ado attardé, informaticien génial qui s’amuse à semer le chaos informatique et à voir les effets sur la vraie vie ; Lucie, militante de la protection des animaux … Et bien d’autres. En quelques jours ils vont se croiser, se télescoper, jusqu’à l’apocalypse.


J’ai écrit dans mon billet précédent que je ne savais pas quoi en penser. C’est toujours en partie vrai. En général, quand je n’avance pas dans la lecture d’un bouquin, quand je ne suis pas impatient de l’ouvrir de nouveau, quand je n’arrive pas à en lire plus de 30 à 40 pages en suivant, c’est mauvais signe. Et souvent je ne vais pas au bout.


Mais pas là. Tous les symptômes étaient là, mais je n’ai jamais cessé d’être étonné, et surtout curieux de voir où voulait aller l’auteur. Le morcellement de la lecture est favorisé par la suite de chapitres très courts, et par la succession rapide des points de vues. Etonnamment, même si on ne peut pas dire que l’auteur recherche l’empathie du lecteur, on veut savoir comment ça va mal finir (car il n’y a aucun doute, ça va mal finir). Et encore plus étonnamment, malgré la noirceur du propos, la cruauté de certaines scènes, il y a aussi un certain humour. Humour noir, mais humour.


A mon goût, il manque dans toute la première partie de ce puzzle une tension dramatique et narrative qui par contre nous tombe dessus sans préavis dans la sixième et avant dernière partie, sobrement nommé « extermination ». Là tout se noue, tout s’accélère et on est, enfin, happé par le récit.


Ce qui ne veut pas dire qu’on s’ennuie avant. Mais on n’est pas impatient. J’imagine que c’est voulu, que la structure éclatée et en apparence peu connectée, sans fil conducteur, est là en écho à un monde où les liens entre les gens ont presque entièrement disparus, mais où leurs faits et gestes ont quand même des interactions qui deviendront évidentes (et catastrophiques) dans la sixième partie. Tout semble donc maîtrisé, très réfléchi, extrêmement intéressant, pas forcément très facile à lire.


Ajoutons qu’on est noyé sous les thématiques (manipulation de l’information, fin du monde, bêtise d’une écologie sans réflexion, drame de la solitude, dérive sécuritaire …), mais que la qualité d’écriture de chaque chapitre et la puissance d’évocation des fragments fait qu’on s’accroche, et qu’on prend plaisir à la lecture par petits bouts.


Un livre étonnant, exigeant, intrigant, passionnant, à lire quand on est en forme.


Frédéric Jaccaud / La nuit, Série Noire (2013).

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27 mars 2013 3 27 /03 /mars /2013 22:41

Ils font des choses bien chez In8. Après la collection polaroïd où je viens de lire le texte de Marin Ledun, voici la collection « Quelqu’un m’a dit … ». Le principe, reprendre une phrase qui est passée à la postérité, de préférence criée par le peuple. Puis demander à un écrivain d’illustrer à sa façon, format court. Dégage ! Ont crié les tunisiens à Ben Ali. C’est ici Marc Villard qui reprend le slogan à son compte.

 

Villard

Ca a fini par arriver, Marine Le Pen est présidente. Sale temps pour les étrangers, les syndicalistes, les gauchistes … et les poètes. Pour survivre, Théo vingt ans accepte d’écrire un poème pour le ministère de la culture. Mais difficile de plaire, quand tant de sujets sont interdits. Car vous savez ce que c’est, ce n’est pas la Présidente, mais « dans l’entourage de la Présidente Le Pen je dois admettre que cet amalgame pose problème. Attention, je ne parle pas de la présidente elle-même qui est très ouverte aux idées nouvelles mais il s’agit plutôt de son euh … »


Voilà, vous avez le ton. A force de se lancer des défis avec son compère Jean-Bernard Pouy, voici donc que Marc Villard se lance dans le domaine de son ami, et écrit une novella de social fiction, politique, sans flic pourri, sans jazz, sans drogue … Mais avec le style Marc Villard, sa maestria dans le maniement de mots, et son humour.


Et il faut en avoir pour imaginer François Bayrou en résistant du fond de son Béarn ! C’est drôle, méchant comme il faut, sans pitié pour la médiocrité et les compromissions des uns et des autres … Bref, on se fait bien plaisir avec cette longue nouvelle.


Marc Villard / Dégage !, In8 (2013). 

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12 mars 2013 2 12 /03 /mars /2013 23:23

La novella est un format encore plus difficile à éditer que la nouvelle. Raison suffisante pour encourager les maisons courageuses qui se lancent, surtout quand elles s’offrent le luxe d’un directeur de collection qui n’est autre que Marc Villard. Et encore plus quand on y trouve des plumes comme Marin Ledun qui signe un No more Nathalie poignant.

Ledun natalie

28 novembre 1981. Nathalie Wood, son mari l’acteur (pas franchement connu), Robert Wagner et Christopher Walken, grande star depuis son rôle dans Voyage au bout de l’enfer embarquent sur un yacht pour faire la bringue dans la baie de Los Angeles. A bord de l’alcool, mais aussi dix kilos de cocaïne et 250 000 dollars. Fric, trahison, sexe, dope et alcool. Tout est en place pour le drame.


Marin Ledun est donc parti d’un cas réel entouré d’ombres, la mort mystérieuse de l’actrice Nathalie Wood. Et comme tout bon écrivain de polar, c’est autour de ces zones d’ombre qu’il a travaillé. Sa version en vaut sans doute une autre. L’important pour le lecteur est qu’elle est cohérente, crédible et surtout décrite avec l’humanité et la lucidité que l’on connait quand on est un lecteur régulier de ses romans.


Il montre ainsi qu’il est aussi à l’aise dans le format court que long, et qu’il peut sortir du cadre social ou « techno-thriller » (je déteste ces classification, c’est mal ce que je fais !) pour faire du « people ».


Bref, quel que soit le sujet qu’il aborde, Marin Ledun est sensible, pertinent et talentueux.


Marin Ledun / No more Nathalie, In8/Polaroid (2013). 

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 23:12

Après Ingrid Astier, voici Elsa Marpeau à la série noire. Autant la première construit (pour l’instant) une œuvre dans la continuité en reprenant certains personnages de son premier roman et en restant dans le style procédural, autant la seconde nous prend une fois de plus à contrepied. Après l’hôpital et les Black Blocs parisiens, elle nous amène à Singapour avec L’expatriée.

 

Marpeau

Elsa, la narratrice s’emmerde ferme à Singapour. Venue accompagner son mari, écrasée par la chaleur et l’humidité autant que par l’inactivité, elle n’arrive pas à écrire et s’ennuie ferme en compagnie d’épouses d’expatriés français aussi bêtes que médisantes. Jusqu’à l’arrivée de Nessim, l’arabe blond, et le coup de foudre. Deux mois après son arrivée, Nessim est assassiné de plusieurs coups de couteaux et Elsa pourrait bien être la coupable toute désignée. L’aide de sa maid philippine la tire d’affaire, mais à quel prix ?


En ce qui me concerne, ce nouveau roman d’Elsa Marpeau est un véritable tour de force. Parce qu’à priori, les états d’âmes d’expatriés qui vivent en cercles fermés dans des résidences de luxe à Singapour, je m’en contrefous. Et encore plus quand ce sont ceux de bonnes femmes qui s’emmerdent et n’ont d’autre occupation que médire, glander autour d’une piscine, ou se donner bonne conscience avec des actions charitables à la con. Voilà c’est dit.


Alors pourquoi un tour de force ? Parce que contre toute attente Elsa Marpeau a réussit à m’intéresser à son histoire, à me passionner même, et à me bluffer méchamment. Et ça, vu le sujet c’était pas gagné.


Tout le mérite revient à sa construction virtuose et à une écriture superbement maîtrisée qui passe de la poésie au plus ton le plus prosaïque, du lyrisme aux détails les plus quotidiens. Une écriture qui fait ressentir la moiteur, la chaleur, l’ennui, la mesquinerie, le racisme quotidien. Sans jamais insister. Une écriture et une construction qui savent suggérer la folie sans jamais la révéler entièrement, qui montrent sans en avoir l’air …


Vraiment, je ne dirais pas que l’expérience fut agréable, mais j’ai été complètement soufflé par la maîtrise et la façon de m’accrocher et de me retourner comme une crêpe.


Elsa Marpeau / L’expatriée, Série Noire (2013).

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13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 22:34

On n’y croyait plus. On pensait qu’il était passé à autre chose. Et pourtant, on espérait. Et ça a fini par arriver. Quoi ? Le grand retour de Jean-Hugues Oppel ! Et en plus il revient là où on ne l’attendait pas, en Afrique, en territoire Awasati. Comme il n’est pas à une contradiction près, ça s’appelle Vostok.

Oppel

Quelque part, dans un coin désertique et écrasé de chaleur la société Métal-IK exploite une mine de terres rares (et ses mineurs). Une exploitation qui s’est faite, comme toujours, au détriment des intérêts des premiers habitants du coin, les awas. Mais bon, on ne va pas laisser une poignée de sauvages nous priver de nos portables. Quand Tanya Lawrence, envoyée d’une officine onusienne vient mettre son nez dans l’affaire, certains tiquent. Et peuvent être tentés de s’en débarrasser de façon expéditive. C’est sans compter sur Tony Donizzi, homme à tout faire et homme de ressource de la mine qui a décidé de la protéger. Pendant que les hommes se débattent dans la chaleur, les awas perçoivent des signes, et commencent à avoir peur …


« les informations géostratégiques touchant de près ou de loin à la situation du territoire Awasati sont classées CONFIDENTIEL jusqu’à nouvel ordre. » peut-on lire en ouvrant Vostok. C’est sans doute pour cela que je n’ai rien trouvé sur internet sur ce territoire qui serait donc fruit de l’imagination débordante du grand Jean-Hugues.


Ce qui ne m’étonne qu’à moitié. Car de l’imagination il en a le bougre. Mais une imagination qui s’appuie sur du concret. Parce que des compagnies minières qui se foutent complètement des intérêts et des modes de vie des gens qu’elles déplacent pour gagner du fric ; qui exploitent à la limite de l’esclavagisme des mineurs qui n’ont d’autre alternative qu’obéir ou crever de faim ; et qui envoient sur place des néo colonialistes alcolos, ambitieux, méprisants et pourris jusqu’à la moelle, il doit bien en exister quelques unes …


Pour le reste, c’est un vrai bonheur de retrouver le style JHO. Phrases qui claquent, humour, sens de la formule et indignation intacte mais jamais moralisatrice. Du rythme, des références qui pleuvent (cinéma, musique, bouquins … on en perd forcément), des scènes d’actions parfaitement maîtrisées et un final grandiose.


En bref JHO est de retour, c’est tant mieux, et on espère déjà que le prochain est en route.


Jean-Hugues Oppel / Vostok, Rivages/Noir (2013).

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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 22:11

Revoilà Ingrid Astier apparue à la série noire il y a quelques années avec Quai des enfers. Revoilà la Seine, Paris. C’est dans Angle mort, et je reste sur la même impression que dans le premier roman. Exactement la même.

 

Astier

On retrouve les flics de Quai des enfers. Côté pile. Et côté face c’est Diego, un braqueur, un fantôme. Jamais attrapé, jamais entrevu par les flics. Diego qui file sans laisser de traces, qui tue sans état d’âme, mais qui a un point d’ancrage, la famille. Son frère et complice Archi, et sa sœur, Adriana, la mésange, trapéziste virtuose au cirque Médrano. Jusqu’au jour où un casse particulièrement violent réalisé avec un caïd d’Aubervilliers met les flics, tous les flics, sur ses traces.


Je pourrais reprendre quasiment mot pour mot ce que j’avais écrit sur Quai des enfers. J’ai retrouvé les qualités et les défauts du premier. Pour prendre une analogie musicale, j’ai eu en lisant Angle mort la même impression que parfois en jouant dans un groupe. Tout le monde semble en place, personne ne fait de fève, et pourtant, pour une raison très difficile à pointer du doigt, ça n’avance pas, ça ne groove pas, on a l’impression de nager tout habillé !


Là c’est pareil. De très belles pages, de bonnes idées et … ça n’avance pas. Et du coup ma lecture a traîné.


Les seules choses que je sais identifier sont, une fois de plus, les mêmes que dans le premier roman. Impossible de m’attacher à un personnage, sauf à Adriana, la seule qui me touche. Et les dialogues me gênent. Je ne les « entend » pas, ils me semblent trop « écrits ».


Entendons nous bien, je sais que tout écrivain travaille son écriture. Je sais aussi que si certaines donnent une impression de facilité et de naturel (comme celles de maîtres comme McBain, Leonard ou Westlake) d’autres revendiquent ouvertement leur étrangeté en quelque sorte (l’ouverture de Versus en est pour moi un exemple éclatant). Mais elles sont portées par une énergie qui fait tout passer. Là j’ai l’impression de voir, de sentir le travail d’écriture, la volonté de faire de belles phrases, de faire claquer les dialogues … mais ça se voit trop et je ne marche pas.


A noter quand même un belle fin, attendue, inévitable, incontournable … Mais réussie. Et oui, quand on va ainsi vers un final quasi obligatoire, il ne reste que deux solutions. Soit on le rate et le lecteur hurle au cliché, soit on le réussit et le lecteur est enchanté parce que parfois on aime avoir ce que l’on attendait. Ici il est beau et réussi. Bravo.


Au résumé, comme pour le premier, un roman ambitieux, de très belles pages, en particulier sur le cirque, mais un ensemble pas totalement convainquant. Et j’attends le prochain … Mais je peux aussi me tromper. J’imagine que si la série noire soutient ce livre et cet auteur, c’est qu’il doit avoir des qualités à côté desquelles je suis passé, mais que certains d’entre vous auront vues … A vous donc.


Ingrid Astier / Angle mort, Série Noire (2013).

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23 janvier 2013 3 23 /01 /janvier /2013 22:55

Rivages démarre l’année avec du sérieux. Avec Ravages, Anne Rambach s’attaque à un des plus grands scandales industriel et sanitaire du XX siècle, celui de l’amiante. Attachez vos ceintures, ça va pas rigoler.

 

Rambach

Diane Harpmann et Elas Délos sont journalistes, elles sont amies, et ne font pas dans le grand journalisme d’investigation si dans la presse d’opinion. Pourtant le jour où Dominique André, grand ami d’Elsa connu pour ses enquêtes dévastatrices se suicide, leur vie bascule. Car Elsa sait que Dominique se sentait menacé, et qu’il n’était pas du genre à lâcher un travail en cours. Avec l’aide de son éditeur elles décident donc de poursuivre sa dernière enquête portant sur le scandale de l’amiante.


Je ne vais pas essayer de vous faire croire que c’est le roman de l’année. Il a, à mon goût, trop de petits défauts littéraires. Par contre il illustre parfaitement ce que peut être le roman noir tel qu’on l’aime quand il décide de se retrousser les manches : un fantastique outil à mettre en lumière les scandales et les horreurs de notre belle société en apparence si policée.


Autant commencer par ce qui cloche, ou ce qui manque pour que ce roman soit une pleine réussite (à mon avis, très subjectif bien entendu). Pour commencer, j’ai une allergie certaine aux super héros. Or cette Diane, superbe, grande et championne d’aïkido, soi-disant fragile, mais pas trop quand même … Ca pourrait passer sans l’épisode un poil mystique de ses capacité extrasensorielles … Là ça m’a agacé. Entendons-nous bien, j’aime bien une touche de fantastique comme chez Connolly, quand c’est assumé et que ça n’a aucune influence l’intrigue. Ici je n’ai vu aucune distance, et ça aide un peu facilement Diane à se sortir d’une grosse difficulté.


Bien. Ensuite j’avoue ne pas avoir très bien vu ce que l’histoire annexe des démêlées de la juge avec la camorra venait faire là. Pour finir, sans que je sache mettre le doigt dessus, parfois chez moi les clichés marchent, d’autre fois ils m’agacent un peu. Donc le cliché du personnage qui se traine un lourd passé fonctionne à fond chez moi chez Jack Taylor par exemple, et là, pas trop. Je vois bien que c’est sensé donner une épaisseur à Diane et Elsa, et provoquer une empathie chez le lecteur. Et flop. En fait, je m’en fous de ses états d’âme. Pourquoi ? Mystère et boule de gomme.


C’était un peu long, je sais, et je ne voudrais surtout pas que cela dissuade les futurs lecteurs, mais je ne pouvais pas non plus dire maintenant tout le bien que je pense du reste en cachant ces défauts …

Tout d’abord, malgré tout, le récit tient la route, les scènes d’action et de suspense sont maîtrisées, l’intrigue est bien menée. D’un point de vue strictement stylistique, c’est dans les descriptions de lieux et d’atmosphères que l’auteur me semble le plus à l’aise.


Ensuite et surtout, le roman est une véritable œuvre de salubrité publique. Grace à sa structure narrative et à l’imagination de l’auteur il arrive à faire ce qu’aucun article n’avais réussi à ce jour : me faire lire quelques centaines de pages sur le scandale de l’amiante en France, sur le rôle des politiques, des industriels, des lobbyistes …


Certes il y a de longs exposés, mais ils arrivent naturellement car, au début du roman, les enquêtrices n’en savent pas plus que le lecteur. Et c’est là l’habileté de l’auteur qui arrive à « recaser » tout ce qu’elle a sans doute appris en préparant son bouquin, sans jamais lasser. Le résultat est beaucoup plus effrayant que le pire, le plus trash, le plus gore des thrillers à base de serial killer cannibale, nécrophile amateur de chair fraiche ! Promis juré.


Et contrairement aux thrillers suscités, il fait réfléchir. Comment est-ce que cela est possible ? (quoique comment, le livre l’explique). Pourquoi nous, eux, moi avons laissé passer tout ça alors que toutes les informations étaient disponibles ? Plus angoissant encore, sur quel sujet est-on en ce moment en train de nous enfumer avec la même facilité et le même cynisme ? Parce qu’il faudrait être bien naïf pour penser que seuls les industriels de l’amiante furent des pourris sans scrupules.


Bref, si Ravages n’est pas, à mon avis, un très grand roman (avis ouvert à discussion), c’est par contre un roman indispensable (et ça, c’est non discutable).


Anne Rambach / Ravages, Rivages/Thriller (2013).


Et comme la triste réalité rejoint souvent la fiction, cette nouvelle entendue sur France Inter ce matin … Les lobbys n’ont pas fini de faire des Ravages. Affaire à suivre.

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 12:12

Pour les amateurs de thrillers français, Bernard Minier est visiblement le nom de l’auteur qui monte, qui monte. Son premier roman, Glacé avait fait parler de lui, et je n’avais lu que du bien du suivant Le cercle. Malgré mon peu de goût pour les thrillers, j’ai décidé de ne pas être sectaire et d’essayer.

 

Minier

Marsac, la Cambridge du sud-ouest, pas loin de Toulouse. Cette petite ville tranquille est un des centres universitaires les plus recherchés de France, surtout pour son lycée et ses prépa littéraires prestigieuses. Quand une prof de français est retrouvée, assassinée chez elle dans des conditions particulièrement spectaculaires et cruelles, cela fait désordre. Le commandant Martin Servaz, de Toulouse, est appelé au secours par Marianne son ancien amour de jeunesse : Hugo, son fils, élève en prépa lettres, a été arrêté. Il était sur les lieux du crime à l’arrivée des gendarmes, prostré, visiblement sous l’emprise de drogues. Marianne est certaine de l’innocence de son fils que tout accuse et demande à Martin de tout faire pour le sauver de la prison. C’est alors que refait surface l’ombre d’un tueur en série que Servaz a déjà affronté et qui s’est évadé depuis deux ans … Le passé récent, et un passé plus ancien vont alors s’inviter dans une enquête à hauts risques.


Ben je crains de persister dans mon manque d’appétence pour le thriller …


Je n’ai rien à reprocher à celui-ci, et je veux bien croire qu’il fasse partie du haut de gamme du genre. L’intrigue est soignée, on tourne les pages, on veut savoir la suite, il y a du suspense. Contrat rempli donc.


Mais il n’y a rien à faire, je n’arrive pas à me passionner pour la vie (ou la mort) des personnages. Donc je ne tremble pas. Et s’il n’y a pas de « thrill » il n’y a plus de thriller. Comme le suspense marche on va au bout pour savoir le fin mot de l’histoire (même si j’avais deviné avant la fin, et en particulier avant les flics), avec curiosité mais sans passion ni crainte. Et du coup, le roman refermé, plus rien.


Qu’est-ce qui fait que je me passionne pour la vie de Jack Taylor, de Charles Resnick, de Charlie Parker de Giorgia Cantini ou de Mario Conde, et que je me fous de celle de Martin Servaz ? A cette question je suis bien incapable de répondre. C’est le mystère de l’étrange résonnance entre un auteur, ses personnages, et un lecteur.


Toujours est-il que, ce que les éditeurs français classent sous le terme de thriller m’est parfois agréable sans plus (comme ici), souvent absolument insupportable (fouillez dans les archives vous trouverez un ou deux exemples).


Bernard Minier / Le cercle XO Editions (2012).

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